En Suisse, l’accès à un nombre étonnamment important de marchés est limité par les cantons. Selon les cantons, tout le monde n’est pas autorisé à nettoyer les cheminées, à instrumenter des actes ou à assurer les bâtiments. Diverses raisons peuvent expliquer de telles restrictions, mais en fin de compte, les motifs politiques jouent toujours un rôle. L’exemple de l’assurance bâtiment en est une illustration : 19 cantons prévoient une obligation de s’assurer chez leur propre assurance bâtiment, tandis que d’autres cantons cèdent cette activité à des assureurs privés et, dans certains cas, font même appel au volontariat. Cela montre qu’il est en principe possible de laisser l’assurance bâtiment au libre marché.
Même les résultats des années 90, qui attestent du rapport qualité-prix supérieur des assureurs de bâtiments cantonaux, ne changent rien à la question. La question décisive n’est pas de savoir si les assurances bâtiment cantonales sont en mesure de proposer les primes les plus intéressantes dans le système actuel. Il s’agit de déterminer si un marché libéralisé dans toute la Suisse ne fonctionnerait pas tout aussi efficacement à long terme – en permettant par exemple des économies d’échelle et de gamme, dans le cas où le secteur privé aurait accès à 100% du marché plutôt qu’à 17%.
Indépendamment de la discussion sur les avantages et les inconvénients des monopoles d’assurance bâtiment, il faut exiger qu’ils soient mis en place d’une manière aussi neutre que possible sur le plan de la concurrence. Cela signifie principalement que la collectivité ne doit pas faire concurrence à l’assurance privée. Et pourtant, aucun canton monopolistique n’adhère à ce simple principe réglementaire, ce qui donne à réfléchir. Certains vont même jusqu’à proposer des produits d’assurance sans aucun lien avec l’immobilier (assurance responsabilité civile ou juridique, par exemple). Des distorsions de concurrence se produisent lorsque l’Etat passe de la zone de monopole protégée aux marchés privés voisins. Ceux qui chantent les louanges des assurances bâtiment cantonales ne devraient pas en oublier les coûts économiques cachés.
Cet article est paru dans l’édition du 2 juillet 2019 de «Wohnen Schweiz».