Les risques pour la sécurité en Suisse sont transnationaux. C’est ce qu’affirme le nouveau message sur l’armée du 19 février 2020. Il est extrêmement peu probable que la Suisse soit victime d’une attaque militaire conventionnelle. La sécurité de la Suisse est bien plus mise à mal par les menaces cybernétiques et terroristes. Pour le dire autrement : plutôt qu’une occupation de la Paradeplatz par les chars ennemis, c’est la gare centrale de Zurich qui sera plongée dans le noir.
Au vu des risques transnationaux actuels pour la sécurité sanitaire tels que le coronavirus, une analyse de la menace qui relativise les conflits militaires conventionnels sur le sol suisse peut sembler triviale. Mais elle est plus nécessaire que jamais. Car une évaluation plus systématique de la situation est nécessaire afin de développer la stratégie de politique de sécurité.
La Suisse est entourée par les pays de l’Otan et d’un pays neutre, l’Autriche. En tant que petit pays au milieu de l’Europe et en raison de l’évolution des menaces, la sécurité nationale dépend de la sécurité transnationale sur le continent. Le tableau suivant montre l’évolution de la menace pour la Suisse : la guerre froide est terminée, et avec elle la dernière probabilité crédible d’un conflit militaire conventionnel sur le sol suisse. L’ordre mondial multilatéral s’effrite. Les menaces cybernétiques et terroristes se multiplient et relativisent la territorialité des risques pour la sécurité.
L’évolution de la menace influence également les mesures de politique de sécurité. Une approche intégrée, prenant en compte de manière égale les instruments civils, militaires et diplomatiques, est nécessaire. En outre, une politique de sécurité suisse transnationale est indispensable pour assurer la sécurité transfrontalière sur le continent européen, garantir l’interopérabilité et défendre le multilatéralisme.1947-1989 | 2001-2019 | 2019-? | |
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Phase | Guerre froide | Guerre contre le terrorisme | Nouvelles technologies et conflits hybrides |
Scénario du pire | Conflits armés, interétatiques, prolifération des armes nucléaires | Attaque terroriste avec des armes de destruction massive, prolifération des armes nucléaires, Etats faillis possédant des armes nucléaires | Fin du système multilatéral, systèmes d’armes nucléaires autonomes |
Acteurs | Etats | Etats et acteurs non-étatiques | Etats et acteurs non-étatiques, industrie de la technologie |
Evolution de la menace | Guerre froide, confrontation Est-Ouest, danger d’une guerre conventionnelle avec l’Union soviétique | Nouveaux risques : attaques terroristes et conflits internes | Cyberattaques, activités de renseignement, menace terroriste croissante, criminalité internationale organisée |
Mesures de politique de sécurité | Formation du bloc Est-Ouest, mesures militaires concernant les guerres armées conventionnelles. Défense sol-air conçue pour la guerre avec l’Union soviétique | Mesures militaires conventionnelles. Complétées par une approche intégrée : interaction des mesures politiques, diplomatiques, économiques, policières et militaires | La complexité croissante de la sécurité exige une approche encore plus intégrée et une coopération transnationale |
Source : Avenir Suisse, Le futur de la politique de sécurité en Europe, 2020 |
Compte tenu de l’évolution de la menace, comment la Suisse peut-elle se défendre de manière autonome ? Quels sont les coûts et les avantages des différents instruments et mesures de politique de sécurité ?
Afin de pouvoir répondre de manière exhaustive à ces questions, le Conseil fédéral devrait préparer de manière plus systématique les futures évaluations de la situation et les intégrer dans une stratégie de sécurité à long terme. Dans le rapport actuel sur la politique de sécurité, les risques pour la sécurité, les instruments et les mesures respectives sont énumérés dans l’ordre, mais ils ne sont ni hiérarchisés sur la base d’une analyse systématique des menaces ni budgétisés stratégiquement.
Une stratégie transparente sur le plan des coûts et basée sur les besoins jouerait un rôle important en termes de légitimation. Si l’on ne sait pas exactement pourquoi les institutions de l’État dépensent l’argent public, la légitimité, par exemple des forces armées, en souffre. En conséquence, les messages sur l’armée gagneraient en crédibilité, puisque la «liste de courses» militaire serait plus fortement ancrée dans une stratégie globale de politique de sécurité. L’évaluation de la situation, à première vue banale, dans le message sur l’armée actuel peut être interprétée avec bienveillance comme un pas vers une analyse systématique de la menace.