A l’ère du numérique, Genève a l’ambition de devenir une capitale digitale (non, elle ne l’est pas déjà). Et la promotion concrète de «Digital Geneva» (l’usage de l’anglais n’est pas anodin) est l’une des missions stratégiques que le canton s’est fixée à l’horizon 2030.

Comment l’Etat peut-il contribuer à réaliser cette ambition (avec l’appui des communes et autres institutions publiques) ? En clarifiant son rôle et ses champs d’action. L’innovation économique, moteur espéré de croissance vertueuse, est principalement l’affaire des entreprises et des privés ; l’Etat – à part un rôle de soutien ponctuel – ne doit pas s’imaginer en planificateur efficace en ce domaine. L’innovation technologique émane d’abord des privés mais l’Etat, par la recherche dans les hautes écoles, peut y contribuer puissamment. En matière d’innovation sociale, l’Etat se doit de montrer l’exemple. Il existe donc bien des activités que les collectivités publiques peuvent empoigner pour faire avancer Genève sur le grand échiquier numérique mondial. Quatre missions principales se détachent :

L’Etat communicateur fait mieux connaître les enjeux et conséquences de la transformation numérique, encore largement méconnus et sous-estimés. Le software sera partout. Les grands secteurs d’activité traditionnelle de l’Etat (santé, sécurité, éducation) seront profondément bouleversés. Actuellement, les craintes et les peurs dominent, occultant les opportunités. L’Etat a un devoir de communication : expliquer, valoriser les bonnes initiatives existantes, stimuler le débat et la connaissance.

L’Etat acteur convainc par l’exemple, avec des projets «champions», positifs et concrets. Genève doit donc continuer à développer, implémenter et faire connaître des services numériques intégralement en ligne, utiles pour les citoyens et les entreprises (par ex. obtention de renseignements certifiés ou d’attestations, réponses aux demandes étatiques, etc.). Le test-prototype mis en place pour la consultation du Registre du commerce sous forme de blockchain est exemplaire à cet égard. Les projets pratiques, simples et efficaces doivent être préférés aux grandes déclarations d’intentions générales.

L’Etat promoteur encourage le développement du numérique par le développement d’infrastructures efficaces (par ex. serveurs de données, 5G, réseaux d’objets connectés), par des dispositifs de soutien à l’innovation ou par l’accueil d’organisations génératrices des nouveaux standards de la gouvernance mondiale de l’internet.

Enfin, l’Etat régulateur a le pouvoir de produire des règles favorables à l’éclosion d’activités numériques fructueuses. C’est un levier puissant, à manier avec précaution : pour bien des activités numériques, une réglementation mal pensée est un frein, une réglementation adéquate un facteur-clef de succès. Ainsi, le succès du secteur des drones, pour lequel la Suisse romande est technologiquement à la pointe, dépendra très largement de la capacité de Genève (et région) de fixer un cadre réglementaire sécurisant et positif.

Cet article a été publié dans la Tribune de Genève du 03 mai 2018. Reproduit avec l’aimable autorisation de la rédaction.