Les avantages du recyclage doivent être mis en balance avec ses coûts. Car à mesure que ces derniers augmentent, le bénéfice écologique supplémentaire diminue généralement aussi. Néanmoins, pour des raisons politiques, un rapport coût-avantage économiquement faible est souvent accepté. Les réglementations gouvernementales doivent veiller à ce qu’il n’y ait pas d’incitations à l’élimination illicite des déchets.

Le recyclage est bénéfique pour l’environnement, mais ces avantages doivent être mis en balance avec les coûts correspondants (voir l’article «Recyclage ou élimination ?»). On peut supposer que les coûts du recyclage ne sont pas linéaires mais augmentent avec le nombre croissant de matériaux recyclés différents – on parle aussi d’augmentation des coûts marginaux.

Le bénéfice écologique supplémentaire est quant à lui généralement en baisse, le processus de recyclage étant également susceptible de générer de la pollution. Par exemple, il ne serait possible d’extraire le dernier morceau d’indium d’un smartphone défectueux qu’au prix d’une forte consommation d’énergie. La figure ci-dessus schématise ces relations.

Intuitivement, on pourrait penser que le taux de recyclage optimal (ou les efforts optimaux pour une élimination dans les règles) se situe à l’intersection des courbes des avantages et des coûts (avantage = coût), car à partir de ce point, les coûts dépassent les avantages du recyclage. Mais cette intuition n’est pas correcte d’un point de vue économique : le recyclage ne vaut la peine que si l’avantage supplémentaire est supérieur aux coûts supplémentaires. C’est le cas lorsque la distance entre les deux courbes est la plus grande et qu’il y a une correspondance entre les coûts marginaux et l’avantage marginal.

Dans le débat politique, l’opinion dominante est souvent que le taux de recyclage devrait être proche de 100% afin de tirer le maximum en termes de protection de l’environnement et de récupération des matériaux. Une solution politique tend donc souvent non pas vers l’optimum économique, mais vers l’intersection des courbes d’avantages et de coûts. Pour des raisons politiques, un rapport coût-avantage plus faible sur le plan économique est donc accepté.

L’Etat devrait-il donc s’abstenir de toute intervention dans la gestion des déchets ? Ou y a-t-il une défaillance du marché qui justifie une action gouvernementale ? Dans le cas de l’élimination ou du recyclage des déchets, il est nécessaire d’examiner les incitations auxquelles le consommateur serait exposé s’il n’y avait pas de réglementation ou d’obligation d’éliminer les déchets dans les règles, et comment il se comporterait de manière économiquement rationnelle sous différentes conditions. Les contributions de la littérature scientifique – souvent issues du domaine de l’économie de l’environnement – examinent, entre autres, à quel point les coûts d’élimination et de recyclage devraient être élevés d’un point de vue macroéconomique.

Le problème est qu’une élimination dans les règles implique toujours des coûts pour le consommateur – cela vaut aussi bien pour l’incinération dans les règles que pour le recyclage. Il donc une incitation pour le consommateur à trouver des moyens d’éliminer les déchets en évitant ou du moins en réduisant considérablement ces coûts. Une telle élimination illicite serait, par exemple, l’élimination dans la forêt ou la combustion de déchets dans sa propre cheminée. Ce serait alors le consommateur individuel qui pèserait sur l’environnement. Même s’il s’agirait également de coûts (environnementaux), ils seraient individuels et, pour le consommateur concerné, généralement inférieurs à ceux d’une élimination respectueuse de l’environnement.

Dans un système où les pouvoirs publics n’imposeraient pas ou peu d’exigences, le consommateur individuel aurait donc tendance à sous-estimer l’avantage qu’aurait un taux de recyclage plus élevé pour la société. La courbe des avantages serait donc plus basse (voir figure) ; il en résulterait des bénéfices écologiques et un taux de recyclage inférieurs à ceux souhaités par la société et donc sous-optimaux.

Lorsqu’il élimine ses déchets de manière illicite, le consommateur individuel ne tient pas compte du fait que les coûts de la pollution de l’environnement doivent également être supportés par d’autres et que, globalement – c’est-à-dire pour l’économie dans son ensemble –, ces coûts sont considérablement plus élevés que les coûts qu’il devrait supporter individuellement. Dans ce cas, on parle d’une externalité négative qui déclencherait une élimination individuelle et illicite des déchets : une défaillance classique du marché.

Cependant, la pollution directe de l’environnement n’est pas la seule externalité. L’élimination illicite retire les matières premières du cycle économique. Or, la production de ces matières premières peut également entraîner une pollution de l’environnement. Cette externalité peut bien sûr aussi se produire dans le cas d’une élimination dans les règles, par exemple si un matériau recyclable est éliminé via les ordures ménagères au lieu d’être recyclé (European Commission 2000).

Même si une défaillance du marché est une condition nécessaire à l’intervention de l’Etat en matière de politique économique, elle n’est pas suffisante. Premièrement, il doit exister un instrument approprié et ciblé pour ce qu’on appelle l’internalisation de l’effet externe. Deuxièmement, le coût de cet instrument ne doit pas être supérieur au coût économique de la défaillance du marché, et troisièmement, l’intervention de l’Etat ne doit pas entrer en conflit avec d’autres objectifs de politique économique ni créer une nouvelle défaillance du marché.

Lorsqu’il existe plusieurs instruments possibles, il convient de choisir celui qui présente le meilleur rapport coût-avantage économique. Compte tenu des coûts environnementaux relativement élevés à prévoir en cas d’élimination illicite, on peut supposer que l’intervention de l’Etat est en principe appropriée du point de vue de la politique économique, au moins dans le sens d’un devoir d’assurer une élimination dans les règles.

Série : recyclage

La Suisse est considérée comme un pays modèle en matière de traitement des déchets urbains et de recyclage – malgré un volume annuel de 716 kg de déchets par habitant (Ofev). Les infrastructures répondent aux normes les plus élevées, et ce qui s’accumule comme déchets résiduels est éliminé dans des usines d’incinération des ordures ménagères (UIOM) très efficaces. La plupart des polluants produits sont filtrés et la chaleur résiduelle est soit utilisée directement comme chauffage à distance, soit transformée en énergie et réintégrée dans le processus économique. Cependant, l’optimisation du rapport coût-avantage est rarement discutée. L’objectif de cette série est de fournir des approches pour une politique d’élimination et de recyclage complète et économiquement saine.

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