En octobre, Jérôme Cosandey a publié un article dans le supplément sur l’assurance maladie et la prévoyance de la Sonntagszeitung. Il s’est exprimé en faveur d’un libre de choix de caisse de pension. Il a ensuite échangé à ce sujet avec Peter Wirth du Vorsorgeforum par courriel.
Cher Jérôme,
Tu proposes que les partenaires sociaux définissent l’ampleur de la prévoyance professionnelle, à savoir l’enveloppe des prestations, et que les assurés devraient alors être libres de confier leur capital d’épargne et leurs contributions salariales à la caisse de leur choix. Les risques d’invalidité et de décès continuerait à être assurés collectivement avec l’employeur.
Toutefois, d’amblée, il y a un problème. Les prestations de prévoyances sont déterminées par l’employeur. On ne peut pas obliger ce dernier à verser des prestations supérieures au minimum prévu par la LPP. Le libre choix de la caisse de pension supprime le lien entre la caisse et l’employeur. Quelle serait alors sa motivation de faire plus que le minimum requis ?
A quoi ressemblerait une caisse de pension qui devrait acquérir des assurés sur le marché ? Elle ressemblerait davantage à une assurance collective qu’à une caisse de pension classique, car elle ne pourrait pas se permettre d’être en sous-couverture. Un employeur ne peut être contraint de verser des contributions d’assainissement à une caisse librement choisie par un assuré. Il faudrait donc exiger des garanties comme dans le cas de l’assurance collective, avec des restrictions correspondantes du côté des investissements et des conséquences sur le rendement. Y aurait-il un autre moyen ?
Nous avons déjà développé dans le Vorsorgeforum l’idée de laisser la partie obligatoire plus ou moins sous sa forme actuelle, et de libérer la partie surobligatoire sous la forme des plans 1e. Pour ces derniers, il n’est pas nécessaire d’être lié à une caisse. Les problèmes d’assainissement et de subventions croisées ne se posent plus.
Cher Peter,
Je ne suis pas d’accord avec ta première objection selon laquelle les employeurs ne choisiraient plus que des plans minimums. Cette crainte avait déjà été exprimée lors de l’introduction de la loi sur le libre passage (LFLP) au début des années 1990. On entendait alors souvent : pourquoi un employeur devrait-il s’impliquer si l’argent suit l’employé lorsque ce dernier change de travail ? Et, surprise : nous disposons d’encore environ 650 milliards de francs dans le régime surobligatoire.
Pourquoi ? Tant que les cotisations d’épargne LPP sont exonérées d’impôt, il est intéressant pour l’employeur de verser une partie du salaire dans le 2e pilier. L’employé gagne plus, simplement de façon différée. Pour l’employeur, la rémunération totale reste la même, mais il peut se positionner comme étant «généreux et moderne» en offrant de prestations de retraite attractive. De plus, la comparaison des solutions de prévoyance est moins transparente qu’un seul chiffre comme le salaire brut. Cela permet une meilleure différenciation.
La deuxième objection, selon laquelle la liberté de choix de caisse de pension diminuerait la capacité de risque de ces caisses est juste. Cela entraînerait également une perte de rendement. En contrepartie, les subventions croisées contraires au système disparaîtrait largement. Rappelons qu’il s’agit d’environ 1700 francs par assuré par an. Cet avantage devrait être pris en compte et mis en balance face à la perte de rendement.
En ce qui concerne les régimes 1e (même si je les soutiens en principe), il faudrait alors faire preuve de la même réserve (à mon avis infondée) concernant l’engagement des employeurs dans le régime de retraite surobligatoire.
Pourquoi un employeur irait-il au-delà du niveau LPP minimum avec les plans 1e et non avec le libre choix des caisses de pension ? Dans les deux cas, il peut se positionner sur le marché avec des offres supérieures à la moyenne.
Finalement, les plans 1e ne sont disponibles que pour les revenus élevés. Mais il existe pour les revenus «normaux» d’autres solutions dans le surobligatoire, comme la réduction de la déduction de coordination ou des cotisations d’épargne supplémentaires qui pourraient être proposées avec le libre choix de la caisse de pension, mais pas avec les plans 1e.
Cher Jérôme,
Ton objection sur le risque d’un engagement réduit des employeurs lors de l’introduction du libre choix de la caisse de pension est probablement correcte. Je te concède ce point. Mais je crains qu’aujourd’hui déjà la prévoyance professionnelle ne perde de son attrait, en partie à cause de facteurs externes et en partie pour des raisons faites maison. Cette situation se répercute également sur le niveau des prestations.
Tu notes aussi le danger que les caisses librement choisies puissent prendre moins de risques avec leurs investissements. Tu compares cela aux subventions croisées déjà existantes. Mais il faudrait résoudre le problème de la redistribution avant d’introduire le libre choix de la caisse de pension. Une condition préalable serait de disposer d’un taux de conversion actuariel correct. Et nous nous en éloignons de plus en plus chaque jour.
Et à propos des plans 1e : ils ont aussi leurs inconvénients et ne sont en aucun cas la panacée. Je pense qu’ils sont aussi le résultat du manque d’action de la politique.
Le libre choix de caisse de pension est en tous cas une approche intéressante pour penser le développement de la prévoyance professionnelle. Elle répond probablement aussi à un besoin croissant chez les jeunes assurés. Compte tenu des propositions insuffisantes de révision de la LPP, je pense qu’il est aussi important de le relever.
Cher Peter,
Je suis conscient que le libre choix de la caisse de pension ne peut résoudre tous les problèmes du 2e pilier. Il est également vrai qu’avant de modifier le système, il faut régler des problèmes du modèle existant. Mais c’est précisément là mon point : la discussion sur le libre choix de la caisse de pension montre clairement qu’un nouveau système ne serait pas parfait, mais que la prévoyance professionnelle actuelle ne l’est pas non plus, et de loin.
Cet échange de courriels a été publié le 23 novembre 2020 dans l’infolettre de Vorsorgeforum.