S’il fallait caractériser notre époque, c’est bien le mot «direct» qui s’imposerait. En effet, sous l’influence d’Internet, des smartphones et des objets intelligents, les liens et les échanges se font en direct: les intermédiaires s’évaporent en quelque sorte. C’est là tout le problème des institutions et des personnes qui ont fait de l’intermédiation leur mission ou leur profession. Si je peux parler, communiquer, réagir, apprendre, savoir en direct…, à quoi bon alors m’adresser à un intermédiaire?

Seul mon vécu en direct compte, c’est-à-dire le chemin de l’expérience de vie. Aujourd’hui, l’industrie de la musique, les médias, le tourisme et le commerce, par exemple, l’apprennent à leurs dépens. Il en est certainement de même pour les institutions religieuses, à l’exception de celles qui ont mis au coeur de leur activité l’émotion, l’expérience, la communion et le chemin de vie. Si les Eglises ne font plus le plein le dimanche, c’est qu’elles ne procurent, selon ce point de vue, plus d’émotion ni d’expérience. Elles offrent une sorte de «délégation de sentiment» au lieu d’alimenter une «expérience directe».

L’Espace Fusterie : un exemple concret

Si des lieux comme l’Espace Fusterie rencontrent autant de succès, c’est que les pasteurs en charge de cet espace de «spiritualité urbaine» ont compris qu’il ne s’agissait plus d’intermédiation mais d’accompagnement sur le chemin de la quête de sens. Cette quête étant le sens même de la vie, il n’est pas possible de la déléguer à un tiers. C’est cela le sens du direct. L’ère d’Internet ressemble étrangement à celle de l’imprimerie de Gutenberg: elle impose une réforme. Celle-ci ne passe pas par un quelconque retour aux sources, mais bien par la possibilité de vivre son chemin en direct. La parole de Jésus : «Je suis le chemin, la vérité et la vie» prend ainsi une toute nouvelle réalité, car il est désormais matériellement possible de la vivre au quotidien sans devoir la déléguer à des tiers. Vivons-la «en direct» et réformons la Réforme!

Cet article est paru dans «la vie protestante» du 3 mars 2012.