Ce n’est pas la Belgique, ni l’Allemagne, ni le paradis des bières artisanales (craft) que sont les Etats-Unis, mais bien la Suisse qui a la densité la plus élevée de brasseurs. 944 brasseries au total – avec une tendance à la hausse – qui produisent environ 4000 sortes de bières différentes. Il est à peine imaginable qu’en 1990 le pays avait uniquement 32 brasseries – et quatre types de bières !

La large régulation du marché sous l’égide de l’association suisse des brasseries en est l’explication. Elle étouffait chaque initiative d’innovation et de commercialisation dans l’œuf. Le «cartel de la bière» définissait des monopoles géographiques, les prix et les prestations accessoires pour les restaurateurs, standardisait les produits, réduisait largement la publicité et maintenait les barrières à l’importation.

Ce faisant les brasseries se protégeaient de la concurrence venue de l’étranger et bénéficiaient d’une planification à long terme. Variété des goûts, marché et concurrence ? Pas une trace ! Un amateur de bière zurichois avait le choix entre très exactement deux marques de bières. De toute manière, il n’y avait pas de grande différence. Dans une émission «Kassensturz» (émission de télévision alémanique) très connue de 1985 cinq brasseurs sur six n’avaient même pas réussi à reconnaître leur propre bière !

De l’art à la place d’une boisson quelconque : le Löwenbräukunst-Areal à Zurich. (Wikimedia Commons)

Suite à la libéralisation et la désintégration du cartel, cela a pris fin. Si le marché de la bière est aussi divers et vivant aujourd’hui, c’est grâce à nos petites et microbrasseries et aussi aux importations de l’étranger. Lorsque les barrières d’entrée sur le marché sont tombées, les brasseurs suisses ont alors été forcés de produire une bière tout aussi bonne, voire même meilleure que la concurrence allemande, belge ou tchèque. Ils ont donc tout misé sur la qualité des produits et l’innovation. Les prix ont donc baissé. La variété de l’offre a augmenté, notamment grâce à la tendance internationale de bières artisanales. Cela a donné un énorme coup de fouet aux brasseries locales.

Les branches de l’économie ne restent dynamiques que si elles sont exposées aux forces des marchés. La bière n’est pas une exception. Cette boisson si quelconque du passé s’est renouvelée pour devenir une bière que l’on savoure avec plaisir – santé à la liberté !

Les versions originales en allemand des articles de notre série d’été «Dépasser les limites» sont parues dans une publication spéciale du magazine «Schweizer Monat».