Les interruptions de carrière, par exemple pour fonder une famille, pour séjourner à l’étranger ou pour suivre une formation continue, font partie de la vie quotidienne des hommes et des femmes. Toutefois, ces interruptions sont mal couvertes par notre système de prévoyance à trois piliers et peuvent entraîner des pertes de rente considérables par la suite.

Dans l’AVS, par exemple, les montants cotisés ne sont pas le seul facteur déterminant pour le calcul de la rente : il faut également tenir compte du moment de leur versement. Si aucune cotisation n’est versée au cours d’une année donnée, cela peut entraîner une réduction de rente d’au moins 2,3%. Ces lacunes, par exemple à la suite d’un séjour prolongé à l’étranger ou parce qu’aucune cotisation n’a été versée pendant les années d’études, ne peuvent être compensées que dans un délai de cinq ans. Des lacunes existent également pour les spécialistes étrangers qui arrivent en Suisse sur le tard. Pour eux, les droits acquis dans leur pays d’origine ne suffisent souvent pas pour une retraite adaptée au niveau des prix suisses.

Dans le deuxième pilier également, les interruptions d’activité professionnelle ont un impact important sur les rentes, car celles-ci dépendent du capital accumulé à la retraite. Ainsi, une personne renonçant à une activité lucrative ou réduisant son taux d’activité verra son capital de retraite, y compris les intérêts composés, réduit. La prévoyance professionnelle prévoit certes la possibilité de combler ces lacunes de cotisations par des rachats. Toutefois, seuls les affiliés d’une institution de prévoyance, c’est-à-dire ceux dont le revenu est supérieur au seuil d’entrée de 21 330 francs par an, peuvent effectuer des rachats. Les conjoints dont le revenu est inférieur à cette valeur et les chômeurs âgés ne peuvent pas profiter de ces possibilités. En outre, à la retraite, ils ne peuvent retirer leur capital épargné qu’en espèces et non sous forme de rente.

Les crevasses et les trous n’aboutissent pas toujours à d’aussi beaux résultats qu’à Antelope Canyon en Arizona. (Urs Steiner)

Dans le troisième pilier, les contrats de prévoyance ne peuvent être conclus que par des personnes dont les revenus sont soumis à l’AVS. Les conjoints sans emploi ne peuvent pas se constituer un pilier 3a. Les parents qui organisent la garde des enfants de telle sorte que l’un des partenaires travaille à 100 % et que l’autre s’occupe des enfants à 100 % sont donc moins bien lotis que les couples qui assument globalement la même charge de travail mais se la partagent entre eux.

La situation de prévoyance des personnes divorcées qui se consacrent entièrement à leur progéniture peut également évoluer de manière particulièrement critique. Bien qu’elles perçoivent une pension alimentaire de leur ex-conjoint, elles n’ont pas la possibilité de constituer des avoirs dans le deuxième ou le troisième pilier.

Notre prévoyance vieillesse devrait mieux prendre en compte les interruptions d’emploi. Dans le cas de l’AVS, il faudrait considérer la suppression du délai de cinq ans pour combler les lacunes de cotisation et considérer de nouvelles possibilités de compensation pour les spécialistes immigrés . Dans le deuxième pilier, les personnes qui renoncent (par nécessité) à leur activité lucrative peu avant la retraite devraient pouvoir rester assurées auprès de leur ancienne caisse de pension afin de pouvoir convertir ultérieurement leur capital en rente. Enfin, l’accès au troisième pilier pour les conjoints (divorcés) sans emploi devrait être étendu ou des possibilités devraient être créées de compenser des lacunes de cotisations. Ces mesures pourraient renforcer la responsabilité individuelle pour l’organisation de sa retraite, réduire les risques de pauvreté des personnes âgées et alléger la charge pesant sur la collectivité.

Cet article est paru le 1er février dans le magazine «Schweizer Versicherung».