Le remboursement rétroactif des frais d’études : une idée qui divise. Il est vrai que le nom n’est pas idéal, car personne n’aime payer des frais. Toute personne qui a l’œil pour la communication politique parlerait sans doute plutôt de «prêts d’études sans condition». C’est ce que proposent les auteurs de la nouvelle étude d’Avenir Suisse sur une réforme fondamentale du financement de la formation.

Remboursement après les études à partir d’un revenu minimum

Tous les étudiants pourraient accéder aux prêts, indépendamment de leur milieu socio-économique et, à la différence des prêts étudiants classiques, de leur capacité à apporter des garanties de crédit. Le remboursement n’interviendrait qu’après les études, et uniquement à partir d’un certain revenu minimum. Par ailleurs, les frais d’inscription couvriraient les coûts, contrairement à la modeste contribution actuelle qui ne couvre même pas 10 % des frais d’études occasionnés pour l’Etat.

Ce qui semble être une utopie est en réalité un instrument qui a fait ses preuves et qui a du succès dans de nombreux pays. L’Australie, pays pionnier en la matière, applique ce modèle depuis plus de trente ans. Le système y a été développé en permanence et il existe même aujourd’hui des incitations financières pour que les futurs étudiants choisissent un domaine d’études dans lequel il y a une pénurie de personnel qualifié.

Un paysage universitaire solide est indispensable pour la recherche et l’innovation. (Emil Widlund, Unsplash)

En Suisse, de telles incitations poussées ne seraient pas nécessaires. L’introduction du remboursement rétroactif des frais d’études, associée à une participation aux coûts selon le principe de causalité, constituerait le premier pas décisif. Cela permettrait d’aider les étudiants dans le choix des études et de favoriser une durée de formation plus courte. Aujourd’hui, les étudiants se servent souvent de la première année d’université pour s’orienter. De ce fait, selon le dernier rapport sur l’éducation, environ 20 % des étudiants changent de domaine d’études au cours des deux premières années de leur cursus.

Actuellement au cœur des débats, la problématique du temps partiel pourrait également être quelque peu atténuée grâce aux prêts sans condition, en faisant prendre davantage conscience du coût réel des études. Toutefois, ce modèle ne résout pas complètement le problème, car le choix du taux d’occupation dépend de nombreux facteurs. Des mesures supplémentaires telles que l’imposition individuelle seraient plus ciblées, notamment pour augmenter le taux d’occupation des femmes.

Plus d’égalité à plusieurs égards

Une précision s’avère nécessaire : le remboursement rétroactif des frais d’études permettrait d’améliorer l’égalité des chances. Contrairement à une augmentation générale des frais d’inscription sans mesure d’accompagnement, il inciterait davantage les étudiants à poursuivre leurs études. Il pourrait même augmenter la mobilité à des fins de formation, comme l’a montré une étude sur l’Angleterre, puisque les futurs étudiants doivent assumer moins de coûts en amont ainsi que pendant leurs études.

L’égalité des chances serait également améliorée par rapport aux apprentis. Ces derniers continuent en effet à assumer la majeure partie de leurs frais de formation. En revanche, en ce qui concerne l’enseignement supérieur, de plus en plus d’éléments indiquent que la rentabilité fiscale (qui renvoie au rapport entre l’augmentation des recettes fiscales et les coûts de l’enseignement public) a tendance à diminuer en raison de la proportion croissante de personnes qui travaillent à temps partiel.

Comme pour toute réforme fondamentale, les objections pratiques ne manquent pas. Parmi les critiques les plus fréquentes : le risque que les diplômés partent à l’étranger pour échapper au remboursement. Cette objection est tirée par les cheveux : elle prévoit une adaptation fortement irréaliste du comportement des actifs à une augmentation tout à fait modeste de la progressivité de l’impôt.

Ce qu’il ne faut pas oublier dans toute cette discussion, c’est que les études apportent à la société bien plus qu’une simple rentabilité fiscale. Un niveau d’éducation plus élevé entraîne des répercussions positives. Un paysage universitaire solide est indispensable pour la recherche et l’innovation. Toutefois, pour ne pas nuire à la formation supérieure, il faut s’assurer que les coûts de la formation soient également supportés par ceux qui en tirent le plus grand profit.

Retrouvez l’analyse à ce sujet de Marco Salvi, Florence Mauli et Patrick Schnell.