L’hôtellerie suisse continuera de bénéficier d’un taux de TVA spécial de 3,8% au lieu de 8% jusqu’en 2027. Le 31 mai, le Conseil national s’est rallié à la décision du Conseil des Etats*. Cela prolongera le soutien à l’industrie du tourisme en difficulté. Cette décision illustre la manière dont des subventions à l’origine temporaires deviennent, en général, permanentes au fil du processus politique. Ce taux spécial pour l’hôtellerie est aussi un exemple typique des diverses mesures de soutien basées sur l’impôt que l’on retrouve fréquemment dans le droit suisse. Que dire de cela ?
* article mis à jour le 1er juin 2017
L’attrait politique des abattements fiscaux
Les déductions et abattements fiscaux figurent parmi les instruments politiques les plus populaires. Ce n’est pas étonnant puisqu’ ils sont considérés comme un soutien non bureaucratique et aisément applicable à des comportements déterminés. L’Etat n’a pas à financer de nouvelles dépenses, il engrange «simplement» moins de recettes. Souvent, les déductions fiscales sont même qualifiées d’ «intervention libérale de l’Etat» ; cela tient notamment au fait qu’à première vue, il n’y a pas d’augmentation formelle de la quote-part de l’Etat, mais elle semble même diminuer. Les choses ne sont cependant pas si simples. Premièrement, les mesures fiscales, en particulier les déductions fiscales, visent également à récompenser ou à sanctionner un certain type de comportement. En ce sens, elles ne se différencient donc pas de l’effet économique des subventions ordinaires. Par conséquent, elles peuvent souvent être décrites comme une distorsion et une nuisance à l’économie dans son ensemble.
Deuxièmement, toute déduction fiscale implique soit une réduction parallèle des dépenses, soit une augmentation des impôts, qui doit être assumée par quelqu’un d’autre. Sur ce point, il n’y a pas de différence avec une hausse ordinaire des dépenses. Troisièmement, la charge induite par une déduction fiscale est relativement difficile à piloter et à prévoir. Tandis qu’une subvention peut être relativement bien circonscrite dans son périmètre ex ante, les recettes perdues suite à une faveur fiscale ne peuvent être pronostiquées qu’approximativement. En outre, le recours à une déduction fiscale peut aussi fluctuer au cours du temps.
Quatrièmement, une déduction fiscale concernant une taxation progressive (par exemple l’impôt sur le revenu) a pour effet que la subvention augmente en fonction du niveau du revenu, ce qui résulte rarement ’une volonté politique explicite. Cinquièmement, le subventionnement par le biais de faveurs fiscales est relativement opaque. Ses coûts n’apparaissent dans aucun budget officiel de l’Etat et passent donc quasiment inaperçu auprès du public.
Dans de rares cas, les déductions fiscales peuvent s’avérer utiles, mais pas sur la TVA
Malgré ces réserves, les déductions fiscales ne doivent pas être rejetées a priori. D’une part, elles peuvent être utiles au niveau systémique, d’autre part, les subventions sous formes de déductions fiscales ont tendance à être moins liées à des conditions politiques supplémentaires et sont en effet moins bureaucratiques.
La proposition budgétaire qui suit doit surtout être comprise comme un exemple de suppressions de subventions économiques inefficaces. La publication «Un contre-budget libéral – Finances fédérales à l’épreuve, 2ème partie» propose, par exemple, une uniformisation de la TVA à un taux unique pour tous les produits et services afin d’éliminer les subventions économiquement inefficaces. L’impact serait une nette diminution des charges administratives pour les entreprises et l’administration. Malheureusement, le taux unique pour la TVA a jusqu’ici toujours échoué au niveau politique. Le taux spécial désormais entériné pour l’hôtellerie ne laisse pas présager que cela change bientôt.