Comment les processus décisionnels politiques peuvent-ils mieux répondre à la réalité transcantonale et transnationale de la vie économique locale? Au vu de la concentration croissante de l’activité dans les espaces urbains, le think tank Avenir Suisse formule, dans un nouvel ouvrage collectif présenté hier à Genève*, une série de propositions pour une gouvernance métropolitaine plus efficace, avec une perspective spécifiquement lémanique. Sur le fond, l’exercice se veut néanmoins applicable à toutes les villes suisses. Ce qui est proposé n’a rien à voir avec une nouvelle couche administrative se superposant à celles existantes, mais esquisse quelques principes dont peuvent être déduits les champs d’action possibles.
La démarche s’inscrit dans un esprit explicite de compétitivité, eu égard au décalage entre les structures politiques bicentenaires et l’expérience vécue chaque jour par les résidents de l’Arc lémanique; elle doit combler un vide de gouvernance sur des problèmes comme la mobilité, l’aménagement du territoire, ou encore la sécurité, parmi d’autres. «Les questions de la masse critique sont prépondérantes, car la compétition est devenue plus globale», relève Xavier Comtesse, directeur de la publication et directeur romand d’Avenir Suisse.
Il ne s’agit cependant ni de faire appel à une approche centralisée, ni de se noyer dans des collaborations multipliées à l’infini, mais plutôt de recourir à des contrats de prestation, peut-être limités dans le temps, à travers des constellations d’acteurs à géométrie variable selon la thématique. En d’autres mots, Avenir Suisse vise une meilleure division du travail: chaque territoire ne doit plus tout faire ou tout avoir, la gouvernance doit mieux s’adapter aux besoins concrets et chiffrables en vertu d’un nouvel équilibre établi selon la performance. «Une métropole a besoin du concept d’équité plus que d’égalité », remarque Xavier Comtesse. L’avantage de la souplesse est surtout de surmonter la dimension historique et émotionnelle des juridictions existantes (comme l’a montré l’échec de la fusion Vaud-Genève), tout en préservant l’environnement concurrentiel des structures décentralisées, car il en va aussi de l’efficacité: il est avéré que la proximité permet de mieux répondre aux besoins particuliers de la population et augmente la liberté de choix des citoyens. «Le défi consiste à maintenir la diversité de l’offre en tant que garantie d’efficacité pour les citoyens, tout en recourant à la collaboration pour atteindre une masse critique», relève Gerhard Schwarz, directeur d’Avenir Suisse. Cela n’a d’ailleurs rien de très nouveau. Le fédéralisme suisse a dès le départ indu des éléments destinés à surmonter l’esprit de chapelles, comme le rappelle l’historien Olivier Meuwly: le premier concordat cantonal a été conclu en 1803 et la première conférence de directeurs cantonaux remonte à 1897.
Concrètement, c’est un peu selon les mêmes principes qu’Avenir Suisse voit s’opérer une gouvernance métropolitaine efficace, avec un montage institutionnel minimal. Un état-major de direction politique, s’appuyant sur les administrations déjà existantes, gouvernerait par contrats de prestation en fonction des résultats à atteindre. Cet état-major, dirigé par un élu, peut-être à tour de rôle établi dans le canton de Vaud, celui de Genève et en France voisine, éviterait un artifice technocratique difficilement envisageable dans le système suisse de démocratie directe. Sa mission principale serait évidemment la coordination des politiques métropolitaines en collaboration avec les homologues des différents territoires. Il incomberait également au dirigeant de représenter la métropole au niveau fédéral et intercantonal, dans le but de systématiquement défendre ses intérêts. Une meilleure répartition des tâches libérerait des ressources tant humaines que financières.
Cet article est paru dans «L'AGEFI» du 18 avril 2012.