L’utilisation de l’énergie fossile a permis un progrès social et économique remarquable au cours du siècle dernier. Cela se traduit également dans le nombre de véhicules (voir figure 1), qui croît rapidement dans pratiquement tous les pays du monde à mesure que la capacité économique augmente.

Selon l’Organisation internationale des constructeurs automobiles (Oica), environ 90 millions de véhicules ont été vendus en 2019. A titre de comparaison, ce chiffre était de 50 millions en 2000. Selon des études sur le marché automobile, le nombre de véhicules produits va croître jusqu’à 120 millions d’ici 2030[1], soit 30 millions de nouvelles voitures de plus qu’aujourd’hui. La croissance économique dans les pays Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) est particulièrement décisive à cet égard. Dans le même temps, la part des véhicules rechargeables (électriques et hybrides rechargeables) devrait augmenter fortement – pour atteindre environ 30 millions d’ici 2030.[2]

Aujourd’hui, environ 1,3 milliard de voitures sont immatriculées dans le monde.[3] Celles-ci émettent environ 6,0 milliards de tonnes de CO2 par an (sur un total de 33 milliards de tonnes dans le monde).[4] Selon l’Office fédéral de la statistique, 6,2 millions de véhicules sont immatriculés en Suisse, avec des émissions directes de 16 millions de tonnes de CO2[5]. A cela s’ajoute 20 à 30 % d’émissions provenant de de la production des carburants ainsi que de la fabrication et de l’élimination des véhicules. Selon l’Agence internationale de l’énergie, les émissions de CO2 continuent d’augmenter dans le monde entier dans tous les secteurs de l’énergie, la plus forte hausse étant enregistrée dans le secteur des transports. En Suisse, les émissions directes de CO2 ont été réduites dans tous les secteurs ; depuis 2008, cela a également été le cas pour le transport routier.

Un examen plus détaillé de l’exploitation des véhicules en Suisse montre qu’il existe des différences significatives entre les différents véhicules en termes de kilométrage annuel et donc aussi en termes d’émissions réelles de CO2. L’évaluation par l’Empa de 1,5 million d’annonces automobiles dans Autoscout24 (sans les voitures de société) a montré que 50% du kilométrage est couvert par les 30% de véhicules ayant le kilométrage le plus élevé (voir figure 2). Ces véhicules sont responsables de la même quantité d’émissions de CO2 que les 70% de voitures restantes. Les conducteurs roulant fréquemment et ceux circulant sur de longues distances ont donc une importance supérieure à la moyenne en termes d’émissions de CO2.

Dans le cas de la mobilité à longue distance, les effets de rebond ne doivent pas être sous-estimés. Ce serait le cas, par exemple, si les voyages de vacances d’une famille n’étaient plus effectués en voiture mais en avion après le passage à un véhicule électrique. Un seul voyage en avion d’une famille peut dépasser largement les émissions de CO2 d’un véhicule à essence ou diesel pendant toute une année.

Les évaluations du cycle de vie des véhicules avec différents concepts de propulsion font l’objet de nombreuses études. En ce qui concerne les émissions de CO2, la source de l’énergie est déterminante. Deux développements principaux sont discutés aujourd’hui : l’électrification du système de propulsion (c’est-à-dire des véhicules entièrement et partiellement électrifiés), et l’électrification des carburants (c’est-à-dire l’hydrogène et les carburants synthétiques).

Pour produire des combustibles synthétiques, l’eau est décomposée dans un premier temps en oxygène et en hydrogène au moyen de l’électricité renouvelable qui ne peut être utilisée sur le marché de l’électricité en raison d’une offre excédentaire ou d’un manque de capacité de transport – les autres types d’électricité sont trop chers. L’hydrogène peut alors être utilisé dans les véhicules à hydrogène ou être converti en hydrocarbures avec du CO2, puis utilisé dans des véhicules à moteur à combustion ou hybrides.

L’hydrogène et les carburants synthétiques représentent un complément nécessaire à l’électromobilité, en particulier pour les utilisations sur de longues distances ou avec des charges. Réduire ces technologies au degré d’efficacité réduit qu’elles présentent dans certains sous-systèmes ne leur rend pas justice. En effet, le moment et le lieu où l’électricité renouvelable est produite ainsi que ceux où elle est obtenue, la possibilité de stocker et/ou de transporter l’énergie, sont plus importants dans un système d’électricité renouvelable.

Si l’on compare les émissions de CO2 des moteurs électriques et des carburants électrifiés, il apparaît clairement que celles-ci dépendent principalement de la charge en CO2 de l’électricité utilisée. Des études de l’Institut Paul Scherrer montrent (voir figure 3) que les véhicules électrifiés (vert) et les carburants électrifiés (bleu et rouge) entraînent des émissions de CO2 nettement inférieures à celles des véhicules classiques (lignes grises) lorsqu’ils fonctionnent avec des énergies renouvelables (c’est-à-dire une pollution de l’électricité par le CO2 < 50 g/kWh). Du moment que l’on travaille avec des énergies renouvelables, le type de propulsion a donc un rôle secondaire.

Les sources de carburant synthétique

 

La production de carburant synthétique nécessite de l’électricité renouvelable, de l’eau et du dioxyde de carbone (CO2). Les procédés techniques sont connus et les premières installations industrielles à grande échelle sont planifiées. Les coûts de production dépendent surtout de la taille de l’usine et du prix de l’électricité, résultant des conditions locales, de la conception du marché de l’électricité et de la part d’électricité renouvelable.

La production de carburant synthétique peut être garantie soit par des petites installations décentralisées en Suisse soit des installations de production à l’étranger. Si les installations en Suisse sont précieuses pour l’ensemble du système énergétique national – par exemple, en augmentant la part utilisable d’électricité renouvelable –, les grandes entreprises étrangères n’offrent certes aucun avantage direct pour la production électrique suisse, mais peuvent assurer l’approvisionnement en énergie renouvelable en hiver ou le transport routier et aérien longue distance.

Pour couvrir les besoins énergétiques non couverts par l’énergie hydraulique pendant la moitié de l’hiver, ainsi que le trafic longue distance exclusivement avec du carburant synthétique importé, il faudrait une surface photovoltaïque d’environ 700 km2 dans un désert, soit 27 x 27 km ou 0,0008% de la superficie du Sahara. L’eau et le CO2 pourraient être extraits localement de l’atmosphère. Les mécanismes commerciaux, les infrastructures de transport, les normes et l’expertise existants pourraient être utilisés.

[1] McKinsey; Automotive revolution – perspective towards 2030 (2016)

[2] Bloomberg NEF; Electric Vehicle Outlook 2019

[3] Wards Auto, World Vehicle Population (2017)

[4] IEA Tracking Transport (2019)

[5] Office fédéral de l’environnement ; Emissions des gaz à effet de serre d’après la loi sur le CO2 et d’après le Protocole de Kyoto (2020)

Pour plus d’informations : Concepts de propulsion durable