Le 6 mars 2017, le Conseil des Etats a accepté la motion «Interdire les contrats léonins des plateformes de réservation en ligne avec l’hôtellerie». Celle-ci a pour but d’interdire les clauses de parité tarifaire, qui empêchent les hôtels d’offrir des chambres à un prix plus avantageux sur leur propre site internet que sur les plateformes de réservation en ligne, telles que Booking.com. Du point de vue de la politique de concurrence, une telle décision serait très contestable et pourrait créer un lourd préjudice.
Les plateformes telles que les foires, bourses, journaux quotidiens ou les cartes de crédit réunissent des groupes d’utilisateurs disparates (par ex : les acheteurs et les vendeurs d’un produit). La plateforme agit comme un intermédiaire qui facilite la conclusi0n de la transaction voir même, dans certains cas extrêmes, la rend possible. Ainsi, elle crée une plus-value pour toutes les parties concernées. Ces dernières années, internet a donné un nouvel élan aux marchés en ligne. Les portails commerciaux en ligne, tels qu’AirBnB, eBay ou Uber, sont l’expression de cette évolution. Ils perçoivent généralement une commission pour leurs services, alors que le prix final pour le client est fixé par le prestataire de services.
Un composant typique de ce que l’on appelle le modèle économique de l’agent commercial est la clause de parité tarifaire qui est censée éviter que les produits commercialisés soient proposés à un meilleur prix sur d’autres circuits de distribution. Autrement dit, les plateformes commerciales sont confrontées au problème classique du passager clandestin : pour les clients, il y a une incitation à chercher d’abord sur une plateforme commerciale pour comparer les offres et les prix, puis à réaliser concrètement l’achat ailleurs, par un canal de vente moins cher. Dès lors, la plateforme perd sa source de revenus et devra, tôt ou tard, cesser ses activités.
Les clauses de parité tarifaire peuvent être «larges» ou «étroites». De larges clauses garantissent qu’aucune autre plateforme ou le fournisseur direct n’offrent de meilleures conditions. En revanche, une clause étroite ne fait qu’établir que le fournisseur lui-même ne doit pas proposer de meilleures conditions. Au niveau mondial, ce sont avant tout les clauses larges qui sont la cible de critiques. Il leur est reproché de ne pas avoir pour seul objectif de lutter contre le comportement des «passagers clandestins», mais aussi d’affaiblir la concurrence en évinçant les nouvelles plateformes entrantes. Une évaluation au cas par cas est nécessaire pour déterminer si une clause de parité tarifaire est effectivement nuisible ou pas. A cette fin, la Commission de la concurrence a ouvert, déjà en 2012, une enquête contre plusieurs portails de réservation en ligne et leur a interdit l’utilisation de clauses de parité tarifaire larges. En faisant cela, elle a donné un signal fort. A juste titre, les clauses de parité tarifaire étroites ne sont en revanche pas proscrites. Celles-ci sont internationalement considérées comme non problématiques, car elles n’éliminent pas la concurrence entre les plateformes. Elles ne font qu’empêcher le fournisseur de prestations d’adopter un comportement de «passager clandestin» sur la plateforme commerciale.
L’interdiction des clauses de parité tarifaire sectorielles souhaitée par le Conseil des Etats doit être qualifiée d’interventionnisme excessif et contre-productif. Les effets des clauses de parité tarifaire sur l’économie digitale sont encore peu explorés. Par conséquent, il convient de faire preuve de retenue législative. Nous devons impérativement renoncer aux interdictions sectorielles ou même forfaitaires ; le droit de la concurrence existant suffit amplement à contrer les éventuels impacts négatifs des clauses de parité tarifaire.
Cette contribution est parue dans le «Handelszeitung» du 16 mars 2017.