L’immigration est généralement associée à trois objections politiques: la peur d’une surcharge de l’État-providence, la crainte que la main-d’oeuvre indigène soit remplacée par des employés étrangers et la conviction que les immigrés engendrent des coûts externes élevés («stress lié à la promiscuité»). Même si la plupart des études des économistes suggèrent que ces objections ne sont pas fondées, il convient de se demander s’il existe un système prenant en compte ces appréhensions sans pour autant renoncer aux bénéfices qu’apportent les migrants à leur pays d’accueil.

Récemment, Anu Bradford, professeure de droit américaine à la Columbia University, a donné une réponse originale à cette question. Elle propose d’instaurer un fonds pour la migration financé par les cotisations des immigrés (disons, 50 000 dollars par personne). Après un certain laps de temps, qui, de façon sensée, correspond au délai minimal pour être naturalisé, la situation de l’immigré est évaluée. Si celui-ci a un travail ou qu’il dispose de moyens financiers suffisants, son intégration est jugée «réussie». Si ce n’est pas le cas, sa cotisation servira à couvrir les frais d’aide sociale apportée par le pays d’accueil ou à le renvoyer dans son pays d’origine. De cette manière, le pays d’accueil n’a en aucun cas à supporter des coûts liés à la migration. Le «risque migratoire» est, pour ainsi dire, assumé uniquement par le migrant. Si, au contraire, celui-ci a réussi son immigration, la moitié de sa cotisation lui est restituée. L’autre moitié est versée à son pays d’origine, ce qui permettrait à ce dernier de recevoir une compensation pour la perte en capital humain et en recettes fiscales.

Ce modèle se marie bien avec l’idée d’une taxe que devraient payer les entreprises engageant des immigrés. Celles-ci pourraient apporter une partie de la cotisation et seraient ainsi encore plus incitées à sélectionner les «bons» migrants. De plus, ce système permettrait de prendre en compte les revendications du pays d’origine. Toutefois, de nombreuses questions restent ouvertes. Une «évaluation» ordonnée par l’État estelle compatible avec un ordre libéral? Et un immigrant doit-il quelque chose à son pays d’origine? De nombreux pays pauvres sont gouvernés par des dirigeants autoritaires ou inefficaces, qui bénéficieraient des cotisations du fonds pour la migration. De plus, les immigrés envoient aujourd’hui déjà de l’argent à l’étranger pour aider financièrement les membres de leur famille qui sont restés dans leur pays d’origine. Ces montants sont tellement importants qu’ils dépassent les sommes consenties pour l’aide au développement.

Voir «avenir spécial: L’immigration sous contrôle»