Une tarification cohérente au niveau mondial des gaz à effet de serre rendrait la réalisation de l’objectif climatique de Paris plus probable que des milliers de mesures réglementaires spécifiques à chaque pays, voire locales. Mais jusqu’à présent, la tarification du CO2 a eu du mal à s’imposer dans la réalité.

Une tarification aux niveaux de prix actuels ?

Ce problème est encore aggravé par l’augmentation spectaculaire des prix du pétrole et du gaz naturel depuis la guerre en Ukraine. Actuellement, dans tout le pays, on se plaint des prix élevés de l’énergie, et on comprend de moins en moins pourquoi il faudrait une tarification supplémentaire des gaz à effet de serre (GES). Il est consternant de voir avec quelle rapidité les gouvernements parlent à nouveau de subventions, par exemple pour l’essence et le diesel. Pourtant, la tarification systématique des énergies fossiles resterait à long terme – peut-être à côté de la subvention de la recherche fondamentale – le meilleur moyen de réduire les gaz à effet de serre, et ce pour trois raisons.

Premièrement, une taxe d’incitation entièrement redistribuée à la population ne restreint pas les possibilités financières des personnes avec un budget modeste. Le prix présente malheureusement un problème psychologique : il montre très clairement que quelque chose coûte quelque chose. Une simple interdiction, en revanche, n’a pas d’étiquette de prix et semble donc ne rien coûter. En réalité, c’est exactement le contraire qui se produit : les coûts ne se manifestent pas du tout dans le prix du CO2. Celui-ci est entièrement redistribué à la population, du moins dans le cas imaginaire d’une véritable taxe d’incitation. Dans le cas d’une redistribution par habitant, cela signifie que les ménages à faible revenu – dont l’empreinte carbone est normalement plutôt faible – auraient en fin de compte plus d’argent en poche que sans taxe d’incitation sur le CO2. Ce qui entraîne effectivement des coûts ou des pertes, c’est le changement de la consommation, des processus de production, ou du système énergétique. Et ces coûts existent même si le changement est imposé par des prescriptions étatiques spécifiques. Ils sont même plus élevés que dans un système basé sur les prix.

Deuxièmement, le prix du marché des énergies fossiles varie fortement d’une année à l’autre. Il y a deux ans encore, au début de la crise du Covid, le prix de certains types de pétrole est descendu temporairement en dessous de zéro. Une taxe d’incitation permanente et prévisible est donc un signal d’investissement plus efficace en faveur des énergies renouvelables qu’un prix du marché temporairement élevé.

Troisièmement, un prix de marché élevé pour les énergies fossiles a un impact équivalent à un prix de marché bas, plus une taxe d’incitation, mais uniquement du côté de la demande. Du côté de l’offre, un prix de marché élevé entraîne en revanche des efforts accrus dans la recherche et l’extraction de nouveaux gisements. Et c’est précisément ce qu’il faut éviter si l’on veut protéger efficacement le climat. L’avantage de la tarification des GES est qu’elle permet de creuser un fossé entre le prix de l’offre et celui de la demande. Les demandeurs paient le prix du marché plus la taxe d’incitation et sont ainsi encouragés à passer aux énergies renouvelables. En revanche, les fournisseurs ne reçoivent que le prix du marché qui a tendance à baisser, ou du moins à ne pas augmenter, en raison de la diminution de la demande en énergies fossiles.

L’augmentation des prix de l’énergie peut, à première vue, rendre probable l’arrêt de la tarification des gaz à effet de serre. En réalité, c’est une conclusion erronée. Si l’on y regarde de plus près, elles ne changent rien aux avantages de la tarification des GES.

Pour plus d’informations, consultez notre étude «Une politique climatique efficace».