Dans quelle mesure le Covid-19 a-t-il représenté une césure pour l’économie et le marché du travail suisses ? L’Etat-providence, en particulier l’assurance-chômage, ou la Loi sur le travail doivent-ils être ajustés ? Quels changements sont permanents, et quels sont ceux qui ne seront que temporaires ? Voilà les questions centrales auxquelles cette publication répond.
Peu de licenciements, mais moins d’heures travaillées
Si l’on examine les indicateurs couramment utilisés pour évaluer l’état du marché du travail, il est surprenant de constater qu’il y a peu de signes immédiats de la crise du Covid-19. Le taux d’activité n’a baissé qu’à court terme pendant le premier confinement et l’augmentation du taux de chômage de 0,8 point de pourcentage en 2020 est modérée.
Toutefois, en 2020, le volume de travail, soit le nombre effectif d’heures travaillées, a diminué de 3,7 %, ce qui est nettement plus que lors des précédentes crises économiques. Tout le monde n’a pas été touché par la crise de la même manière. Les jeunes adultes, les indépendants, et les salariés disposant de bas revenus ont ressenti plus fortement que les autres les effets de la crise. Le concept de «She-cession», soit une récession qui touche surtout les femmes sur le marché du travail, n’a que partiellement eu lieu en Suisse. Toutefois, la crise a mis une nouvelle fois en évidence la problématique des femmes, plus tributaires des bouleversements sur le marché du travail.
Le chômage partiel a sauvé 120 000 postes
Un bon quart des salariés a été touché par le chômage partiel pendant le premier confinement. Si cet instrument n’avait pas été mis en place, environ 120 000 emplois auraient disparu et le taux de chômage aurait atteint la barre des 5,5 % (contre 3,3 %). Toutefois, l’utilisation de cet outil a son prix : outre les dépenses se chiffrant en milliards de francs, l’instrument comporte aussi le risque de simplement reporter un chômage inéluctable et donc de mener à un maintien coûteux des structures. Dans ce contexte, l’augmentation de la durée d’indemnisation en cas de chômage partiel à 24 mois, mais surtout l’augmentation de l’indemnisation du chômage partiel à 100 % du salaire pour les bas revenus doivent être considérées d’un œil critique. La prolongation de la durée des prestations de l’assurance chômage jusqu’à 180 indemnités de chômage supplémentaires risque d’augmenter la durée du chômage des personnes concernées.
Les salaires n’ont pas diminué au cours de l’année 2020, au contraire : corrigés de l’inflation, ils ont augmenté de 1,5 % par rapport à 2019. Il n’y a aucun indice qui démontrerait une accentuation des écarts des niveaux de salaires. Ainsi, les données officielles montrent que les salaires ont augmenté aussi dans les classes de salaires inférieurs. L’aide sociale n’a pas non plus ressenti jusqu’à présent une forte détérioration de la situation économique des ménages à faibles revenus.
Modifier la loi pour s’adapter aux souhaits de flexibilité
La pandémie a accéléré la tendance du télétravail. Bien que l’opinion selon laquelle le télétravail a un effet négatif sur les employés soit très répandue auprès des syndicats, la grande majorité des employés semblent avoir fait de bonnes expériences avec le travail à la maison. Même s’ils souhaitent maintenir en partie le télétravail après la pandémie, pour les jeunes, les personnes mobiles et celles soucieuses de leur carrière, le présentiel reste toutefois indispensable.
La Loi sur le travail actuelle est un obstacle à la flexibilisation du travail. En effet, elle inclut des concepts et des termes typiques de l’époque industrielle, désormais obsolètes en raison de l’évolution de la technologie, du travail et des habitudes des travailleurs.