Sur la banderole que les responsables syndicaux arboraient lors de leur manifestation dans les rues de Berne contre l’accord institutionnel, on pouvait lire «Rote Linie Lohnschutz !» («Ligne rouge : protection des salaires !»). Seules les mesures d’accompagnement introduites dans le cadre de la libre circulation des personnes garantiront la protection des salaires, a déclaré Daniel Lampart, Premier Secrétaire de l’Union syndicale suisse

Mais l’agitation syndicale doit être contrée par des faits. En ce qui concerne le mécanisme, tous les détachements de collaborateurs depuis l’étranger vers la Suisse sont soumis aujourd’hui à l’obligation d’annonce et ne sont concernés par les mesures d’accompagnement que s’ils dépassent huit jours par an. Ces détachements se répartissent en trois catégories : les emplois de courte durée de moins de 90 jours dans des entreprises suisses, les prestataires de services indépendants et les travailleurs détachés d’entreprises étrangères en Suisse. En 2017, un total d’environ 300 000 employés de courte durée ont été actifs dans notre pays. Toutefois, contrairement à l’UE, où des missions d’une durée maximale de 12 mois sont possibles, la durée en Suisse est limitée à 90 jours.

C’est surtout pour les bas salaires que la libre circulation des personnes a l’effet le plus important et, il faut le souligner, le plus positif. (Bibliothèque de l’ETH Zurich, archives photos)

L’importance des courts séjours par rapport à l’emploi total est donc extrêmement faible. Ils ne représentent que 0,7% de l’emploi en Suisse. C’est à peu près l’équivalent de l’effectif des CFF. Même dans le secteur de la construction, la proportion d’emplois de courte durée n’est que de 1,7%. Les mesures d’accompagnement ne touchent donc qu’une très faible proportion d’employés. En raison de la pénurie de main-d’œuvre locale, les travailleurs au bénéfice d’un emploi de courte durée ne remplacent pas la population active résidente, mais la complètent. Depuis 2007, l’augmentation du nombre de ce type d’emplois s’est accompagnée d’une augmentation beaucoup plus importante de l’emploi global. Cette complémentarité a même pu être observée en 2009, année de récession. Les détachements n’ont pas non plus d’incidence négative sur les salaires. Au contraire, c’est surtout pour les bas salaires que la libre circulation des personnes a l’effet le plus important et, il faut le souligner, le plus positif.

La meilleure garantie du maintien d’un taux d’emploi élevé reste une Suisse économiquement ouverte sur le monde, où règnent la sécurité juridique et la sécurité des investissements. Près d’un million d’emplois des exportations suisses vers l’UE. Si l’accord institutionnel n’est pas signé, le chemin que nous avons parcouru avec succès jusqu’à présent – nos entreprises ayant obtenu un accès préférentiel au marché intérieur de l’UE – risque de s’éroder progressivement. Au lieu de (ré)clamer comme ligne rouge une protection salariale qui ne pourrait être maintenue que grâce aux mesures d’accompagnement, les syndicats feraient bien de travailler pour la préservation des emplois en Suisse. Mais cela exige de comprendre que l’accès au marché européen reste indispensable.

Cet article est paru le 17.1.2019 dans la «Handelszeitung».