Pas une semaine sans que le marché du travail 4.0 ne fasse de gros titres. Mais à quoi ce terme fait-il réellement référence ? Il est indéniable que le marché du travail est sujet à de nombreux changements de fond. Certains accueillent les nouveautés avec scepticisme tandis que pour d’autres, la numérisation et les nouvelles méthodes et formes de travail représentent à la fois une opportunité et un défi. Les jeunes, en particulier, sont confrontés à de nombreuses questions et incertitudes avant de commencer leur carrière. Qui ne s’est pas déjà demandé : quel sera l’impact de mon travail sur mon existence ? Quelle formation choisir ? Comment puis-je concilier ma vie privée et professionnelle ?
La dernière publication d’Avenir Jeunesse (version complète en allemand disponible ici) répond à neuf questions portant sur l’entrée dans le marché du travail 4.0. Ce résumé se concentre plus particulièrement sur trois d’entre elles : «ma formation mène-t-elle à une impasse ?», «stagiaire un jour, stagiaire toujours ?» et «la numérisation va-t-elle rendre mes compétences superflues ?».
Trouver «le job de sa vie» ?
Peut-on opter pour la mauvaise formation ? Il existe des gens qui savent exactement ce qu’ils veulent devenir sur le plan professionnel dès l’école primaire. Pour la majorité toutefois, il n’est pas si simple de choisir son apprentissage ou ses études. Il n’y a cependant pas lieu de paniquer.
Aucune des générations précédentes n’avait encore disposé d’un choix professionnel si vaste. Grâce à notre système de formation dual et à un paysage de hautes écoles très complet, les possibilités de formations sont toujours plus nombreuses. Il en va de même pour les passerelles entre les parcours de formations. Grâce à elles, nous n’avons donc pas à choisir le «job de notre vie» au début de notre carrière, mais pouvons – dans certaines limites – nous réorienter au fil des ans.
Le revers de la médaille est que ce large éventail de possibilités peut compliquer le choix de la formation. Celui qui y est confronté devrait se baser sur un certain nombre de critères : centres d’intérêts, aspirations professionnelles, compétences, projets de vie. Les questions suivantes doivent être mises en perspective : qu’est-ce qui m’intéresse et quels sont les débouchés de ma formation ? Quelles compétences seront recherchées à l’avenir ? Il faut par exemple savoir que les séjours à l’étranger améliorent les chances sur le marché du travail et ont un effet positif sur le salaire.
La demande sur le marché du travail
En plus de ces critères essentiels, on peut également se demander quelles opportunités nous offrent les études de nos rêves sur le marché du travail. En Suisse, toutes les branches et les qualifications proposées ne sont pas recherchées dans la même mesure. Le marché du travail a avant tout besoin de gens capables de produire des biens ou de proposer des services pour lesquels il existe une forte demande (voir figure ci-dessous).
Or, le système de formation réagit trop peu aux impulsions données par la demande sur le marché du travail. L’exemple des «branches Mint» (les branches des domaines des mathématiques, de l’informatique, des sciences naturelles et de la technique) est parlant à cet égard. Les progrès techniques laissent penser que de nombreuses places de travail vont être créées dans le secteur numérique. Le nombre d’étudiants dans ces domaines devraient donc augmenter. Ce n’est pourtant pas le cas.
Toutefois, l’importance du choix de carrière initial ne doit pas faire perdre de vue la formation continue et le perfectionnement. Dans notre «société du savoir», il est central de rester ouvert à la nouveauté et d’apprendre tout au long de sa vie. Il existe aujourd’hui une offre extrêmement riche de certifications, en ligne comme hors ligne. La mise en compétition nationale et internationale permet de développer et tester de nouvelles idées. Avec ces possibilités et à une époque où les carrières ne sont plus linéaires, chaque impasse pourra se transformer tôt ou tard en un carrefour.
Une «génération stagiaires» en Suisse ?
Autre impasse, celle de la «génération stagiaires». Ce terme désigne les jeunes qui errent de stage en stage pour éviter des trous dans leur CV, sans jamais parvenir à décrocher un poste fixe. Qu’en est-il en Suisse ?
Premier constat, les stages sont monnaie courante en Suisse. En 2016, respectivement 16 % et 14 % de tous les détenteurs d’un Bachelor ou d’un Master étaient en stage un an après leur diplôme. La part de stagiaires est surtout haute parmi les diplômés universitaires, tandis qu’elle stagne à un niveau plutôt bas pour les hautes écoles spécialisées et les hautes écoles pédagogiques.
Cette proportion n’est pas surprenante. Les stages sont utiles pour acquérir une première expérience professionnelle et nouer ses premiers contacts dans le monde du travail. Or, le manque d’expérience professionnelle constitue de loin la plus grande difficulté que rencontrent les diplômés universitaires (Bachelor et Master) et les détenteurs d’un Bachelor des hautes écoles lors de leur recherche d’emploi. Le stage durant les études peut être une solution pour combler ce manque.
Par ailleurs, le défi consiste à passer le cap entre stage et emploi fixe et à ne pas rester un «éternel stagiaire». En Suisse, ce risque est plutôt bas. Comme le montre la figure ci-dessus, cinq ans après avoir terminé leurs études, seule une part extrêmement faible des diplômés a toujours un statut de stagiaire. En d’autres termes, on ne peut pas parler de «génération stagiaires» en Suisse, où les stages constituent plutôt un moyen éprouvé d’acquérir une expérience professionnelle et de réussir son entrée dans le monde du travail.
Attention toutefois, tous les stages ne se valent pas. Les longs stages sont à privilégier, afin de pouvoir assumer des tâches plus qualifiées. Il est important aussi de clarifier rapidement les possibilités d’engagement et de les inclure dans le contrat, ainsi que de se renseigner sur l’entreprise afin d’éviter les mauvaises surprises.
La numérisation du marché du travail fait peur
Outre la crainte de se tromper de voie et celle de ne pas parvenir à quitter le statut de stagiaire, il existe également la peur de voir son travail disparaître à cause de la numérisation. En Suisse, ce souci concerne un jeune sur trois d’après le baromètre de la jeunesse 2018 de Crédit Suisse. Il est encore plus répandu aux Etats-Unis, au Brésil ou à Singapour où trois sondés sur quatre déclarent craindre pour le futur de leur travail.
Cette appréhension n’est pas nouvelle : la première révolution industrielle a également fait planer le spectre du chômage de masse. Au lieu de cela, les secteurs de l’industrie et des services se sont développés et ont gagné en importance, entraînant des changements profonds sur le marché du travail et créant des postes plus qualifiés. Il en va de même pour l’arrivée des femmes sur le marché du travail suisse, qui a suscité de nombreuses craintes non avérées.
Importance de la flexibilité
Le marché du travail suisse se caractérise par une forte flexibilité. Cela crée principalement trois effets positifs. Premièrement, le marché du travail peut réagir rapidement lorsque des adaptations sont nécessaires, comme en ce qui concerne le développement de l’industrie et des services. Deuxièmement, la main-d’œuvre peut être rapidement déployée là où elle est utile. Troisièmement, il en résulte moins de chômage longue durée.
Bien sûr, la numérisation va entraîner la disparition de certains emplois sous leur forme actuelle et va modifier certaines activités. Mais le travail ne disparaît pas pour autant. Les pays avancés dans le processus de numérisation ne montrent pas un taux de chômage plus haut, au contraire. En règle générale, plus un pays est avancé technologiquement, plus le taux de chômage est bas. De plus, les études sont très mitigées sur le nombre de places de travail et le type de métiers qui pourraient être impactés. Ce qui est certains, c’est que certaines formes de travail vont apparaître, tandis que d’autres vont disparaître. Ce processus a déjà eu lieu plusieurs fois sans accroître le chômage et ne doit pas non plus susciter de craintes cette fois-ci. Il est cependant essentiel de préserver la flexibilité du marché du travail suisse afin de pouvoir réagir rapidement aux changements structurels.
Les jeunes peuvent aussi apporter leur contribution
Les évolutions sociales et technologiques induisent de nombreux changements sur le marché du travail. Si la politique et l’économie se doivent de proposer des solutions pour y répondre, par exemple pour améliorer la conciliation de la vie privée et professionnelle, promouvoir l’égalité ou mieux prendre en compte les nouvelles formes de carrière et de travail, les jeunes peuvent aussi contribuer à façonner le marché du travail 4.0 et y apporter leur contribution. Les prochains paragraphes mettent en avant une sélection non exhaustive de propositions en ce sens.
Choisir sa formation avec soin : avant de se précipiter pour choisir une formation, il est nécessaire de faire un bilan complet de la situation, avec de bons critères de sélection. Outre vos intérêts et vos capacités personnelles, vous devez réfléchir très tôt au lieu et au cadre dans lequel vous souhaitez travailler à l’avenir. Il est également important de réfléchir à vos perspectives de carrière personnelles après l’obtention du diplôme, car le risque de chômage et l’évolution des salaires sont également des aspects importants à prendre en compte.
Définir les besoins en matière de stages : selon les enquêtes, le manque d’expérience professionnelle est considéré comme le plus grand obstacle à l’entrée sur le marché du travail. Pour y remédier, il est utile d’acquérir une première expérience professionnelle par le biais de stages. Il est préférable d’examiner dès le début dans quel domaine et à quel moment le stage est le plus approprié.
Ne pas oublier la formation continue : dans un monde du travail qui évolue rapidement, il est important de maintenir vos connaissances et vos compétences aussi à jour que possible. Vous n’avez pas à attendre que votre employeur vous demande d’acquérir de nouvelles compétences. Grâce à des cours en ligne, à divers ateliers et à d’innombrables offres de formation continue, l’apprentissage tout au long de la vie est facilité.
Rester curieux : en ce qui concerne l’acquisition de nouvelles compétences, la responsabilité individuelle est essentielle. Personne ne peut vous forcer à être à la page, à être flexible, ouvert à de nouvelles choses, à poursuivre vos études chaque fois que c’est possible, etc. C’est pourtant l’une des meilleures conditions pour se préparer au nouveau monde du travail.