Dans de nombreux pays, le thème du «vieillissement de la population» s’est récemment répandu dans les milieux politiques et les organisations internationales, ainsi que dans les médias et le marché du livre. L’impact de ce glissement démographique vers un vieillissement et parfois même un rétrécissement de la population est débattu à maints niveaux lors de conférences et de manifestations dans de nombreux domaines. Historiquement parlant, cette évolution est nouvelle et unique, puisque jusqu’à présent l’histoire de l’humanité a toujours été caractérisée par des sociétés en expansion, donc jeunes. Les conséquences sociales, économiques et politiques de cette transition historique commencent seulement à faire leur apparition dans les discussions publiques.
Afin d’inviter les décideurs politiques et économiques à prendre conscience de ce phénomène, le think-tank washingtonien, le «Center for Strategic and International Studies» (csis) a élaboré un programme de recherches et de discussions portant le titre de «Global Aging Initiative». Dans ce cadre, une conférence sur le thème «Managing the Global Age Transition» s’est déroulée en janvier 2001 au «Center for Global Dialog», à Rüschlikon, en Suisse. Des spécialistes issus des milieux démographiques et économiques, mais aussi des représentants gouvernementaux de premier plan ainsi que des parlementaires du monde entier ont débattu de cette crise mondiale du vieillissement à travers de nombreux exposés. Il est apparu un large consensus sur les défis démographiques auxquels seront confrontés tous les domaines de l’économie et de la politique, à commencer par les systèmes de pension ou de santé en allant jusqu’au marché du travail et à la sécurité nationale. La dimension mondiale de la question est devenue évidente, lorsque les représentants du «Sud», plus jeunes, se sont vus attribuer le rôle de source de renouvellement démographique, voire de réservoir de jeunes pour le «Nord» vieillissant.
Parmi toutes ces prévisions et les avertissements sur les problèmes à venir, voire même les effondrements qui se préparent, ce sont surtout les études mettant en garde contre les effets du vieillissement de la population sur les systèmes de pension, et à travers eux sur les marchés des capitaux, qui ont attiré l’attention. Robert Stowe England, le directeur de recherches de «Global Aging Initiative» a présenté sous le titre de «Hard Landing» un livre blanc sur l’impact du vieillissement sur les marchés financiers mondiaux. Ce livre, se fondant sur de nombreux calculs et études, soutient la thèse selon laquelle les caisses de pension américaines passeront d’ici 10 ans du statut d’investisseur net à celui de désinvestisseur net. Ce qui, mis à part un déplacement massif des actions vers des investissements à taux fixes, produirait une pression tellement énorme sur les marchés, que des «atterrissages douloureux» en seraient la conséquence inévitable.
Même si d’autres économistes renommés ne partagent pas ces vues et considèrent que cette thèse du «asset meltdown» est exagérée, les craintes des chercheurs du csis méritent notre attention. Du moins du point de vue suisse, il semblerait indiqué d’examiner le deuxième pilier par rapport au vieillissement de la société – même si l’on admet généralement que les capitaux de prévoyance sont mieux armés face aux risques démographiques qu’un système de répartition tel que l’AVS. On peut en effet supposer qu’en raison des anciennes prescriptions en matière de placement, de l’exiguïté du marché suisse et de la part importante des investissements immobiliers, les effets annoncés par les experts du csis seront particulièrement dramatiques.
C’est pourquoi Avenir Suisse n’a pas chargé un actuaire, ou un expert en LPP, mais un spécialiste des marchés des capitaux et chercheur dans le domaine du risque, le professeur Heinz Zimmermann du Centre des Sciences Economiques (wwz) de l’Université de Bâle, de faire une étude des risques liés à la prévoyance capitalisée.
M. Zimmermann et sa collaboratrice, Andrea Bubb, ont d’emblée mis en doute la thèse de cet effondrement des marchés financiers provoqué par l’évolution démographique. Ils réfutent également ce point de vue dans leur étude – voilà pour la bonne nouvelle. Mais en analysant le système préconisé par la lpp du point de vue du marché des capitaux, ils ont relevé des problèmes et des risques importants et inhérents au système, qui exigeraient des mesures et des réformes, voire un changement de mentalité. Dans la révision actuelle de la LPP, une telle orientation n’est cependant guère perceptible. La marge de manoeuvre se situe entre le réflexe visant à renforcer l’Etat providence et le règlement de certaines questions techniques détaillées. Mais Zimmermann et Bubb démontrent que la prévoyance fondée sur la capitalisation se trouve finalement confrontée à des attentes dont découlent des exigences politiques et des «garanties» étatiques qui ne peuvent être satisfaites par le marché des capitaux. C’est pourquoi il n’existe pas de prévoyance sans risque, encore moins dans des conditions démographiques fondamentalement modifiées.