Au printemps dernier, les photos de Bergame et de Wuhan ont fait le tour du monde. Nous voulions tous en savoir plus sur ce virus inconnu – qui a durement frappé la branche des médias. Pour le seul mois d’avril 2020, la presse écrite a enregistré un recul de 43 % sur son marché publicitaire par rapport à l’an passé. Comme nous pouvions nous y attendre, les entreprises de médias ont également eu largement recours aux aides, non liées au secteur en particulier, telles que les crédits de liquidités et le chômage partiel. Malgré cela, le Parlement a décidé d’octroyer des subventions encore plus importantes en 2020 à trois branches de médias : celle de la radio et télévision a reçu 30 millions sous forme de contributions à fonds perdu, les abonnements de l’agence Keystone ATS pour les médias en ligne ont reçu 10 millions et la presse écrite, quant à elle, a reçu 20,4 millions sous forme de subventions indirectes.

Certaines branches mieux loties que d’autres

Bien que ces mesures de soutien passent presque inaperçues dans le budget Covid-19 de 2020, qui s’élève à environ 31 milliards de francs, cela ne les rend pas moins problématiques. Difficile de ne pas formuler une analyse critique. Illustration avec les mesures de soutien à la presse écrite :

  • Premièrement, toute la presse écrite n’est pas éligible. Seuls sont concernés les quotidiens et les hebdomadaires qui sont en abonnements. Les journaux gratuits ne sont pas pris en considération.
  • Deuxièmement, la subvention indirecte à la presse ne s’applique qu’aux livraisons quotidiennes effectuées par la Poste, ce qui désavantage les journaux en abonnements, car les livraisons du dimanche et tôt le matin sont assurées par des prestataires privés.
  • Troisièmement, l’éligibilité a été décidée arbitrairement. Les frais de livraison des titres dont le tirage est inférieur ou égal à 40 000 exemplaires sont entièrement couverts, tandis que les titres dont le tirage est supérieur à 40 000 exemplaires reçoivent une subvention de 27 centimes par livraison.
  • Finalement, l’aide maintient le statu quo. Les médias également présents en ligne et ne disposant pas d’un abonnement à Keystone ATS passent complètement à travers les mailles du filet.

L’aide à la presse écrite est en partie accordée sur la base de critères arbitraires. (Markus Spiske, Unsplash)

Règles de base pour une aide neutre

Cette aide supplémentaire aux médias a un effet de distorsion important, car elle favorise des acteurs du marché et formes de distribution spécifiques. Ce soutien va à l’encontre des mesures générales telles que le chômage partiel ou les crédits de liquidités. Celles-ci aident toutes les entreprises de médias de la même manière, indépendamment du tirage ou du canal de distribution. Elles sont donc neutres du point de vue de la concurrence et de la technologie. Les mesures présentant ces caractéristiques doivent être privilégiées non seulement en temps normal, mais aussi en cas de crise. Les aides spécifiques à l’industrie doivent être systématiquement évitées.

Dans notre série d’été «Les autres chiffres du Covid-19», les jeunes chercheurs d’Avenir Suisse mettent en lumière les conséquences de la pandémie dans des domaines divers, tels que les dépenses publiques, le commerce extérieur, les transports, le chômage, ou encore l’égalité.