Ces derniers mois, les prix des énergies fossiles comme le pétrole ou le gaz ont connu leur plus forte hausse depuis une décennie. En Suisse, le carburant a franchi la barre des deux francs par litre dans certains endroits.
En parallèle, on ne cesse de le répéter, les coûts d’investissement des nouvelles énergies renouvelables comme le solaire ou l’éolien se sont non seulement radicalement réduits, mais le soleil et le vent, eux, ne facturent pas leurs prestations aux propriétaires de panneaux solaires ou d’éoliennes. Dans ces conditions, le tournant énergétique vers le zéro net devrait se faire tout seul.
Les conséquences du mouvement des gilets jaunes
On pourrait croire que les conditions sont idéales pour la COP26 qui s’est tenue jusqu’au 12 novembre à Glasgow. En effet, les forces du marché rendent les sources d’énergie renouvelables et leurs technologies plus attractives, alors que les combustibles fossiles perdent du terrain.
Toutefois, de nombreux pays ayant annoncé des objectifs de réduction très stricts à Glasgow ne font apparemment confiance ni aux marchés ni à leur population. L’exemple de la France et son mouvement des gilets jaunes est profondément ancré dans la mémoire de nombreux gouvernements. A partir de décembre, en France justement, une «indemnité inflation» de 100 euros sera versée à plus de la moitié de la population. En outre, les prix du gaz vont être plafonnés par l’Etat.
L’incitation est donc mal définie : un prix de vente inférieur au prix du marché ne conduit pas à une consommation maîtrisée des matières énergétiques rares. Les fournisseurs qui doivent s’approvisionner en gaz sur le marché international à court terme risquent également de faire faillite, ce qui entraînerait une nouvelle intervention de l’Etat. Au Royaume-Uni par exemple, les fournisseurs de gaz individuels en difficulté ont dû être soutenus par l’Etat pour remplir leurs obligations d’approvisionnement. L’Allemagne réfléchit à augmenter l’indemnité de trajet, c’est-à-dire de rendre les longs trajets domicile – travail encore plus attractifs d’un point de vue fiscal. Ainsi, la mobilité serait encore renforcée. En parallèle, les pays mentionnés ci-dessus encouragent le tournant énergétique par des milliards d’euros d’argent public par an. Ainsi, c’est comme s’ils appuyaient sur l’accélérateur et le frein en même temps, ce qui revient à faire beaucoup d’efforts pour pas grand-chose.
Une transition énergétique gratuite ?
Où en sommes-nous en Suisse ? Ceux qui réclament des coups de pouce en raison des prix élevés de l’énergie ne se sont toujours pas fait entendre. Comment l’expliquer ? Entre autres parce que notre bouquet énergétique se compose de très peu de combustibles fossiles, notamment grâce à l’énergie hydraulique et nucléaire. De plus, la part de l’énergie dans le prix de vente final représente souvent moins de 25 %, le reste étant constitué d’impôts et de redevances fixes ainsi que de la marge commerciale. Une modification des prix internationaux de l’énergie n’a donc qu’un impact réduit sur le prix final. Ceux qui voudraient une transition énergétique «gratuite» sont ceux que l’on entend le plus, comme on a pu le constater lors du référendum national de juin dernier.
Une mesure de politique climatique idéale réduirait les émissions de gaz à effet de serre sans en modifier la répartition, ce qui est compliqué. En politique, le soutien financier des technologies respectueuses de l’environnement fait office de «moins mauvaise option», ce qui permet de satisfaire au moins une partie de l’électorat. C’est la raison pour laquelle on a souvent recours aux subventions : après tout, elles modifient les prix relatifs en faveur des sources d’énergie qui n’émettent pas de gaz à effet de serre. Toutefois, les subventions sont rarement neutres sur le plan technologique et ne reflètent pas la rareté du bien subventionné. Par exemple, le fait de rendre les véhicules électriques moins chers favorise la mobilité individuelle. La mesure n’est donc pas efficace.
Dans la mesure du possible, la hausse des prix des combustibles fossiles ne doit pas peser sur la population. Mais la transition énergétique ne peut pas se faire gratuitement. Toutefois, il est possible de la rendre efficace et efficiente au moyen de redevances sur les gaz à effet de serre et d’une redistribution complète. Ainsi, globalement, moins de ressources économiques sont utilisées pour les mêmes réductions.
Vérité des coûts et confiance dans les forces du marché
L’exigence de la vérité des coûts permet de mettre en place les conditions préalables nécessaires. Jusqu’à présent, les sources d’énergie fossiles ont bénéficié du fait que les conséquences financières des émissions de GES ne doivent pas être tarifées. L’augmentation actuelle du prix des sources d’énergie fossiles est une chance pour les solutions neutres sur le plan climatique. Il ne faut pas compromettre cela par des compensations. Ce qu’il faut, c’est une plus grande confiance dans les forces du marché.