Autrefois, le paysage médiatique était bien délimitée : la radio et la télévision d’une part et la presse de l’autre. Pendant longtemps, cela a permis une concurrence indirecte entre la SSR et les médias privés. Mais la numérisation a mis fin à cette situation, et les médias ont proliféré : podcasts, vidéos et textes que n’importe qui peut publier en ligne.

Alors que la couleur faisait son apparition à l’écran, la SSR était le leader incontesté des médias électroniques en Suisse. (Bibliothèque de l’ETH Zurich, archives photographiques, env. 1967)

Il est compréhensible que la SSR s’aventure elle aussi sur de nouveaux terrains. Mais du point de vue de la politique des médias, la concurrence de plus en plus directe avec le privé est problématique. Des distorsions de concurrence menacent et pourraient entraîner des répercussions négatives sur la diversité des médias. Il convient donc de redéfinir les médias de service public.

Comme toujours, il s’agit d’optimiser l’ensemble des prix et des offres du mandat de service universel. Des adaptations de l’offre sont déjà en discussion. Ainsi, la SSR devrait se concentrer davantage sur un rôle complémentaire, notamment en ligne. L’accent devrait être mis sur les contenus médiatiques importants pour la démocratie que les médias privés ne proposent pas. Mais il y a aussi des ajustements possibles qui ne font presque jamais l’objet de débats : ceux au niveau du prix payé par le client final.

En effet, service public ne rime pas avec gratuité des offres. Ainsi, l’offre de service universel proposée par Swisscom n’est pas gratuite. Si ces services étaient gratuits, les opérateurs privés tels que Sunrise seraient évincés du marché. Pendant longtemps, le prix payé par le client final n’était pas fixé à zéro franc pour le média de service public. Auparavant, une redevance n’était prélevée uniquement si l’on possédait appareil de réception . Il s’agissait d’une sorte de modèle d’abonnement partiellement imposé, qui faisait la distinction entre la radio et la télévision.

Toutefois, avec l’avènement d’Internet, tout ordinateur et téléphone portable est considéré comme étant un appareil de réception. C’est pourquoi les milieux politiques ont remplacé la redevance de réception par une redevance obligatoire et ont fixé à zéro franc tous les prix payés par le client final . Cette décision semble avoir été prise sous l’influence de la «culture de la gratuité» qui régnait à l’époque sur Internet. Mais entre-temps, les modèles d’abonnement pour les contenus médiatiques numériques se sont largement répandus.

C’est pourquoi Avenir Suisse propose également pour la SSR un modèle d’abonnement pour son offre en ligne : le «modèle de redevance 2.0». Une redevance générale serait toujours nécessaire. Premièrement, la radio et la télévision classiques seraient toujours disponibles gratuitement. Deuxièmement, des contenus médiatiques pertinents pour la démocratie devraient également être produits en ligne dans toutes les langues nationales, ce que le marché n’offre pas. La redevance actuelle pourrait toutefois être réduite pour une offre identique, puisqu’il y aurait désormais une participation des utilisateurs aux coûts.

L’inconvénient d’un modèle de redevance 2.0 serait une diffusion plus réduite, et donc son impact démocratique s’en verrait réduit. En revanche, l’avantage serait de limiter la distorsion de la concurrence. Depuis toujours, la politique des médias doit soupeser ces objectifs. Ainsi, la SSR n’a pas le droit d’imprimer ses contenus et de les distribuer comme journal gratuit. Un modèle de redevance 2.0 rendrait ce conflit d’objectifs transparent dans le domaine en ligne et permettrait une délimitation plus précise.

Dans notre publication «Une politique des médias pour l’ère numérique», nous avons établi des différenciations à ce sujet, mais aussi des idées de réforme plus approfondies. Car un modèle de redevance 2.0 peut certes améliorer la situation actuelle, mais ne peut pas éliminer les problèmes fondamentaux d’un ordre médiatique dépassé. Pour préserver à l’avenir un paysage médiatique varié, des réformes plus complètes seront nécessaires à plus ou moins long terme.

Cet article est une contribution publiée par Tamedia. Notre étude «Une politique des médias pour l’ère numérique» est disponible en ligne.