Le motif est récurrent pour tout classement de villes, suisse ou international. Celles citées sur le podium se réjouissent et intègrent le résultat dans leur brochure de promotion économique. Les villes moins bien classées se précipitent sur la méthodologie et pointent du doigt les indicateurs qui, à leur avis, reflètent mal les conditions locales. C’est humain et tout à l’honneur des citoyens fiers de leur ville.

Se focaliser sur l’indicateur «injuste» qui tire le score vers le bas, n’est toutefois pas sans risque : on oublie souvent de porter avec la même rigueur un regard critique sur les indicateurs qui «injustement» remontent la ville dans le classement. Or, sur 47 indicateurs analysés par Avenir Suisse, il y en a aussi en faveur de la cité de Calvin. Ainsi, les services publics sont facilement accessibles, un résultat logique vu la densité de la ville. De même, l’importance des espaces verts urbains, un indicateur qui contribue positivement au classement de Genève, péjore les cités de taille moyennes nécessitant moins de parcs, la forêt étant souvent à quelques minutes du centre-ville seulement. On pourrait certes pondérer les indicateurs pour refléter les spécificités locales, comme le demande Monsieur Maudet, mais la comparaison deviendrait plus arbitraire. Et je ne pense pas que le classement serait fondamentalement différent si toutes les villes obtenaient deux jokers pour compenser les dimensions qui leur font du tort.

Si je comprends la demande de Monsieur Maudet de bien tenir compte des différences dues à notre état fédéraliste, sa critique envers les indicateurs comparant une ville avec ses communes voisines m’étonne. C’est précisément cette approche qui permet une comparaison au-delà des frontières cantonales. Par exemple, une simple analyse du taux d’imposition ne ferait que peu de sens, vu que les tâches des villes diffèrent d’un canton à l’autre. Mais en observant le développement relatif des villes par rapport à leurs voisins, on analyse les différentes dynamiques au sein de systèmes comparables. Ainsi, la création d’emploi de la ville de Genève, en termes absolus, est réjouissante et soulignée positivement dans notre analyse. En terme comparatif, l’agglomération genevoise performe toutefois encore mieux. Dans d’autres villes, ce sont les centres qui se renforcent.

Vue aérienne Jonction Genève

Même si Genève ne brille pas au classement du monitoring des villes d’Avenir Suisse, elle possède tout de même des atouts, à commencer par la forte proportion d’espaces verts. Vue aérienne de la jonction entre le Rhône et l’Arve, Genève. (Flickr, photo originale en couleur)

Il ne faut pas tirer sur le messager. Je comprends que des Genevois se sentent blessés par le classement global dans notre étude. Mais réduire cette dernière à un seul rang résume mal la richesse des données disponibles. J’invite les citoyens à considérer les dimensions analysées – Genève se classe en tête de certaines –, à s’interroger si les indicateurs choisis reçoivent l’attention politique qu’ils méritent, et enfin à se comparer avec d’autres villes. Libre à chacun de savoir si sa ville en fait trop ou pas assez, en termes absolus ou relativement aux communes voisines ou en comparaison nationale. Je reste convaincu que toutes les villes, pas seulement Genève, peuvent profiter de cet échange.

Cet article est paru le 17.11.18 dans la Tribune de Genève, en réponse à Monsieur le Conseiller d’Etat Pierre Maudet (Tribune de Genève du 9 novembre 2018).

Plus d’informations sur notre étude sous «20 ans de politique urbaine suisse».