Une politique de la consommation efficace doit avant tout veiller à ce que la concurrence fonctionne le mieux possible et que les consommateurs puissent faire entendre leurs souhaits et besoins sur le marché. Les interventions étatiques en faveur des consommateurs ne doivent avoir lieu que si les marchés ne fonctionnent pas de manière souhaitable, c’est-à-dire lorsqu’il y a une défaillance de marché. Cette défaillance de marché peut exister lorsque les consommateurs s’opposent aux entreprises qui ont une position dominante. Si les entreprises ne sont (plus) exposées à aucune forme de pression concurrentielle, cela ouvre la voie à des augmentations de prix, à une baisse de la qualité ou à l’instauration de restrictions à l’entrée des marchés pour de nouveaux concurrents. La position dominante existe d’une part lorsqu’une firme dispose d’une place quasi-monopolistique et d’autre part quand des entreprises restreignent ou éliminent la concurrence par des accords spécifiques (cartels). Empêcher de telles entraves pernicieuses à la concurrence pour les consommateurs et l’économie doit figurer au centre du droit de la concurrence.
Propositions pour une loi sur les cartels plus efficace
Un droit de la concurrence fort, qui contribue à la préservation des conditions-cadres concurrentielles, profite donc toujours aussi aux consommateurs. L’actuelle loi suisse sur les cartels permet déjà, dans les grandes lignes, une protection effective de la concurrence. Dans le cadre d’une évaluation de la loi sur les cartels en 2008, les législateurs ont cependant démontré que plusieurs améliorations étaient possibles, dont certaines qui renforceraient la place du consommateur. En voici trois exemples :
- Echanges accrus avec les différentes autorités responsables de la concurrence à l’étranger: avec l’interdépendance croissante de l’économie suisse, les restrictions transfrontières en matière de concurrence sont toujours plus nombreuses. Ainsi, les cartels sont moins nombreux à s’arrêter aux frontières. Les possibilités de coopération internationale de la Commission de la concurrence (COMCO) sont cependant limitées. C’est pourquoi la COMCO n’a, au-delà des frontières, de facto aucune emprise effective sur les cartels étrangers ou les entreprises dominantes sur le marché qui discriminent abusivement les consommateurs suisses. C’est pourquoi il serait recommandable que la COMCO puisse, sous certaines conditions, permettre l’échange d’information avec des organisations partenaires soigneusement choisies au préalable.
- Un contrôle des fusions plus efficace : les plupart des fusions se font sans problèmes et peuvent même avoir un effet (souhaitable) d’augmentation d’efficience pour la société. Mais dans les marchés concentrés, avec de nombreuses restrictions d’accès, le risque existe que les fusions portent atteinte plus que de raison à la concurrence. Il s’en suit inévitablement une hausse des prix aux dépens des consommateurs. Le contrôle des fusions effectué actuellement en Suisse est si souple, que pour la COMCO, il est impossible d’empêcher des fusions nuisibles à l’économie (par ex. au niveau du commerce de détail). Il est évident que l’introduction d’un contrôle des fusions plus efficace serait dans l’intérêt des consommateurs.
- Le droit pour les consommateurs ainsi que pour les associations de consommateur d’intenter une action : en principe, la loi sur les cartels peut aussi s’appliquer en matière de droit civil (par ex. devant un tribunal cantonal). Mais à cause du risque de coûts de procédure élevés, l’intérêt en Suisse pour cette voie civile est relativement faible. Dans le cadre des discussions sur la valorisation de la voie de recours civile, il a en outre été question de l’introduction d’un droit d’intenter une action pour les consommateurs, car paradoxalement, il n’existe pas encore un tel droit en Suisse. Mais puisque la revendication de droits individuels relatifs à la loi sur les cartels pourrait, dans la plupart des cas, nécessiter des ressources excessives, il a été recommandé au législateur d’intégrer un droit de recours pour les associations de consommateurs dans la loi sur les cartels. Un tel droit de recours devrait en premier lieu contenir des injonctions et des prétentions à la liquidation. De là à déterminer si elle devrait également contenir des droits de dommages et intérêts reste ouvert : tant qu’on ne peut pas exclure que cela inciterait les particuliers à porter plainte de manière excessive, il est déconseillé d’adopter un droit de recours avec dommages et intérêts.
En février 2012, le Conseil fédéral a adopté le message relatif à la révision de la loi sur les cartels. Toutefois, au lieu de s’en tenir aux recommandations contenues dans l’évaluation, on a dévié des points essentiels sous la pression du renforcement du franc en été 2011. Le débat parlementaire qui a suivi a en outre été compliqué à cause de la proéminence d’intérêts particuliers (voir à ce sujet : «Les leçons d’une révision avortée»). En automne 2014, après environ deux ans de débats infructueux, la révision de la loi sur les cartels fit naufrage au Parlement. Par conséquent, les réformes qui profiteraient aux consommateurs sont laissées de côté jusqu’à nouvel ordre. Les mauvaises langues pourraient dire que le plus grand danger pour les consommateurs ne réside pas du côté des entreprises mais viendrait plutôt du politique.
Vous trouverez plus d’information sur le sujet dans l’avenir débat «Liberté des consommateurs menacée».