«Les libéraux doivent s’engager activement en politique et poser des jalons, avant que d’autres ne le fassent». C ‘est par ces mots qu’Andreas Schmid, Président du Conseil de fondation, a salué les donateurs et amis d’Avenir Suisse rassemblés au «Sonnenberg Convention Center» zurichois de la FIFA. Le choix de ce lieu pour la manifestation d’automne annuelle d’Avenir Suisse n’a rien de fortuit. Comme l’a fait remarquer Gerhard Schwarz, directeur d’Avenir Suisse dans ses salutations, il s’agissait de mettre en lumière l’importante contribution au pays tout entier, économique mais avant tout de politique extérieure, des organisations internationales basées en Suisse.
Tibère Adler, nouveau directeur romand du think tank, décrivit en guise d’introduction le rôle économique et politique du secteur avec des chiffres impressionnants. La Suisse est le siège de 35 organisations internationales, 69 fédérations sportives internationales et – rien qu’à Genève, plus de 250 ONG (organisations non gouvernementales). Les organisations internationales emploient plus de 25’500 personnes. Chaque année, près de 3’000 chefs d’Etat et ministres et 200’000 délégués et experts se rendent à Genève, pour participer à l’une des 3’000 conférences internationales. «Genève est comme Davos, mais tous les jours». Ce bon mot d’un diplomate suisse est toujours valable, mais les défis pour ce secteur se multiplient. Les coûts de la vie élevés, le franc fort ainsi que l’ambition croissante d’autres régions du monde – en particulier de l’Asie – augmentent la pression de la concurrence sur la Suisse comme lieu d’implantation d’organisations internationales.
L’opinion publique est importante
Le Directeur général de l’ONU à Genève Michael Møller n’a pas contesté que la pression de l’extérieur soit devenue plus forte. Le manque de connaissances du public quant au travail concret des organisations internationales est un gros problème. Il s’étonne encore parfois de l’ignorance de l’importance de Genève au siège principal de l’ONU à New York. Même si la Chine a construit dans la région de Pékin une «UN-City», la Suisse, et Genève en particulier, restent un «hub» opérationnel de première importance. De nombreuses négociations y sont conduites dans la plus grande discrétion (dans la meilleure tradition diplomatique), et la neutralité du lieu joue un rôle central. Au contraire d’autres lieux, le pays-hôte ne gère aucun agenda caché, ce qui renforce la confiance des interlocuteurs et facilite la recherche de solutions. Portée par son identification à la paix, la Suisse offre finalement un bon «rapport qualité-prix» d’un point de vue économique.
Que les citoyens se demandent ce que rapportent à la Suisse les organisations internationales est une question légitime. C’est pourquoi ces dernières doivent elles-mêmes mieux mettre en valeur leur travail. «Nous devons devenir plus présents à l’esprit des populations». Les défis tout autour de la planète sont gigantesques et l’intervention dans des régions en crises absorbe de grosses sommes. Que l’OMS (Organisation mondiale de la santé) ait dû massivement réduire son budget a des incidences malheureuses aujourd’hui; l’organisation n’a plus qu’une marge de manœuvre réduite au cœur de la crise de l’Ebola.
Parent pauvre de la politique
Le Président du CICR Peter Maurer a déclaré d’emblée que c’était la première fois, en 28 ans de carrière professionnelle, qu’il participait à une manifestation à Zurich dédiée à la Genève internationale. De manière générale, la «Genève internationale» ne joue aucun rôle dans les débats de politique économique du pays. Les discussions se limitent à la répartition des coûts afférents aux bâtiments. On oublie trop souvent qu’il est tout sauf évident qu’une organisation internationale se localise à Genève.
Maurer a souhaité du monde politique une gestion plus active de la marque «Suisse», qui véhicule un fort capital. Dans la foulée, il a suggéré qu’Avenir Suisse entreprenne une analyse des coûts et bénéfices des organisations internationales. Dans les prochaines années, le CICR, comme d’autres organisations, délocalisera une partie de ses activités administratives de Suisse vers l’étranger. Cependant, de nombreuses opportunités s’offrent encore à la Genève internationale: dans le transfert de know-how entre entreprises ou universités et organisations internationales («Public-Private-Partnerships») ou comme centre de la société civile dans un monde politique instable. Maurer s’est même demandé si Genève ne pouvait pas elle-même devenir globale, comme Klaus Schwab en a montré l’exemple avec le WEF?
Une Bay-Area européenne
Jovan Kurbalija, Directeur de la «Geneva Internet Platform», n’a pas fait mystère de sa conviction du potentiel de la Genève internationale. Selon lui, la région lémanique pourrait devenir une «Bay-Area» européenne. Trois facteurs ont contribué au succès de la «Silicon Valley» au sud de San Francisco : premièrement, la sécurité et la protection des droits de protection intellectuelle; deuxièmement la capacité d’innovation et la proximité avec les universités; troisièmement, les investissements. Après le scandale Snowden, la priorité de l’industrie de l’Internet s’est portée sur la sécurité. C’est une grande chance pour Genève et pour la Suisse. Le fait que le pays puisse s’appuyer sur un historique pacifique de plus de 200 ans compte beaucoup pour les entreprises.
Plusieurs participants dans le public ont plaidé pour que la Suisse se positionne et s’engage mieux et davantage comme lieu d’implantation d’organisations internationales. De nombreuses déclarations du jour ont pu être comprises comme une promotion de la Suisse internationale, a relevé Gerhard Schwarz en conclusion. Avenir Suisse assume parfaitement cette intention, par le choix du thème et des intervenants. Les bons messages publicitaires contiennent toujours des informations pertinentes et la discussion s’est avérée enrichissante.