Le directeur romand d’Avenir Suisse, Xavier Comtesse, prendra part à la 6e édition du forum économique du Nord Vaudois (FENV) qui se tiendra demain à Yverdon. Il y évoquera les problèmes liés à l’immigration et l’inutilité de la promotion économique exogène.

Yoann Schnenker: Vous serez demain en conférence à Yverdon dans le cadre du FENV, sur quoi portera votre intervention?

Xavier Comtesse: La conférence aura pour thématique les notions de démographie et de développement économique. Je souhaite mettre en lumière les trois facteurs démographiques: la natalité, l’échéance de vie et l’immigration, à travers des exemples internationaux. La situation démographique que vit l’Allemagne depuis 2005 (qui a perdu plus d’un millions d’habitants, principalement à l’est du pays), démontre que l’immigration a un impact négatif sur l’économie. La majorité de ces migrants concerne la communauté turque. Ces gens sont rentrés chez eux car leur pays offre un taux de croissance bien plus élevé, soit 5 à 6%. En Allemagne, on remarque que les banques régionales éprouvent des difficultés dues à la baisse de la demande de crédit de construction. D’autres économies, comme le Japon, sont fortement impactées par ce facteur démographique. L’immigration économique joue de ce fait un rôle clé. Car contrairement aux deux autres variables, c’est le seul facteur sur lequel on peut agir. Après expérience, il est impossible de contrer la natalité. Les scandinaves, malgré la mise en place d’importantes mesures, n’ont par exemple jamais réussi à inverser la tendance. Il faut prendre conscience de cette réalité en Suisse. La force du franc entraine cette immigration économique redoutée. A Genève, on a enregistré entre juin et juillet une baisse de la population jamais observée auparavant. Nous faisons face à un ralentissement économique, dû à une diminution de la création d’emploi. Contrairement à ce que l’on croit, le temps de réaction est très rapide. Certains font des projections à 20 ou 30 ans, mais on remarque que de telles prévisions sont inconcevables au vu de l’environnement économique actuel. Ces modèles ne sont plus fiables. Il faut des stratégies de développement endogène pour contrer ces problèmes.

Cela signifie que la promotion économique n’est pas la réponse à cette problématique?

J’estime que leur stratégie n’est plus du tout appropriée. Elle était en adéquation avec l’environnement qui prévalait dans les années 1990- 2000, où le franc se situait à des niveaux raisonnables. Aujourd’hui, il faut laisser tomber le modèle exogène. Il n’y aura pas de délocalisation en Suisse à moyen, voire à long terme. Nous sommes condamnés à poursuivre une stratégie qui passe par l’innovation, la productivité et la croissance des nouveaux marchés. Or je vois cela comme une opportunité pour l’économie suisse. L’avantage d’être sous pression, c’est que les acteurs se retrouvent dans l’obligation d’innover et d’être armés pour l’avenir.

Plus concrètement, quelles mesures préconisez-vous?

Je suis déjà contre une aide directe de deux milliards. Cette mesure empêchera les secteurs concernés de se restructurer. Il faut mettre en oeuvre des stratégies de promotion pour les nouveaux marchés. On pourrait augmenter les dépenses pour l’innovation mais dans le but de créer l’incitation et non de subventionner. Il faut que les entreprises travaillent sur la productivité. Il serait aussi bénéfique de donner plus d’argent aux grandes écoles, tout en restant dans des montants acceptables. Le chômage partiel est une mesure qui a très bien fonctionné durant la crise. On l’a remarqué notamment avec l’industrie horlogère. Plus globalement, il faut prendre à présent des mesures non conjoncturelles. Nous faisons face aujourd’hui à un changement de paradigme.

Cet article est paru dans «l'Agefi» du 31 août 2011