C’est la question que se posent actuellement de nombreux parlementaires en Suisse. Les finances fédérales s’enfoncent dans les chiffres rouges, des mesures s’imposent et, au lieu de mettre en place des programmes d’économies strictes, beaucoup aimeraient simplement s’endetter un peu plus. Mais ce n’est pas une bonne idée, car comme l’économiste américain Milton Friedman le savait déjà, on peut fuir les dettes pendant un certain temps, mais elles finissent toujours par nous rattraper.
En Suisse, cette approche a même inspiré la population à adapter la Constitution. En 2001, 85 % des Suisses ont dit oui à un frein à l’endettement. Depuis, l’évolution de la dette s’est stabilisée dans notre pays. Cela a permis à la Suisse de constituer des réserves pour réagir en cas de crise (pandémie ou autre). Des finances publiques bien gérées améliorent ainsi la résilience, comme on le dit en français moderne.
Ne pas contourner le frein
Toutefois, le frein à l’endettement ralentit aussi l’exécution de certaines tâches. Les politiciens ne manquent pas d’idées sur les domaines dans lesquels l’Etat devrait être actif et où il existe encore des prétendues lacunes dans l’approvisionnement. Le frein à l’endettement ralentit la croissance effrénée de l’Etat. Il oblige donc aussi, en période de ressources de plus en plus limitées, à exploiter le potentiel d’économies.
C’est justement cette fonction du frein à l’endettement qui est importante actuellement. Avec la guerre en Ukraine, une mission classique de l’Etat revient sur le devant de la scène : la défense contre les menaces extérieures. Ce bien public est tombé dans l’oubli en Europe après la chute du rideau de fer. Mais au lieu de réduire les dépenses superflues pour le remettre à disposition, de nombreuses figures politiques préfèrent contourner le frein à l’endettement. En Allemagne par exemple, un fonds spécial a rapidement été créé pour les dépenses liées à la défense.
En Suisse, de tels stratagèmes ne sont pas (jusqu’à présent) de mise. Si l’on veut augmenter les dépenses militaires, il faut soit économiser ailleurs, soit augmenter les recettes afin de maintenir l’équilibre des finances publiques. Dans un monde idéal, que devrait-on faire ?
Les recherches de l’économiste Alberto Alesina permettent de répondre à cette question. Les stabilisations réussies se distinguent de celles qui ne le sont pas par le fait que les premières réduisent avant tout les dépenses. Par ailleurs, l’économiste souligne qu’il faudrait réduire en priorité les effectifs de la fonction publique et les prestations sociales. En revanche, il n’est pas recommandé de réduire les investissements publics ou d’augmenter les impôts.
Des économies possibles un peu partout
Si l’on veut assainir le budget, économiser est donc une vertu, même pour l’Etat. Dans cette série d’été, notre équipe de recherche montre où l’on pourrait économiser dans le budget fédéral de 86 milliards de francs. Ce faisant, il faut s’attendre à quelques faits surprenants. Saviez-vous par exemple que la Confédération subventionne le trafic d’agglomération à hauteur de centaines de millions de francs, alors que ce sont surtout les cantons qui en bénéficient ?
L’écrivain américain Henry Miller savait déjà que rien n’est aussi durable qu’une mesure provisoire. Cela vaut également pour les dépenses publiques temporaires. Ce sont justement les prétendus «financements de départ» qui ne prennent jamais fin, qui se prêtent aux économies.
En résumé : nous estimons un potentiel d’économies s’élevant à plusieurs milliards au niveau fédéral. La première partie de notre série en neuf volets débute avec la péréquation financière entre les cantons. Il devient évident que ses réformes n’ont été possibles que grâce à la distribution continue de cadeaux coûteux. Des finances fédérales tendues, voilà le moment opportun pour serrer la vis.
Nous vous souhaitons une lecture enrichissante !
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