Plus d’une soixantaine de personnalités romandes provenant du monde médiatique, politique, entrepreneurial et académique se sont réunies le 1er novembre 2011 au Mont-Pèlerin pour discuter de l’avenir des médias privés et publiques dans la perspective du rôle en question du Service public. Nous allons publier 5 articles relatant – du point de vue d’Avenir Suisse – les points les plus importants discutés lors de cette journée de réflexion. Le premier article concerne le rôle du Service public dans l’audiovisuel.

L’idée d’un Service public audiovisuel est contestable

On dit qu’il faut des médias de Service public pour soutenir la démocratie et l’opinion. Une telle affirmation pose cependant un problème: pendant une centaine d’années tout le monde s’en est passé, sans s’en porter plus mal! Dans certaines régions, comme aux États-Unis par exemple, le Service public n’a jamais joué un rôle important.

Le questionnement autour d’une telle nécessité est encore plus fort lorsque les médias de Service public ne perdent pas une raison de proclamer leur légitimité, en particulier lors de joutes électorales comme la Suisse vient d’en vivre. Ce petit geste d’autoappropriation est dérangeant car les médias privés consacrent également des efforts importants à la couverture de ce type d’événement.

En d’autres termes, la justification qui prétend assurer la formation de l’opinion est moins transparente qu’il n’y paraît.

D’ailleurs, d’où vient la notion d’opinion publique? Kant et Franklin invoquent l’obligation de l’accompagner par des formateurs. Toute la perspective de l’«Öffentlichkeit» se déroule dans une approche pédagogique prétendant éduquer en définitive le citoyen. L’audiovisuel se constitue et se considère comme l’héritier de cette tradition.

En 1930, l’Allemagne disposait d’une seule radio. Bénéfique jusque là, une telle structure tombera facilement sous la coupe de celui qui instaure la tyrannie dans ce pays. Pendant ce temps, des centaines de radios essaiment le territoire aux États-Unis. Une telle prolifération entraîne des effets comme la diffusion du jazz et l’invention des «soap-opéras», car il faut meubler les émissions.

Dans les années 60, un même mouvement accompagne le développement de la télévision. Cette notion de Service public et d’alibi pédagogique qui empreint la télévision persiste même si le modèle change et que l’on passe à une culture de divertissement. Le citoyen se mue en consommateur.

Dès lors, quel est la tâche du Service public? Ce dernier entre dans une sorte de contradiction entre la tâche pédagogique et le divertissement qu’il a su intégrer depuis belle lurette. La notion de «marchandisation» sert de justification au paradoxe. Les émissions de variété ou plus légères introduisent une certaine dimension identitaire. Une forme de «loft story» dans les pâturages a fait son apparition.

Le Service public ne connaît pas d’actionnaires, mais il se proclame volontiers le gardien des valeurs. Un sentiment d’autant plus fort qu’il se confond avec la fonction identitaire issue du 19ème siècle. Dans un monde globalisé où bientôt il sera possible de capter entre 300 et 500 chaînes de télévision, sans compter Internet, on peut se demander si ce facteur entre encore en compte pour en justifier son existence.