Explications. On peut décrire la politique de l’innovation en Suisse mise en place dès 1992 en cinq axes:

  1. Participation accrue de la Suisse au niveau international, notamment aux programmes-cadres européens de R&D.
  2. Effort global pour un écosystème favorable à l’éclosion des start-up (inexistant au début des années 90) avec parcs d’innovation, offices de transfert technologique, capital-risque, coaching, prix à l’innovation, etc.
  3. Concentration des dépenses publiques vers la recherche fondamentale.
  4. Sortie de la CTI (principal organisme étatique de soutien à l’innovation) du cadre administratif fédéral, pour qu’elle soit gérée comme un fonds indépendant, c’est-à-dire par les acteurs de l’innovation eux-mêmes.
  5. La santé a été le choix de la Suisse. Eh oui, nous avons un plan. Près de 50% de toutes nos dépenses de recherche vont vers la santé au sens large (voir les enquêtes de l’Office fédéral de la statistique, 1922-2008). Que ce soit la médecine, la pharma, la biotech, le medtech ou autres approches, notre recherche nationale privée et publique est orientée comme aucun autre pays au monde n’a jamais osé le faire. La santé, même le FNS y consacre un demi-milliard. C’est massif, d’autant plus que deux entreprises bâloises, Novarfis et Roche, y investissent chacune environ 10 milliards par année, un record mondial.

Si Roche et Novartis étaient en difficulté, toute notre innovation nationale serait largement compromise

C’est tout vu, il n’y a guère de volant de manoeuvre pour changer quoi que ce soit Les dés ont été jetés depuis longtemps. Mais il faut dire que les résultats sont à la hauteur des espérances. Certes, il y a encore du chemin à parcourir au niveau de la «créativité» de nos start-up, mais le choix central de notre politique de l’innovation pour le domaine de la santé a attiré en 20 ans sur le sol suisse les principaux acteurs mondiaux du secteur, notamment dans le medtech avec Medtronic, Johnson 8i Johnson, Zimmer, Baxter, etc.

Un vrai succès pour une vraie politique de l’innovation qui nous a propulsés numéro un mondial. A présent, si vous voulez vraiment découvrir un problème dans notre système d’innovation, au lieu de nous parler de vision, de choix ou de structure organisationnelle, il faudrait plutôt parler de «risque systémique» de l’innovation en Suisse car, si les deux entreprises bâloises étaient, pour une raison ou une autre, en difficulté, toute notre innovation nationale serait largement compromise.

Cet article a été publié par «Le Temps» le 16 juin 2013.