Les rentes de vieillesse des femmes sont inférieures à celles des hommes si on considère l’ensemble des trois piliers. Selon une étude de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) publiée en 2016, l’écart dans le 1er premier pilier est toutefois presque nul – les rentes AVS affichent en effet un écart d’un peu moins de 3 % entre les genres. C’est dans le 2pilier que la différence est la plus prononcée, à hauteur de 63 %, alors qu’elle est de 54 % en moyenne dans le 3e pilier. Mais ce dernier ne compte que peu dans le revenu total des retraités (du moins des retraités actuels).

Les femmes avantagées dans l’AVS

En moyenne, les femmes et les hommes perçoivent des rentes AVS équivalentes. D’une part, cela est dû au splitting : pour calculer les rentes, les revenus des deux conjoints sont additionnés et chacun reçoit la moitié des cotisations ainsi cumulées. D’autre part, c’est le résultat des bonifications pour tâches éducatives, qui représentent un revenu fictif de la mère pendant les années où les enfants sont à la charge des parents. Les différences entre les femmes et les hommes en matière de carrière professionnelle sont donc largement compensées dans le 1er pilier.

Les femmes sont ainsi loin d’être désavantagées dans l’AVS. En effet, elles obtiennent 57 % des rentes AVS alors qu’elles ne paient que 33 % des contributions. De plus, les veuves bénéficient d’un meilleur traitement que les veufs. Elles ont droit à une rente de veuve même si leurs enfants ont déjà atteint l’âge de la majorité. Les veufs, eux, ne la touchent que tant que leurs enfants sont en âge d’être scolarisés. Ainsi, 97 % des rentes de veuvage sont octroyées aux femmes.

Pas forcément d’écarts de rentes dans le 2pilier

La différence moyenne de rente dans le 2pilier entre les femmes et les hommes est certes considérable, à plus de 18 000 francs par an, mais elle doit être considérée de manière différenciée. D’une part, l’écart de rentes ne signifie pas toujours que les femmes retraitées sont financièrement moins privilégiées que les hommes. En ce qui concerne les célibataires à la retraite par exemple, il semble n’y avoir presque pas de différence entre les genres (voir graphique). Les veufs et divorcés présentent un écart de rentes inférieur à la moyenne, mais le risque de tomber dans la pauvreté est particulièrement élevé pour ces retraités. Près d’une retraitée divorcée sur trois reçoit des prestations complémentaires – mais les personnes veuves et célibataires dépendent également plus souvent d’un soutien financier que les personnes mariées.

Cette situation est probablement aussi due au fait que les coûts fixes par personne sont plus élevés lorsqu’on vit seul plutôt qu’en couple. En outre, comme les femmes ont une espérance de vie plus élevée que les hommes, et qu’elles sont généralement plus jeunes que leur partenaire, elles se retrouvent plus souvent veuves et sont ainsi plus susceptibles de devoir aller dans un EMS lorsqu’elles nécessitent des soins. En revanche, chez les couples mariés, l’écart entre les sexes en matière de rentes est plus important. Il est toutefois peu probable que cet écart soit ressenti par les femmes, car la plupart des couples mariés mettent leurs revenus en commun et les partagent. Pour les couples mariés, il est donc plus pertinent de savoir si la somme des rentes des deux époux est suffisante pour vivre que de savoir qui contribue le plus. En outre, les couples bénéficient de coûts fixes moins élevés – notamment en matière de logement.

De plus, l’écart actuel entre les rentes reflète le mode de vie des femmes et des hommes qui sont entrés dans la vie active au cours des années 1960 et 1970, ce qui ne permet pas vraiment d’anticiper la situation des futures retraitées. À l’époque, les modèles «traditionnels» étaient très répandus et les femmes étaient moins actives professionnellement qu’aujourd’hui. Cette répartition des tâches a eu un impact particulier sur l’écart des rentes dans le 2pilier.

Au cours des dernières décennies, divers ajustements ont été apportés au système de retraite afin de réduire cet écart. L’introduction du partage des avoirs de prévoyance professionnelle dans le 2pilier en est un exemple. En cas de divorce, les avoirs sont partagés entre les deux conjoints, ce qui est particulièrement avantageux pour les femmes qui n’exerçaient presque pas ou pas du tout d’activité professionnelle pendant la durée du mariage (à l’instar du splitting dans l’AVS). Ainsi, l’écart de rentes entre les sexes continuera de se réduire à l’avenir, sans que des mesures supplémentaires ne doivent être mises en place.

Parcours professionnels différents – rentes différentes

Même si la participation des femmes au marché du travail a augmenté de manière significative, les parcours professionnels des femmes et des hommes sont encore considérablement différents. Par exemple, les femmes travaillent bien plus souvent à temps partiel. Et dans la prévoyance professionnelle, le taux d’occupation a un impact particulièrement fort sur le niveau de la retraite. En effet, une personne qui travaille moins gagne un salaire moins élevé et économise donc moins de capital de prévoyance.

Cette problématique est encore accentuée par ce qu’on appelle la déduction de coordination. Dans le 2pilier, ce n’est pas la totalité du salaire qui est assurée, mais seulement la partie du salaire qui dépasse 24 885 francs. Cela conduit donc, lors d’une réduction du taux d’occupation, à une baisse disproportionnée des cotisations d’épargne : si, pour un poste à temps plein, une femme gagne 80 000 francs, le salaire assuré pour constituer son capital retraite est de 55 115 francs. Si toutefois elle baissait son taux d’occupation à 50 %, et qu’elle gagnait encore 40 000 francs, son revenu soumis au régime de prévoyance professionnelle ne serait pas baissé de moitié, mais réduit à 15 115 francs, en raison de la déduction de coordination fixe qui ne dépend pas du taux d’occupation.

Un 3pilier moins populaire auprès des femmes

Souvent, les femmes cotisent moins dans le 3pilier que les hommes. En effet, selon une étude du Crédit Suisse, alors qu’environ 50 % des femmes actives cotisent régulièrement dans le 3pilier, ce chiffre s’élève à 60 % chez les hommes. Si une somme est versée dans le 3pilier, et si oui, quel montant, dépend en premier lieu du salaire. En effet, avec l’augmentation du salaire, la probabilité d’un paiement s’accroît, tout comme la somme versée.

Toutefois, même si les salaires des femmes ont tendance à être plus bas en règle générale, il ne s’agit pas du seul facteur qui entre en jeu : en effet, une grande partie des jeunes femmes célibataires qui ont des taux d’occupation élevés et qui bénéficient de moyens financiers suffisants ne cotisent pas dans le 3pilier, même si elles pourraient se permettre de verser régulièrement une petite somme. L’étude du Crédit Suisse arrive à la conclusion que les jeunes femmes et les femmes vivant dans des foyers à deux revenus et sans enfants pourraient faire plus pour leur prévoyance privée.

Trois mesures pour réduire l’écart de rentes

Quelles mesures peuvent alors être prises pour réduire davantage l’écart de rentes entre les femmes et les hommes à l’avenir ?

Premièrement, il faut faire disparaître les obstacles qui empêchent les femmes de s’impliquer davantage dans la vie professionnelle. En effet, un taux d’occupation plus élevé, ainsi que moins d’interruptions dans la vie professionnelle permettent une meilleure sécurité financière : tant lors de l’exercice de l’activité que pendant la retraite. Notre système fiscal représente également un frein à l’augmentation du nombre de femmes actives : la taxation commune des couples mariés incite en effet les femmes à ne pas travailler ou à ne travailler qu’à un petit pourcentage. En introduisant l’imposition individuelle, l’incitation au travail sera plus forte, ce qui pourrait créer environ 60 000 postes à temps plein.

Deuxièmement, l’écart pourrait être réduit si l’on baissait la déduction de coordination. Une grande partie des employeurs a d’ailleurs déjà réagi à ce sujet : comme le montre l’étude de Swiss Life, environ 70 % des PME lient déjà le montant de la déduction de coordination au taux d’occupation, voire l’abolissent complètement. L’étude de Swisscanto tire une conclusion similaire. Toutefois, une déduction de coordination plus basse implique des cotisations sociales plus élevées, ce qui pourrait mener à des salaires nets plus bas, voire à une demande de travail plus faible, et respectivement à une augmentation du chômage.

Troisièmement, il est particulièrement important pour les femmes de gérer leur propre prévoyance vieillesse le plus tôt possible. En effet, éviter les lacunes de prévoyance vieillesse, dans l’épargne privée du 3pilier, ou dans le choix du modèle de travail peut influencer de manière décisive le montant de la rente. Notre situation financière à la retraite est donc aussi entre nos mains.