La responsabilité individuelle et la solidarité sont deux facettes d’une même médaille. Chaque membre d’une collectivité a le devoir moral de réduire au minimum tout dommage potentiel de la communauté solidaire. Toute autre mesure n’est pas de la solidarité, mais simplement de la répartition aux frais des autres.
J’aime illustrer ce concept par l’image d’une cordée escaladant une montagne. La corde est certes l’élément qui forme l’unité du groupe, mais elle est utilisée en ultima ratio uniquement. La solidarité entre les membres de la cordée ne se distingue pas en premier lieu par l’encordement, mais par la préparation physique et mentale, l’acquisition du bon équipement et le comportement de chacun permettant d’éviter au mieux la chute dans une crevasse. Ce n’est que lorsque la chute se produit malgré toutes les mesures préventives que la corde prend le relais.
Dans une société vieillissante, l’importance de la responsabilité individuelle dans la cordée qui unit les générations gagne en importance. Pourquoi ? Aujourd’hui, on compte environ douze personnes en âge de travailler pour chaque personne âgée de plus de 80 ans. Dans vingt ans, elles ne seront plus que sept. Si la part du personnel de soins au sein de la population active reste constante et si le nombre de personnes âgées de plus de 80 ans constitue l’indicateur de soins requis (la majeure partie des coûts de la santé survenant deux ans avant le décès), il y aura environ 40% de personnel soignant en moins par patient d’ici 2035. Si l’objectif est toutefois de maintenir la même prestation de soins pour chacun, il faudrait nettement augmenter l’effectif du personnel soignant. Cela n’entraînerait pas seulement des coûts plus élevés pour les jeunes générations, mais nous serions également confrontés à de grosses difficultés de recrutement.
Selon moi, une telle perspective n’est ni réaliste, ni utile. L’impasse financière et personnelle peut uniquement être surmontée, et j’en suis convaincu, si chacun fait preuve de responsabilité individuelle et essaie de rester indépendant aussi longtemps que possible ou fait appel au soutien de tiers de façon modérée.
Que peut-on faire au niveau individuel ?
- Pour poursuivre la métaphore de la cordée, nous devons tout d’abord nous mettre en forme pour la randonnée en montagne. En particulier à un âge avancé, les maladies chroniques sont plus fréquentes. Heureusement, les principaux facteurs de risque favorisant ces maladies sont du ressort de chaque individu: consommation excessive d’alcool et de tabac, mauvaises habitudes alimentaires et activité physique insuffisante. La seule réduction de ces facteurs de risque à des niveaux raisonnables contribue déjà largement au bien-être de la personne et prolonge ainsi son indépendance.
- Ensuite, le bon équipement pour la randonnée en montagne correspond à des conditions de logement adaptées à l’âge. «Ne pas construire pour des personnes âgées, mais du point de vue des personnes âgées», telle est la devise. Il ne s’agit donc pas de faire ressembler le domicile à une maison de retraite, mais de faire attention aux détails qui pourraient faciliter la vie plus tard: un appartement au rez-de-chaussée ou dans une maison avec ascenseur, des couloirs et une salle d’eau accessibles en fauteuil roulant, une douche avec possibilité de s’asseoir, etc.
- Finalement, il reste la question du comportement: comment chacun gère-t-il son patrimoine ? Aujourd’hui, le financement des soins à long terme est considéré comme injuste par beaucoup, car les économies pour la gériatrie sont grevées alors que la consommation est récompensée. Quiconque possède encore du capital au moment d’entrer dans un EMS doit payer son séjour lui-même. Les autres bénéficient de prestations complémentaires alimentées par l’argent du contribuable.
Capital de soins individuel
De nouveaux modèles de financement voient le jour, mais le débat est quasiment inexistant au niveau politique. Avenir Suisse propose la formation d’un capital de soins individuel obligatoire. Les moyens économisés sont utilisables pour toutes les prestations en cas de nécessité, qu’il s’agisse de soins ou d’un suivi, à la maison ou dans un EMS, selon la préférence de chacun. Le capital de soins serait ainsi financé d’une seule main. Le personnel soignant ne devrait plus noter en détail quelle part des prestations complémentaires est prise en charge par la caisse maladie ou par la commune, et pourrait ainsi se consacrer davantage à ses patients.
Contrairement à d’autres assurances de soins, cette solution ne constitue pas une simple machine de distribution centralisée et anonyme. Ici, chacun économise de l’argent qu’il pourra utiliser pour ses propres soins de vieillesse. En cas de décès, les économies non utilisées sont transmises aux héritiers. Ainsi, le soutien des proches est récompensé, la sollicitation modérée des ressources, encouragée et la responsabilité individuelle, renforcée.
Cet article est paru dans l'édition 2/16 du magazine des clients de Sanitas. Avec l'aimable autorisation de la rédaction.