La Suisse n’exploite pas suffisamment son potentiel dans le domaine de la gestion de fortune numérique, comme l’explique Jakob Schaad en interview avec Roland Schäfli de Mediaplanet. La diversification optimale des risques d’un portefeuille de titres peut être atteinte grâce à un algorithme, mais le recours à un Robo-Advisor pourrait aussi être plus fréquent. L’association de ces techniques à un conseil client conventionnel est également envisageable. Finalement, il y des possibilités à développer dans le secteur de la Regulatory Technology.

Roland Schäfli:Dans sa récente étude, Avenir Suisse montre que la digitalisation n’est pas une révolution en Suisse, mais un processus continu. Est-ce pour cela que ce phénomène est plutôt perçu de manière inconsciente ?

Jakob Schaad: C’est possible. La Suisse a toujours été flexible dans sa reprise de nouvelles technologies. Actuellement, nous voyons que les exigences du marché du travail augmentent lentement, mais sans interruption. Jusqu’à présent, notre système éducatif a bien relevé les défis, des formations continues sont également entreprises. Cependant, dans ce contexte les formations générales gagnent en importance face aux spécialisations – car les connaissances spécifiques sont davantage soumises au risque de devenir soudainement désuètes. Toutefois, nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers. Le système de formation doit favoriser l’apprentissage de la pensée digitale plus tôt. C’est en particulier à l’école primaire, et en partie durant l’apprentissage, qu’il existe un retard à combler.

Jetez un œil dans votre boule de cristal : à quels changements la branche des fintech suisse devra-t-elle faire face ?

Il y a encore beaucoup à faire. La Suisse n’est pas vraiment en tête du peloton. Les possibilités offertes par la digitalisation par exemple ne sont que peu utilisées dans la gestion de fortune. Dans ce domaine, bien des sujets sont très techniques, comme la diversification optimale des risques dans un portefeuille de titres. Un algorithme maitrise mieux cette question qu’un conseiller en chair et en os. Les Robo-Advisor pourraient être utilisés de manière plus générale. L’intelligence artificielle pourrait, par exemple, être employée pour fournir des recommandations d’investissement mieux adaptées aux besoins de chaque client. Allier cela à un conseil client conventionnel est également envisageable. Finalement, il y des possibilités à développer dans le secteur de la RegTech (Regulatory Technology). A l’échelle mondiale la branche financière est hautement réglementée ; les services de la RegTech peuvent nous aider à mettre en place de nouveaux règlements de manière plus efficace, par exemple dans la surveillance d’indicateurs comme les fonds propres et les liquidités. Dans ce domaine Singapour et la Royaume-Uni ont déjà décidé leur stratégie.

Est-ce que vous trouvez le soutien au développement économique de jeunes entreprises, dans ces nouveaux secteurs, suffisant ?

Nous sommes réticents à l’introduction de conditions spéciales comme des subventions ou des avantages fiscaux. Ce qui est décisif, c’est que l’Etat ne mette pas de bâton dans les roues de ces jeunes entreprises, à travers la fiscalité ou une règlementation lourde par exemple.

Le temps de travail a augmenté l’année passée – la délimitation entre la vie privée et professionnelle va-t-elle devenir de plus en plus floue ?

Nous avons analysé la Gig Economy. Dans cette partie du marché du travail des petits mandats et projets sont temporairement octroyés à des indépendants – ils ne sont pas encore très forts en Suisse. Mais la Gig Economy a toutes les chances de croître à l’avenir. Pouvoir être engagé de manière polyvalente, est un avantage important dans le nouveau monde du travail. Voilà pourquoi, il faut vérifier si la distinction – sans nuances – entre un employé et un indépendant a de l’avenir. Avenir Suisse a proposé de créer un nouveau statut de travailleur indépendant. Le Conseil fédéral fait examiner cette idée actuellement.

Plus d’informations sur ce sujet : «Quand les robots arrivent – préparer le marché du travail à la numérisation»