«Dois-je prendre la rente ou le capital ?» La réponse à cette question dépend de paramètres personnels comme l’état de santé de l’assuré et de son conjoint, de leur patrimoine et de leur train de vie. Elle dépend aussi de facteurs externes comme l’évolution des taux de conversion et le niveau de rendement attendu sur le capital investi. Mais surtout, la possibilité d’un retrait en capital dépend de conditions réglementaires.
Un retraité sur deux retire du capital
Dans la pratique, les nouveaux retraités apportent une réponse relativement constante à cette question. En 2018, 48% optaient pour une rente uniquement, 19% retiraient complètement leur capital et 33% coupaient la poire en deux en retirant une partie du capital et se laissant verser le reste sous forme de rente. Ces pourcentages n’ont presque pas bougé depuis 2005.
Ce ne sont pas seulement des personnes aisées qui choisissent de retirer leur capital. Selon une analyse du Conseil fédéral, la part des assurés choisissant cette option est plus forte parmi ceux ne bénéficiant que d’un plan LPP minimum. Il y aussi les retraits en capital imposés pour les montants dits de « bagatelles » lorsque la rente du 2e pilier représenterait moins de 10% d’une rente AVS. Enfin, bien des travailleurs immigrés, qui n’ont accumulé des avoirs dans le 2e pilier que durant quelques années, le retirent pour s’installer dans leur pays d’origine.
Les caisses ont appris à gérer les retraits
Le retrait en capital est une option appréciée des assurés et un garant de leur soutien du 2e pilier. Cet engouement n’a pas toujours été partagé par les caisses de pension. Lors de l’introduction de la LPP obligatoire en 1985, la crainte d’une sélection adverse – c’est-à-dire que les gens anticipant une maladie grave retirent leur capital et que ceux tablant sur une espérance de vie longue choisissent la rente – incitait les caisses à poser des obstacles pour décourager ces retraits. Un délai d’annonce de trois ans était prévu par la loi et toutes les caisses n’offraient pas l’option de retrait en capital. Depuis la révision LPP de 2005, le délai d’annonce a été aboli et les caisses doivent permettre au moins le retrait d’un quart du capital en espèces. Aujourd’hui, de nombreuses caisses proposent même un retrait intégral. La peur des pertes de mutations liées aux taux de conversion techniquement trop hauts a supplanté celle d’une sélection adverse.
Situation délicate en fin de carrière
Si le choix des assurés affiliés à une caisse de pension a été facilité, la situation reste délicate pour celles et ceux qui quittent ou perdent leur emploi. Les avoirs du 2e pilier doivent être alors versés sur un compte de libre passage. Sur ces derniers, aucun taux d’intéret n’est garanti, et la conversion du capital en rente n’est pas possible. La situation a été améliorée avec la dernière réforme des prestations complémentaires. Les chômeurs de 58 ans et plus peuvent aujourd’hui garder leurs avoirs dans leur ancienne institution de prévoyance jusqu’à la retraite et conservent ainsi la possibilité de convertir leur capital en rente.
Plus de flexibilité pour tous
Cette flexibilité accrue lors d’interruptions de carrière est à saluer et devrait être offerte à tous les assurés, indépendamment de leur âge. Libre à chacun alors de choisir s’il veut rester affilié à la caisse de son ancien employeur ou s’il préfère ouvrir un compte de libre passage.
Cette souplesse serait aussi souhaitable pour les assurés bénéficiant d’un « plan de prévoyance 1e ». Ces assurés peuvent choisir individuellement leur stratégie de placement, en profitant des chances, mais en portant aussi les risques inhérents à ce choix. S’ils doivent changer d’entreprise lors d’une baisse boursière, ils risquent de devoir réaliser une perte de valeur. En leur permettant de conserver leurs avoirs investis dans leur ancienne caisse de pension, ils pourraient attendre une remontée des marchés avant de les transférer dans leur nouvelle caisse.
La portabilité des avoirs de vieillesse, introduite par la Loi sur le libre passage, a été une amélioration importante de la prévoyance professionnelle, mais elle repose sur une biographie linéaire où un assuré passe d’un plein emploi vers un autre jusqu’à la retraite. Il faut assouplir cette portabilité en permettant de garder ses avoirs pour une durée déterminée auprès de son ancienne caisse de pension. Cela répondrait au besoin des assurés de contrôler leur capital vieillesse, indépendamment d’éventuelles interruptions de carrière.
Cet article est paru dans le journal “Prévoyance professionnelle suisse” 3/21.