Photo: fotolia

Photo: fotolia

CHERTÉ Ni les salaires ni les importations ne seraient la vraie cause des prix élevés en Suisse, mais l’Etat, qui abuserait régulièrement de sa position de monopole. C’est ce qu’affirme le think tank Avenir Suisse.

Gerhard Schwarz, directeur de l’organe de réflexion économique libéral Avenir Suisse s’attaque aux explications habituelles de la cherté suisse. Il s’en prend aussi bien aux arguments des consommateurs que des entreprises.

7% du budget brut des ménages est consacré à l’alimentation (hors alcools). Ce faible montant surprend. Il émane pourtant de l’Office fédéral de la statistique. «Arrêtons donc de comparer le prix d’une tartine de Nutella avec l’étranger! Les médias accordent trop de place à la nourriture», lance Gerhard Schwarz. Stefan Meierhans, le surveillant des prix nuance. «Même modeste, le poste alimentaire est important. C’est le moteur d’un tourisme d’achat vivace.»

Avec ses salaires si élevés, la Suisse semble définitivement pénalisée. Pourtant, deuxième découverte d’Avenir Suisse: le coût global d’un salarié suisse est à peu près identique à celui d’un salarié de l’Union européenne. Le think tank se base sur des moyennes calculées par Eurostat. Par exemple, les coûts salariaux moyens dans l’hôtellerie sont équivalents en Suisse et en Allemagne, mais plus élevés que dans le reste de l’Europe. Quant au commerce de détail, coûts salariaux suisses et européens se valent, selon une étude BAK de 2008. Là encore, le Surveillant des prix émet un bémol: «Si nous avons également relativisé l’influence des salaires dans notre récente étude Prix&Coûts, dans le secteur des services, le lien entre salaires et prix est direct. Si les charges liées aux salaires suisses sont un tiers plus basses qu’en Allemagne, cela ne compense pas l’écart de salaire du secteur tertiaire. Auxquelles se rajoutent souvent d’autres coûts, comme des loyers élevés.»

Autre bouc émissaire récurrent: les importations. «Beaucoup semblent penser qu’elles seules ont des prix exagérés, mais il est évident que même les entreprises indigènes vendent moins cher à l’étranger qu’en Suisse», dénonce Gerhard Schwarz. L’exemple de certains médicaments est un classique. Les Suisses devraient donc parfois s’en prendre à eux-mêmes. Stefan Meierhans va plus loin en incriminant notre système politique qu’il estime en partie pilotée par des lobbies dont les intérêts particuliers ont largement empêché l’ouverture du marché suisse à la concurrence.

Prestations publiques chères

Quel est alors le grand responsable de la cherté suisse? L’Etat, selon Avenir Suisse. Pour une prestation publique comparable, le citoyen suisse paie 63% de plus que son voisin européen selon le think tank, ce qui a des répercussions spectaculaires pour un ménage: 17% des dépenses sont en moyenne dédiées à des prestations publiques… Soit bien plus que les 7% consacrés à la nourriture. Ce qui signifie moins d’argent pour consommer ou épargner et, à plus large échelle, moins de croissance et d’investissement pour le pays.

Quelques exemples? La facture pour un certificat d’héritier peut atteindre 7000 francs dans le canton de Zurich. Et l’authentification de l’achat d’un logement valant 1 million y coûtera 2300 francs. «De telles taxes ne correspondent certainement pas au coût de la prestation et révèlent avant tout la motivation financière des autorités», condamne Gerhard Schwarz. Les droits de douane sur les produits agricoles entrant en territoire helvétique s’élèvent en moyenne à 60%, contre seulement 14% dans l’Union européenne, note encore Avenir Suisse. Certains coûts sont toutefois incompressibles. Lorsque l’Etat soutient un bureau de poste dans chaque village, le service public prime sur la rentabilité.

Que faire face à un Etat cher et souvent en situation de monopole? Impossible en effet de payer sa redevance RTS ailleurs que chez Billag. «Il faut abolir les taxes ad valorem, c’est-à-dire calculée en pourcentage d’un montant variable», propose Gerhard Schwarz. Et de citer l’initiative populaire pour «des taxes justes», lancée à Zürich début 2013, qui exige que leur montant soit voté et non plus fixé par ordonnance. Il faut aussi augmenter l’efficience grâce à l’e-governance, privilégier une mise au concours systématique des prestations. Enfin, une partie du travail repose sur le Surveillant des prix qui doit convaincre les autorités qu’on peut faire aussi bien, moins cher.

Cet article a été publié dans «Le Matin Dimanche» du 7 septembre 2014.