Frédéric Vormus: Comment expliquez-vous que l’installation d’entreprises se poursuive dans l’arc lémanique ?

Daniel Müller-Jentsch: Les entreprises bénéficient encore de certains mécanismes, comme le ruling d’impôts par exemple. De plus les conditions-cadres de cette région restent très attractives et elles s’y sont améliorées, particulièrement dans le canton de Vaud, qui ne compte pas que sur les incitations fiscales et les promotions économiques.

Ne pensez-vous pas que les promotions économiques participent à l’amélioration des conditions-cadres ?

Non, il est plus important, plus durable et meilleur marché pour les contribuables d’améliorer les conditions-cadres, non pas en subventionnant ces organismes, mais en baissant les impôts, en offrant de meilleures infrastructures, un climat économique favorable et un marché du travail libéral, soit toutes les conditions qui rendent la Suisse attractive et qui renforcent sa compétitivité.

Avenir Suisse a une vision très claire du rôle que doivent jouer les promotions économiques. Quelle est-elle?

Nous avons une vision libérale des promotions économiques. Avenir Suisse a formulé dix propositions pour qu’elles suivent en Suisse les principes de politique économique, ce qu’elles font déjà en grande partie. Les implantations d’entreprises reçoivent moins de subsides directs que dans les pays environnants, les budgets de fonctionnement y sont aussi plus modestes. Pour les années 2016-2019, les promotions économiques ont prévu d’insister sur les gains de productivité plutôt que sur la croissance horizontale. Ce qui aura pour conséquence de réduire le nombre d’arrivée des expatriés.

Le PIB suisse augmente plus en raison d’une croissance importée que par l’amélioration de la productivité. Il y a une bonne et une mauvaise croissance?

Oui, il y a deux types de croissance: celle de la productivité, qui apporte à la population suisse plus de prospérité, et la croissance par implantation d’entreprises étrangères. Cette dernière ramène, il est vrai, plus de croissance mais aussi plus d’impôts et implique aussi un partage entre plus d’habitants.

Vous rejetez également l’octroi de privilèges indus aux entreprises qui veulent s’installer en Suisse?

Oui, car ces privilèges, que ce soit des subventions directes, des arrangements fiscaux ou du foncier à meilleurs tarifs, se font toujours au détriment des entreprises locales, ce qui induit une distorsion de la concurrence. Il faut réserver ces traitements à des cas vraiment exceptionnels, lorsqu’une entreprise offre des services qui bénéficient à toute une branche.

Selon vous, les promotions économiques ne devraient pas faire de politiques industrielles. Or, pour la formation de clusters, celles-ci sont incontournables?

Les promotions des clusters au niveau étatique devraient se cantonner à la politique de la recherche, aux relations entre la recherche et la science ou à la mise en place de conditions-cadres qui favoriserait l’avenir de la branche. C’est au marché de décider quelle entreprise doit croître ou s’implanter. Attirer des entreprises de certaines branches avec des subventions n’est pas toujours sensé. Baser une politique industrielle sur des subventions constitue toujours un danger, notamment de miser sur des modes.

Cet interview a paru dans «Le Matin Dimanche» du 26.04.2015.