Le monde bancaire ne se porte toujours pas au mieux. Trop de créances en souffrance, irrécouvrables (les «prêts non productifs»), accablent le bilan des banques. Dans les pays de l’Europe du Sud et de l’Est, la part de cette catégorie au regard de la totalité du portefeuille de prêts des banques est importante et décroît plutôt lentement, lorsqu’elle ne continue pas à augmenter, comme c’est le cas en Italie ou en Grèce par exemple (voir graphique). Mais même dans certains pays clés de l’UE, les crédits problématiques sont plus élevés que dans la moyenne à long terme. Dans toute la zone européenne, près de 10% en moyenne des prêts des banques aux entreprises ne font pas l’objet des remboursements convenus. Pour les prêts aux ménages privés, cette moyenne s’élève à environ 5%.

Contrairement à ce qui est communément admis, ce ne sont pas les grands instituts financiers qui subissent le plus du poids des créances en souffrance. Selon une étude de l’Autorité bancaire européenne, celles-ci constituent 18% du portefeuille de crédits des petites banques, 9% de celui des établissements de taille moyenne et 4% de celui des grandes sociétés.

De nombreuses banques retardent l’apurement nécessaire de leur bilan : c’est un des effets collatéraux de la politique monétaire ultra-expansive des banques centrales. Tant que les coûts de refinancement des banques restent aussi bas que ces sept dernières années, celles-ci peuvent «supporter» les crédits toxiques sans que leur rentabilité en soit fortement menacée. En revanche, dès que le niveau des taux d’intérêt se normalisera, ce type de crédits deviendra une charge croissante pour les banques. C’est alors qu’on paiera le fait de n’avoir pas séparé le bon grain de l’ivraie lorsque les conditions de financement étaient favorables. Le moment de cette normalisation semble encore loin en Europe, mais il viendra.

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La lenteur de l’apurement des bilans aura des conséquences : premièrement, l’octroi de crédits à des entreprises dynamiques et prometteuses en souffrira. Le financement par les marchés des capitaux gagnera ainsi en importance ; même les PME dépendront de plus en plus de cette source-là. Deuxièmement, les établissements de petite taille seront particulièrement touchés par ce nettoyage structurel sur les marchés financiers ; ils seront mis à rude épreuve non seulement par le poids des crédits problématiques, mais aussi par la pression sur les marges et la concurrence, les prescriptions réglementaires et la gestion des nouvelles technologies du secteur financier. Troisièmement, la crédibilité de l’Autorité bancaire européenne pourrait être ébranlée si des actifs altérés venaient à mettre en péril la stabilité des systèmes bancaires nationaux.

Les banques suisses se battent sur plusieurs fronts. Elles doivent renforcer leurs fonds propres, maîtriser la pression croissante sur les coûts, répondre aux exigences du législateur et trouver leurs repères dans un environnement de taux d’intérêt négatifs. Toutefois, elles sont à l’abri d’un apurement des bilans forcé par un volume élevé de créances en souffrance. Ce type de prêts constitue en moyenne moins d’1% du portefeuille de crédits.