Le colloque d’automne pour les donateurs d’Avenir Suisse s’est tenu le 3 octobre 2017 au «Kaufleuten» de Zurich. Il s’est articulé autour de la plus récente publication d’Avenir Suisse, présentée aux médias le lendemain. Dans «Quand les robots arrivent – Préparer le marché du travail à la numérisation», Tibère Adler et Marco Salvi examinent les défis de la numérisation pour le marché du travail. La réponse positive et engagée des invités et participants a démontré à quel point le sujet est brûlant.

Après un discours de bienvenue de Thomas Hammer, président de la Fondation des donateurs, Peter Grünenfelder, directeur d’Avenir Suisse, a exposé son panorama d’automne des perspectives libérales. Il a également présenté le contexte économique sur lequel repose l’étude sur les nouvelles formes de travail. Bien que la Suisse occupe des positions de premier plan dans de nombreux classements internationaux, sa prospérité à long terme est menacée par une incapacité de mettre en œuvre des réformes, par exemple pour assurer l’avenir de la prévoyance vieillesse ou flexibiliser le marché du travail, ainsi que par l’augmentation des tendances protectionnistes. Il est donc important de mettre fin au blocage des réformes, de surmonter les obstacles structurels et mentaux et d’accroître la volonté d’entreprendre des réformes libérales.

Encourager la mobilité

Tibère Adler et Marco Salvi expliquent en détail les défis de la numérisation et les mesures proposées par Avenir Suisse pour les relever. L’augmentation du «travail atypique» en Suisse, critiquée par les syndicats, n’est pour l’instant pas confirmée, après une analyse factuelle des données statistiques. De plus, les employés se sont jusqu’à présent bien adaptés aux exigences du développement technique. Une «robocalypse» n’est pas imminente. Néanmoins, il est important de se préparer à une numérisation plus poussée – tant en favorisant la mobilité sur le marché du travail que dans le domaine de la formation.

La Suisse serait bien avisée de profiter de son avance en matière d’innovation par rapport à beaucoup d’autres pays, car cette avance tend à fondre. Ce point a été clairement mis en évidence dans la présentation de Daniel Susskind. Le chercheur du Balliol College de l’Université d’Oxford et co-auteur du livre «The Future of the Professions», très remarqué, traite de l’impact de la technologie sur les entreprises et la société. Selon M. Susskind, la division traditionnelle du monde du travail en «métiers» et en «professions» repose sur la nécessité pour les entreprises de disposer d’une expertise pratique dans un large éventail de domaines. Cette division du travail a été un grand succès à l’ère pré-numérique. Cependant, la numérisation permettra de diffuser beaucoup plus largement les connaissances des experts, ce qui conduira à une réorganisation du monde professionnel. Les tâches complexes peuvent être souvent décomposées en processus à petites étapes, dont certaines seront de plus en plus souvent confiées à des machines. A long terme, l’économiste prévoit que de nombreux métiers ne se définiront plus comme tels, mais comme une somme de missions individuelles. Selon Susskind, le profil de métiers actuellement connus est appelé à profondément se modifier.

L’étude Avenir Suisse relève plusieurs indices que les prédictions de Susskind relèvent moins de la science-fiction que certains d’entre nous pourraient le souhaiter. C’est précisément pourquoi, à l’ère de la numérisation, le principe directeur du marché du travail suisse doit être : flexibiliser plutôt que réglementer. La proportion de personnes ayant des occupations multiples, mais aussi celle travaillant à temps partiel, a fortement augmenté. De nombreux domaines doivent être réformés : droit public du travail, en particulier la réglementation du temps de travail ; assurances sociales, encore trop orientées vers les carrières linéaires ; et la formation, qui doit enfin intégrer dans ses programmes la compréhension des processus numériques.

L’optimisme est justifié

La table ronde, animée par Jakob Schaad, vice-directeur d’Avenir-Suisse, a été très intéressante. Les résultats de la recherche ont été discutés avec des chefs d’entreprise. Marc Bürki, CEO de Swissquote, a pleinement confirmé l’émergence de nouveaux modèles numériques. La banque électronique traite déjà aujourd’hui automatiquement de nombreux processus et se trouve ainsi en concurrence avec les activités des institutions financières traditionnelles. Nicole Burth Tschudi, CEO d’Adecco Suisse, a expliqué que la polarisation croissante du marché du travail, avec des opportunités pour les personnes les plus instruites, est déjà une réalité. Daniel Daeniker, associé principal du cabinet d’avocats Homburger, est peu inquiété par le changement numérique de professions hautement qualifiées comme les médecins ou les avocats prédit par Susskind. Il voit les machines comme des outils, et imagine difficilement l’automatisation d’une consultation personnelle du client.

Quelle était la conclusion de la soirée ? «Wir sehn betroffen, den Vorhang zu un dalle Fragen offen» (traduction approximative : «nous paraissons concernés une fois le rideau tombé, et toutes les questions restent ouvertes»). Cette citation de Brecht, avec laquelle le critique littéraire allemand Marcel Reich-Ranicki concluait son émission à la télévision, n’était pas à sa place ce soir-là. De l’avis général, les participants étaient convaincus que les questions soulevées pouvaient trouver une réponse et que les défis seraient relevés. Cet espoir repose notamment sur la confiance qu’inspire un marché du travail libéral et sur la jeune génération. Il y avait également un large consensus sur le fait que la formation était la meilleure recette pour ne pas perdre la maîtrise sur les robots à l’avenir.

Rien n’empêchait donc une conclusion optimiste pour l’événement. Dans son allocution, Andreas Schmid, président de la fondation, a remercié les participants pour leur soutien à Avenir Suisse et les a invités à passer au cocktail dînatoire, une occasion de discuter et d’échanger encore sur les thèmes abordés lors de la soirée.