Les récentes critiques d’Emmanuel Macron à l’encontre de l’Otan ont fait le tour du monde. Dans sa nouvelle publication, Avenir Suisse s’est précisément demandé ce qu’il adviendrait si l’Otan n’était plus en mesure d’agir et a identifié des mesures possibles pour la Suisse :

Recommandations

La possibilité que la force militaire la plus puissante du monde retire ses troupes d’Europe est régulièrement exprimé par l’administration américaine actuelle. En adoptant un comportement avisé, les partenaires européens de l’Otan peuvent toutefois éviter que cette possibilité se concrétise (Barrie et al. 2019). Après tout, il y a des tensions entre Washington et l’Europe au sujet du partage des charges depuis plus de 50 ans.

Les politiques de sécurité de l’Europe et de la Suisse doivent tenir compte des développements actuels dans les relations transatlantiques et les relations américano-chinoises. La proportion de troupes américaines stationnées en Europe diminue régulièrement depuis la fin de la guerre froide. Même l’occupation de la Crimée et la guerre dans l’est de l’Ukraine n’ont pas entraîné une augmentation absolue du contingent américain sous la présidence Obama. Dans le même temps, le contingent augmente en Asie. Ceci permet de conclure qu’au niveau mondial, le principal concurrent de Washington en matière de politique de sécurité n’est plus la Russie mais la Chine. Si l’on suppose que la domination dans le domaine technologique est aussi importante aujourd’hui que par le passé pour dominer les océans du monde, la Russie ne peut plus être un concurrent sérieux des Etats-Unis.

Kennedy avait peut-être critiqué l’Europe en termes rhétoriques, mais son engagement en faveur d’une Europe libre et démocratique a été confirmé par ses actes. Dans l’administration actuelle, toute participation des Etats-Unis dans une institution multilatérale est de plus en plus soumise à un rapport coûts-bénéfices, et Washington semble supposer que les paiements inférieurs à la moyenne effectués par d’autres Etats membres doivent être interprétés comme des dettes cumulées envers les Etats-Unis. Pendant ce temps, le retrait des Etats-Unis de l’Europe relève du domaine de l’imaginable pour de nombreux instituts et individus de renom. Même si ces suppositions sont d’abord là à titre d’hypothèse, leurs conséquences possibles sont déjà débattues.

Nouvelles menaces pour la défense nationale de la Suisse

La Suisse ferait bien de se pencher sérieusement sur ces scénarios et sur les nouvelles menaces qu’ils font peser. Surtout dans le domaine de la cybersécurité ; une cyberattaque peut tout à fait se produire sans que les Etats-Unis se retirent de l’Otan.

La structure des dépenses publiques en matière de sécurité et de défense doit être adaptée en fonction des nouvelles menaces. Par exemple, l’infanterie et l’artillerie continuent de recevoir des ressources matérielles, humaines et financières importantes, tandis que la cyberdéfense et le renseignement doivent se contenter de moyens beaucoup plus modestes. Si la Suisse veut être à jour dans le domaine de la cyberdéfense, il convient de revoir les priorités actuelles en matière de dépenses de défense. Les conséquences de l’extension des capacités informatiques de l’armée suisse aux dépens du matériel (artillerie, personnel dans l’infanterie) doivent être démontrées.

La fin des guerres classiques entre Etats avec de grandes armées permanentes a été annoncée il y a longtemps. Dans les conflits, il existe une tendance à minimiser ses propres pertes tout en maximisant les gains. Concrètement, cela signifie qu’il faut sacrifier le moins possible son propre personnel pour atteindre un objectif (annexion, dissuasion, changement de comportement d’un acteur). Inversement, cela s’applique également à un Etat axé sur la défense comme la Suisse. Un effectif militaire important n’est pas nécessairement la meilleure garantie de sécurité en soi – une cyberattaque contre un fournisseur d’énergie sera contrée par des spécialistes en informatique de la cyberdéfense et non par des troupes terrestres.

Comme celle d’Israël, la politique de sécurité suisse peut, en raison de la force d’innovation de la place économique suisse, bénéficier des impulsions créées par l’interaction entre l’Etat, le secteur privé et la science. Si les visions numériques d’aujourd’hui deviennent réalité, la cybersécurité sera également au cœur de l’infrastructure civile. La convergence entre les savoir-faire militaire et civil devrait être réalisée par la Suisse dans le domaine numérique.

Actuellement, la Suisse est principalement entourée d’Etats membres de l’Otan, qui bénéficient du parapluie américain. Si ce dernier venait à perdre son étanchéité, la Suisse devrait également se repositionner. Même si l’incapacité réelle de l’Otan à agir n’est actuellement qu’un jeu de réflexion hypothétique, il convient d’examiner les variantes de la stratégie suisse qui présente un potentiel pour approfondir la coopération en matière de sécurité avec des partenaires européens. Un échange accru de savoir-faire et d’informations sur les résultats, les menaces et les tendances pourrait être très bénéfique pour la sécurité des forces armées, des services de renseignement et de la police, sans impliquer obligatoirement de s’écarter du principe de neutralité défini par la Constitution. La neutralité elle-même est un terme ancré dans le droit suisse qui est particulièrement pertinent en cas de guerre.

Vous trouverez de plus amples informations dans la publication «Et si… ? 13 développements possibles et leurs conséquences pour la Suisse».