La Suisse romande a du potentiel économique : le négoce de matières premières est florissant dans notre pays. 50% du commerce mondial de café passe notamment par Genève, le secteur de la chimie a connu une évolution extrêmement positive ces dernières années et le boom de l’industrie horlogère est parlant. La région bénéficie de bonnes liaisons de transport et dispose d’un aéroport international et de nombreuses hautes écoles. En matière de PIB, la Suisse romande a enregistré depuis 2000 une croissance de 33,7% (mais n’a pas encore tout à fait rattrapé la moyenne nationale). Les Romands sont donc bien placés.

L’indice de liberté d’Avenir Suisse de cette année confirme que la Suisse romande jouit de bonnes conditions-cadre. Si l’on considère les indicateurs économiques de l’indice, la Suisse francophone tient la comparaison avec les cantons germanophones en matière d’équilibre des finances cantonales. Une tendance similaire se dessine également pour les investissements publics dans le logement ou la charge fiscale pour une famille moyenne. Malgré tout, les cantons francophones – à l’exception du Jura – ne parviennent pas à se hisser dans le top 10 de l’indice de liberté. La très bonne position du canton du Jura dans le classement tient exclusivement à son excellente performance dans l’indice civil.

Plus forte propension à réglementer en Suisse romande

Les résultats moins favorables des Romands dans l’indice de liberté d’Avenir Suisse s’expliquent avant tout par une plus grande propension à réglementer, qui se manifeste non seulement dans le domaine civil, mais aussi dans le domaine économique. En considérant uniquement les indicateurs du sous-indice économique mesurant la réglementation «classique», c’est-à-dire ceux qui se fondent sur une prescription réglementaire, le bilan est clair (cf. figure): le premier canton romand (Neuchâtel) arrive en 15e position, et les cantons de Vaud, Fribourg, Jura, Genève et le Tessin se partagent les cinq dernières places.

Cela ne signifie pas que les cantons de Suisse alémanique ne réglementent pas. Mais les Romands le font plus fréquemment et surtout plus intensivement que les Suisses alémaniques. Le marché du travail l’illustre parfaitement : en Suisse romande, 23 conventions collectives de travail (CCT) et 7 contrats-type de travail (CTT) régissent le marché du travail régional. En comparaison, les cantons de Suisse alémanique ne comptent que 7 conventions collectives de travail et 5 contrats-type de travail. Les lois sur la vente d’alcool ou les taxes d’exploitation dans la restauration et l’hôtellerie sont d’autres exemples de la culture réglementaire plus marquée. Dans ces domaines, les cantons francophones réglementent plus que leurs voisins. En plus des différences de mentalité et de comportement de vote, un Röstigraben semble exister dans le domaine de la réglementation.

La figure montre le classement de tous les cantons en se fondant uniquement sur les indicateurs économiques liés à une prescription réglementaire : frein à l’endettement, horaire d’ouverture des magasins, loi sur la vente d’alcool, monopoles cantonaux, déductibilité fiscale des frais de garde externe, taxes d’exploitation dans la restauration et l’hôtellerie, analyse d’impact de la réglementation et réglementation régionale du marché du travail (La valeur 50 représente la moyenne cantonale, 0 le minimum et 100 le maximum. Les valeurs supérieures ou inférieures à 50 points montrent qu’un canton obtient respectivement des résultats en dessus ou en dessous de la moyenne par rapport aux autres cantons.)

Une culture de la réglementation plus prononcée en Suisse romande

Mais, la forte culture réglementaire n’est pas seulement un problème en Suisse romande. Ce phénomène touche l’ensemble du pays : ces dernières années, le nombre de lois et d’ordonnances a augmenté dans des proportions alarmantes dans toute la Suisse. On peut parler d’une véritable jungle réglementaire. Au total, le droit interne suisse et les accords internationaux comportent aujourd’hui plus de 69 000 pages. S’ajoutent à cela d’innombrables réglementations cantonales et communales. Et l’activité réglementaire se poursuit : rien qu’entre 2014 et 2015, le nombre de pages de droit interne et international a encore augmenté de 1200 pages, ce qui correspond à 23 nouvelles pages par semaine.

La poursuite de l’activité réglementaire aux différents niveaux étatiques suscite des craintes croissantes : les coûts en résultant pourraient alourdir excessivement l’économie et nuire à la compétitivité et à la force d’innovation de la Suisse à moyen et long termes. Des classements internationaux tels que l’indice «Ease of Doing Business» de la Banque mondiale, où la Suisse est passée de la 11e place en 2007 à la 33e place en 2017, montrent qu’il ne s’agit pas seulement d’alarmisme sans fondement. En fin de compte, l’activité réglementaire devrait non seulement être limitée, mais aussi mieux coordonnée afin d’éviter que des réglementations se recoupent ou soient même contradictoires. En 2016, Avenir Suisse a présenté des propositions en ce sens dans une publication de 2016 (Sortir de la jungle réglementaire II).