Infrastructure et marchés compétitifs

Les semeurs de climatopanique

La «protection du climat» doit être comprise comme une protection contre le climat, et non du climat. (2e partie)

Date:
Auteur(s): Lukas Rühli

L’article de ce début de semaine, consacré aux climatosceptiques, a démontré qu’ils parvenaient à se faire entendre surtout vers 2010, mais que cela s’est calmé depuis. Leurs homologues, à savoir les semeurs de climatopanique n’ont pu élever leurs voix qu’au cours de ces dernières années (principalement grâce à Greta Thunberg). Leur discours est souvent accusateur, sélectif et imprécis. Ils sont moralisateurs, dramatisent et de nombreux médias leur offrent une tribune sans réfléchir. Dans cet article, nous présentons ce qui est le plus souvent mis en avant par les alarmistes et le plaçons dans un contexte scientifique.

Sauver le climat et la Terre Il est frappant de voir à quel point «le climat» peut être souvent personnifié. Il peut «être mal en point», on peut lui nuire ou même le «tuer» (climat killer), et cela non seulement en tant qu’être humain – par exemple en prenant l’avion – mais aussi si l’on est une vache. On entend tout aussi souvent dire que nous devons sauver la Terre du changement climatique. On peut comprendre que ces mots soient choisis dans les manifestations. Mais il est plutôt déconcertant de lire un professeur d’éthique économique dans la NZZ dire que «Le parasite humain détruit son hôte, la planète».

Qu’il soit permis ici de clarifier très brièvement : le climat ne s’intéresse pas à ce qu’il fasse chaud ou non, et il ne peut pas non plus subir de dommages. L’être humain ne détruit certainement pas la planète avec ses émissions de CO2, et il ne nuit pas non plus à l’environnement, si on le prend dans un sens plus étroit. Le CO2 n’est pas un poison. Le CO2 n’est pas une pollution environnementale. Le CO2 est un élément absolument nécessaire au métabolisme des plantes. Celles-ci le transforment à l’aide de la photosynthèse (et d’eau) en glucose (et une moindre quantité d’eau) ; il en résulte ainsi un «sous-produit» : l’oxygène. Même la concentration actuelle d’un peu plus de 400 ppm de CO2 dans l’atmosphère est en dessous de la valeur optimale pour la croissance des plantes. Ce n’est pas sans raison que la teneur en CO2 est artificiellement augmentée dans les serres.

Mais plus de CO2 signifie pourtant des températures plus chaudes ? Oui. Mais durant la plus grande partie de l’histoire de la Terre, les températures ont été nettement plus élevées qu’aujourd’hui. La Terre, sa faune et sa flore s’accommodent parfaitement de plus hautes températures.

Mais la vitesse du changement climatique ne menace-t-elle pas certains écosystèmes et donc certaines espèces ? Oui, la faune et la flore se modifieront. Certains écosystèmes ne parviendraient pas à s’adapter à un changement climatique débridé et s’effondreraient. Mais à la place, à moyen terme – en l’espace de quelques siècles, ce qui représente toujours un battement d’aile dans des périodes géologiques – de nouveaux écosystèmes se développeraient. C’est un fait à souligner : en définitive, une fois toutes les adaptations effectuées, une Terre plus chaude abriterait davantage de biomasse vivante (flore et faune). Ainsi, des recherches menées par la Nasa montrent que le monde est devenu de plus en plus vert au cours de ces 40 dernières années.

On peut donc tourner le problème comme on le voudra : en livrant le combat contre le changement climatique, il ne s’agit pas de sauver la Terre d’une montée des températures mais seulement et uniquement de conserver à long terme une situation climatique avantageuse pour notre civilisation humaine et pour laquelle nous avons conçu notre mode de vie et notre infrastructure. Insister sur cette distinction, ce n’est pas faire preuve d’une pédanterie étriquée, c’est au contraire souligner un point essentiel. Car ainsi, un problème souvent chargé de morale ou même de religion (naturelle), peut devenir un problème factuel – un problème donc qu’on n’apaise pas par des actes symboliques, mais qui exige des solutions pragmatiques. Par «protection du climat», on devrait donc comprendre notre protection contre le climat, et non du climat, autrement dit un acte avant tout égoïste, propre à l’ensemble de notre espèce.

Termes bibliques Sans eux (le pécheur climatique, l’apocalypse climatique) il semble inconcevable d’écrire un article, du moins dans les médias à sensation. Nous péchons, et la Nature nous punit pour cette faute. Autrefois, on aurait directement évoqué Dieu ; il a été aujourd’hui remplacé par la Nature, comme si celle-ci était animée par un être doté de volontés, voire de sentiments de vengeance. Il semble que l’être humain ne peut pas vivre sans ce carcan de faute et de péché qui donne un sens aux événements. Cependant, il est vraiment étrange que même des scientifiques spécialisés recourent à ces expressions. On lit ainsi au-dessus d’un graphique à barres sur www.statistika.com «Voici les plus grands pécheurs contre le climat en Europe.»

Bulletins climatologiques A la fin de chaque mois, MétéoSuisse publie un rapport climatique sur le temps des 30 derniers jours. Ce qui est exprimé de façon correcte dans les rapports, avec des expressions telles que «beaucoup de soleil» ou «températures au-dessus de la norme» devient rapidement dans de nombreux médias ou dans le langage courant «trop ensoleillé» ou «trop chaud». Ce qui soulève les questions : «pour quoi ?» et «pour qui ?» Cela semble être un exemple anodin, et pourtant, il est très révélateur, car il montre précisément que dans les questions d’environnement, une notion d’équilibre très statique domine. La formulation suggère qu’il y aurait une sorte d’état originel (intact) qui serait «correct», par rapport auquel tout écart serait par principe «trop [quelque chose]». Pour que cela continue à être le cas, le service météorologique allemand, le pendant de MétéoSuisse, a annoncé qu’il continuerait à exprimer ses comparaisons en utilisant l’ancienne période de référence (1961-1990), même si la nouvelle période (1991-2020) est disponible depuis 2021. Une comparaison des valeurs climatiques actuelles avec la nouvelle période de référence aurait pu fourvoyer le public en lui laissant penser que le changement climatique s’était arrêté.

Chiffres bruts sans contexte En octobre 2020, l’organisation à but non lucratif «Carbon Disclosure Project» (CDP) a publié une étude estimant les coûts mondiaux futurs – financiers comme non financiers – du changement climatique en les opposant aux coûts de futures mesures de protection du climat. Une tentative à l’intention louable mais qui était vouée à l’échec, car aucun groupe d’experts au monde ne peut sérieusement prédire ce que coûtera tel ou tel élément dans 50 ans, et encore moins dans 180 ans – l’évolution de différents facteurs technologiques et économiques influant profondément sur les coûts demeurant inconnue. Les auteurs ont calculé que si aucune mesure de protection du climat n’était prise (donc une trajectoire sur laquelle il est prouvé, en raison des efforts entrepris aujourd’hui, que nous ne nous trouvons pas), les coûts annuels liés au changement climatique se monteraient à 5,1 billions de dollars en 2070 et à 31 billions de dollars en 2200 (!). Il va sans dire que les coûts d’atténuation du changement climatique seraient inférieurs et que par conséquent l’étude concluait à l’intérêt économique des mesures.

Ces chiffres, notamment parce qu’ils étaient les premiers du genre, ont été largement repris par les médias. De préférence sous le titre : «Le coût du changement climatique pourrait atteindre plusieurs billions en 2070». Un tel chiffre laisse penser : «Tout est dit. Des billions… des milliers de milliards ! Un montant inconcevable ! Nous devons immédiatement faire quelque chose !» On chercherait en vain une mise en perspective dans les articles, alors nous allons la réaliser ici, car elle est frappante : en 2019, le PIB mondial était de 67 billions de dollars[1]. En supposant une croissance économique mondiale de 2 % par an (le taux était nettement supérieur dans les dernières décennies), le PIB mondial de 2070 se situerait donc aux environs de 180 billions de dollars, et il atteindrait 2366 billions de dollars en 2200. Les coûts prévus du changement climatique – dans le scénario le plus défavorable – correspondraient donc en 2070 à 2,8 % du PIB mondial, et à seulement 1,2 % de celui-ci en 2200. C’est extrêmement peu – une augmentation de la croissance du PIB mondial de 2,00 % à 2,01 % suffirait déjà à compenser les coûts climatiques encourus en 2200. Ce qui contraste avec le credo habituel selon lequel l’absence de mesures de protection du climat rendrait notre planète inhabitable d’ici la fin du siècle.

Il faut malheureusement s’attendre à ce que les chiffres réels soient en réalité beaucoup plus élevés. Les auteurs ont certainement négligé certains facteurs – malgré leur volonté de souligner l’avantage qu’apporte la prise de mesures plus strictes de protection du climat. Il aurait été intéressant d’aborder ces questions. Les médias se sont cependant contentés de placer «des billions !» dans le titre et ainsi de générer des clics – ignorant ainsi qu’ironiquement, «des billions» est un chiffre invraisemblablement faible en l’occurrence.

Tout est changement climatique Peu importe l’événement climatique qui se produit dans le monde aujourd’hui, que ce soit des épisodes de chaleur, des sécheresses, des feux de forêt, des pluies, des tempêtes, des inondations, ou même dernièrement la vague de froid de février 2021 aux Etats-Unis : on tend à en attribuer la cause au changement climatique. Mais le lien entre des événements climatiques extrêmes et le changement climatique est relativement complexe. Le changement climatique n’est jamais la cause unique d’un événement extrême. Celui-ci résulte toujours de l’interaction de différents facteurs cumulés. Et la sévérité des conséquences est également toujours fortement conditionnée par différents facteurs liés aux technologies, à l’aménagement du territoire et aux caractéristiques socio-économiques.

Dans le cas de chaleurs, l’influence du changement climatique est souvent relativement facile à prouver. Un mois d’août affichant plus de 20°C de température moyenne à Zurich est un signe clair du réchauffement climatique, car selon les relevés météorologiques de la période de référence 1961–1990, la probabilité d’une telle température n’est environ que d’une fois tous les 1000 ans, alors que quatre mois d’août aussi chauds se sont produits depuis 1991. De même, selon la climatologue allemande Friederike Otto, la vague de chaleur de l’été 2020 en Sibérie est due au changement climatique. Cette scientifique a cependant également analysé d’autres événements extrêmes pour évaluer leur lien avec le changement climatique, arrivant aux conclusions suivantes : le lien n’est pas toujours présent. Pour l’ouragan Harvey, qui a dévasté une partie de Houston en 2017 : événement renforcé par le changement climatique, pour le moins. Feux de brousse australiens fin 2019 – début 2020 : lien incertain. Une inondation en Thaïlande en 2011, à propos de laquelle Greenpeace avait sollicité des dons : absence de lien. Les sécheresses de la dernière décennie au Kenya, en Ethiopie et en Somalie : pas de lien. Les distinctions que fait la climatologue Otto dans ses déclarations n’ont pas été pour réjouir Oxfam, une ONG engagée dans les Etats en question.

Friederike Otto ne s’est pas encore penchée sur l’exemple le plus récent, à savoir les inondations catastrophiques qui se sont produites cet été en Allemagne. Ces inondations sont aussi généralement considérées comme une conséquence du changement climatique. Pourtant, tout n’est pas si clair. Selon les scénarios climatiques habituels, les étés sous les latitudes tempérées devraient devenir plus secs et plus ensoleillés, avec éventuellement quelques phénomènes orageux plus intenses que d’habitude. En revanche, les fortes pluies prolongées accompagnées de températures fraîches et responsables des inondations de cet été, sont plutôt atypiques dans le contexte climatique actuel.

Manifestation pour le climat à Zurich (Facebook).

Un alarmisme contre-productif

Les alarmistes du climat (ou certains médias) utilisent les exagérations et raccourcis mentionnés plus haut pour faire réagir (ou générer des clics). Il n’est pas rare qu’ils croient réellement que la fin du monde est imminente. Cette attitude a de quoi laisser perplexe, car s’ils lisaient attentivement les rapports du Giec, les écoliers grévistes d’Europe centrale devraient être conscients que le changement climatique ne menace pas leur propre existence physique. De plus, cet alarmisme est contre-productif. En effet, si par exemple, comme il y a quelques semaines, si un mouvement tel qu’Extinction Rébellion paralyse le trafic dans le centre-ville de Zurich, avec des performances absurdes dans le but d’attirer l’attention sur le problème du climat, ils suscitent plus d’incompréhension qu’une réelle volonté d’action. La crédibilité est indispensable pour une politique climatique efficace. L’hystérie ne peut pas être le maître mot.

Pour plus d’informations, consultez notre livre «Une politique climatique efficace».

Cette contribution est parue dans le «Journal le Confédéré».

[1] Selon les dollars de 2005, comme les estimations des coûts du changement climatique du CDP.

Auteur: Lukas Rühli Senior Fellow et responsable de recherche Smart Government
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