En réaction à la pandémie que nous traversons actuellement, la question des menaces réelles a de nouveau été soulevée. Sur le plan militaire, la Suisse, située au cœur de l’Europe, a jusqu’à présent bénéficié du parapluie de l’OTAN. Aujourd’hui, les risques se situent principalement dans les cybermenaces et les menaces terroristes, ainsi que dans les pénuries d’électricité et les pandémies. Avec un budget de 6,3 milliards de francs par an, les dépenses de sécurité représentent 8,2 % du budget de la Confédération. Parmi ces 6,3 milliards, 5 milliards sont consacrés à la défense nationale militaire.

Afin de financer les projets d’acquisition représentant un montant total de 15 milliards de francs au cours des dix prochaines années, le budget de l’armée doit être augmenté de 1,4 % par an. Pour les quatre prochaines années, le Parlement a approuvé les futurs projets d’acquisitiontout reste cependant ouvert en ce qui concerne la suite. En particulier, les 7 milliards de francs destinés aux forces terrestres susciteront d’autres débats. 

Ressources et situation sur le front de la menace

Le facteur décisif pour une armée du futur est son utilité pour la sécurité nationale, dans un contexte transnational. Par exemple, avec la promesse d’une réduction à long terme du parc immobilier, le Conseil fédéral a demandé un prêt de 489 millions de francs dans le message sur l’armée 2020 pour l’extension des emplacements militaires, notamment des places d’armes de Chamblon et de Frauenfeld, ainsi que de la base aérienne de Dübendorf.

Les avantages de ces investissements doivent être pesés face à ceux des investissements dans les logiciels militaires, dans l’expansion du service de renseignement, dans la protection civile ou pour soutenir l’Office fédéral de la police (fedpol), qui coopère au niveau international. Toutefois, cela signifierait que les Chambres fédérales ne pourraient pas décider de budgets séparés pour chaque organe de sécurité, mais d’un seul budget de sécurité global.

Il existe actuellement de nombreuses zones de conflits en Europe, comme dans le Caucase, en Méditerranée orientale ou en Ukraine. En cas d’urgence, la défense des différents pays européens ne peut être assurée que par une protection mise en place sous la forme d’une alliance. Si l’on est favorable au maintien du budget de l’armée sur la base d’une éventuelle urgence, les concepts de neutralité et de défense autonome doivent alors être refondés en conséquence. Cela signifie que l’armée doit également être plus orientée vers les risques de sécurité transnationaux, comme les missions de paix, les exercices militaires transnationaux, l’interopérabilité avec les armées des pays voisins ou même lacquisition d’armement en coopération avec ces dernières.

Avec 50,1 % de oui lors de la votation sur les avions de combat, le DDPS a tout juste obtenu la majorité. Patrouille Suisse (Verstappen Photography, Unsplash)

Compte tenu de l’évolution de la situation sur le front de la menace, la Suisse a besoin d’une armée sachant s’adapter et fonctionnelle sur de multiples niveaux. Mais elle doit surtout être modernisée sur le plan numérique. Jusqu’à présent, cette idée n’a pas été suffisamment mise en œuvre par le DEVA. Les investissements prévus doivent être classés dans chaque cas en fonction des nouveaux risques liés à la politique de sécurité : dans quelle mesure une future armée transnationaleinteropérable et plus rentable aura-t-elle besoin d’unités de chars lourds ? L’armée britannique envisage actuellement de se passer complètement des chars, car leur importance pour la guerre moderne a diminué. Ainsi, elle préfère investir dans la cyberdéfense. Ce sont également des réflexions auxquelles la Suisse doit se livrer. Le DDPS vise à déployer l‘armée pour protéger la souveraineté numérique nationale. Le délégué fédéral à la cybersécurité et le Centre national pour la cybersécurité (NCSC) coordonnent leurs forces dans ce domaine. L’armée devrait toutefois travailler plus étroitement avec le NCSC, plutôt que de faire cavalier seul.

La cybersécurité est une chance pour le système de milice

Début 2024, le Conseil fédéral planifie de transformer la Base d’aide au commandement (BAC) en un commandement spécifique appelé commandement Cyber. Il a prévu d’accroître les effectifs de milice, se chiffrant aujourd’hui à 206 soldats, pour qu’il s’élève à 575. Par rapport au nombre effectif de l’armée, qui est d’environ 143 000 employés, cela n’est qu’un premier petit pas. Par exemple, avec un effectif de 170 000 soldats, Israël dénombre environ 5000 cyber-soldats dans son Unit 8200.

En Suisse, les futurs spécialistes cyber peuvent désormais également effectuer un stage auprès d’un partenaire externe. A l’aide de partenariats plus durables entre les secteurs publics et privés et grâce à une école de recrues mieux ciblée, le système de milice pourrait être encore renforcé. Le savoir-faire dans le domaine cyber est principalement établi dans le secteur privé, par exemple dans les banques suisses. L’armée devrait inciter au recrutement de spécialistes. Il est important que cette dernière dédouane les entreprises des absences de leurs employés pour que le système de milice soit mieux perçu dans l’économie. Par exemple, cela pourrait se faire grâce à des partenariats à long terme avec les employeurs, à un transfert de savoir-faire dans les deux sens ou à des cours de répétition plus courts pour les experts dans le domaine cyber.

Une armée adaptée à la menace actuelle pourra renforcer sa légitimité, augmenter la rentabilité des recettes fiscales utilisées par  synergie et ainsi garantir qu’aucun autre vote de défiance ne sera déposé dans les urnes.

Cet article a été publié le 24 novembre 2020 dans la NZZ.