La liberté peut se mesurer selon de nombreux critères. L’indice de liberté d’Avenir Suisse utilise 33 indicateurs pour mesurer les différents degrés de liberté dans les cantons. L’un d’entre eux est la quote-part de l’Etat, qui reflète le rapport entre les dépenses publiques et le produit intérieur brut. Cet indicateur illustre donc la présence du secteur public dans l’économie. Une quote-part élevée tend à compliquer l’activité économique individuelle. Il existe un risque que les décisions privées soient compromises et prises en charge par l’Etat, ce qui réduit la liberté de l’individu. Mais qu’en est-il des différentes quotes-parts des gouvernements cantonaux ? Lesquels garantissent le mieux la liberté économique ?

Ce ratio peut varier en fonction de la définition concrète de la quote-part de l’Etat et des performances de ce dernier. Si l’on tient également compte de la redistribution étatique via l’AVS ou les assurances obligatoires (par exemple l’assurance maladie), le rôle de l’Etat dans l’économie devient bien plus important. De même, les garanties explicites ou implicites, comme dans le cas des banques cantonales, ne doivent pas être ignorées. L’indice de liberté d’Avenir Suisse met simplement les dépenses cantonales en relation avec le produit intérieur brut (PIB) cantonal. Afin d’éviter les distorsions en faveur des cantons, qui confient de nombreuses tâches à leurs communes, une quote-part globale est calculée, c’est-à-dire que les dépenses cantonales et communales sont prises en compte.

Croissance incontrôlée des dépenses

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : aucun canton n’est parvenu à maintenir les dépenses au niveau des années 1990. Seul le canton de Glaris peut prétendre avoir maintenu la croissance des dépenses dans des limites acceptables (voir graphique interactif 1). Par rapport à la médiane, les cantons et leurs communes dépensaient presque 1,5 fois plus à la fin des années 2010 qu’il y a vingt ans. A leur actif, ils font mieux que le gouvernement fédéral, puisque les dépenses fédérales ont plus que doublé au cours de la même période. Mais la situation est particulièrement frappante dans les cantons de Zoug et de Fribourg ainsi que dans le canton de Schwytz. Leurs dépenses au niveau communal et cantonal sont presque 2,5 fois plus élevées qu’il y a trente ans.

Toutefois, la quote-part de l’Etat ne dépend pas seulement du niveau des dépenses mais aussi de la taille de l’économie. Mesurée par rapport au PIB, l’économie a connu une croissance d’un facteur 1,5. En moyenne, les dépenses des cantons et de leurs communes ont donc évolué à un rythme similaire au PIB. Mais cette affirmation n’est vraie qu’en moyenne. La Confédération et la moitié des cantons ont augmenté leurs dépenses de manière excessive. Il ne faut donc pas seulement s’intéresser à la croissance, mais aussi au niveau de la quote-part elle-même.

Différents cantons, différentes pratiques

En Suisse, les cantons sont souverains et profitent effectivement de cette liberté. Par voie de conséquence, les quotes-parts cantonales ne pourraient pas être plus diverses. Alors que certains cantons et leurs communes utilisent plus de 30% de la production économique locale pour couvrir les dépenses publiques avec, d’autres y parviennent avec seulement un tiers de ce montant. Le canton de Zoug, par exemple, a une quote-part de l’Etat de seulement 11,8%, ce qui le place en tête des cantons suisses (voir graphique interactif 2), suivi du canton de Schaffhouse avec 16,1%. Dans l’indice de liberté d’Avenir Suisse, ils reçoivent le plus de points pour cet indicateur. Le canton du Tessin, qui se classe traditionnellement en bas de classement de l’indice de liberté d’Avenir Suisse, se distingue lui aussi par sa quote-part de l’Etat très faible de 18,9 %.

Le canton d’Uri occupe la dernière place. Ce canton utilise près d’un tiers (30,7%) de la production économique pour couvrir ses dépenses publiques, suivi de près par les cantons du Valais (29,7%) et des Grisons (27,8%). Dans les cantons de Suisse romande, la quote-part tourne autour des 25%. Il est relativement clair qu’une compréhension différente de l’Etat s’est développée autour de l’Arc lémanique par rapport à la Suisse centrale, par exemple. Ainsi, dans la région lémanique, l’Etat se voit attribuer un éventail plus large de tâches. Le canton de Neuchâtel représente une exception romande : avec une quote-part de l’Etat de 20,6%, il représente la médiane pour la Suisse.

Se concentrer sur les tâches essentielles

Le fédéralisme fortement développé de la Suisse permet aux différents cantons de mettre en œuvre et de vivre leur propre conception de l’Etat et de ses tâches essentielles. La répartition des compétences entre les nombreux cantons est donc à leur avantage. Les tensions naissant du choc entre différentes conceptions de l’Etat peuvent ainsi être réduites au minimum. Les cantons comme ceux de Suisse centrale, qui ont tendance à être plus critiques envers l’Etat, ont ainsi la possibilité de limiter leur appareil cantonal au minimum souhaité.

Cette marge de manœuvre fédéraliste est la bienvenue et mérite d’être protégée. Pour autant, une croissance des dépenses publiques supérieure à celle de l’économie est à déplorer, car guère durable. L’ampleur de la quote-part de l’Etat dans certains cantons et leurs communes est également préoccupante, surtout si l’on tient compte des dépenses de la Confédération.

En ce sens, il serait bienvenu que l’un ou l’autre canton rappelle, une fois de plus, le principe réglementaire selon lequel l’Etat doit se concentrer sur ses tâches essentielles et limiter au maximum sa part dans l’économie nationale.

L’Etat ne doit donc pas seulement être limité dans l’exercice de son pouvoir, mais aussi dans son emprise sur l’économie suisse afin d’éviter l’éviction de la partie privée. Les libertés économiques de chaque individu seraient ainsi garanties, créant des possibilités de développement individuel et de prospérité de la société.