La Suisse est un pays d’immigration. Près d’un quart de la population établie sur le sol helvétique ne possède pas le passeport suisse et n’a, par ce fait, aucune possibilité de participer au processus politique. En parallèle, de nombreuses communes (petites et moyennes) peinent de plus en plus à trouver des candidats motivés pour exercer des fonctions politiques de milice au niveau local. Logiquement, l’une des solutions possibles à ce problème est d’ouvrir aux étrangers établis de longue date le droit d’être élu. D’ailleurs, de bonnes expériences avec le droit d’éligibilité passive au niveau communal ont déjà été réalisées, principalement en Suisse romande. C’est le thème de cette nouvelle publication d’Avenir Suisse.
L’équipe romande d’Avenir Suisse (Tibère Adler, Hugo Moret et Nicole Pomezny) présente une étude sur la participation des étrangers à la vie politique communale en Suisse, en particulier le droit d’être élu (éligibilité passive). Le sujet a souvent été abordé sous l’angle juridique ou dans le contexte de l’intégration des étrangers. Mais, curieusement, il n’existait à ce jour aucune statistique relative à l’ampleur concrète de la participation politique des étrangers dans les communes qui l’autorisent.
Au niveau fédéral, les citoyens étrangers n’ont aucun droit politique. Dans les cantons, seuls le Jura et Neuchâtel ont concédé quelques droits politiques à leurs résidents étrangers. Au niveau communal, ce sont actuellement 600 communes réparties dans six cantons (Vaud, Fribourg, Neuchâtel, Jura, Appenzell Rhodes-Extérieures et Grisons) regroupant plus d’un million d’habitants, qui accordent aux étrangers le droit d’être élu.
Le sondage effectué auprès de ces communes – à notre connaissance le premier à être réalisé sur ce sujet dans l’ensemble de la Suisse – apporte des éléments intéressants :
- Le nombre absolu d’étrangers actifs politiquement est encore relativement faible. Dans les 317 communes qui ont répondu au sondage, on recense actuellement 148 étrangers faisant partie d’un organe législatif et 19 d’un exécutif. Leur nombre effectif réel est évidemment supérieur.
- Si le nombre d’élus étrangers reste modeste en chiffres absolus, le nombre de communes ayant des étrangers au sein de leur exécutif ou législatif est en constante augmentation.
- La satisfaction prévaut : aucune commune ayant octroyé le droit d’être élu à ses résidents étrangers n’envisage un retour en arrière.
- Une grande majorité de la population (et même certaines communes) ignore que les étrangers possèdent des droits politiques en Suisse. La promotion faite à ce sujet par les communes est de manière générale très faible.
Le droit d’être élu des étrangers est encore un phénomène régional et reste une affaire romande : parmi les 600 communes mentionnées auparavant, 575 se trouvent en Suisse romande. De plus, la conception selon laquelle il faut disposer du passeport suisse pour pratiquer de la politique, même au niveau local, est régulièrement confirmée dans les cantons. Les votations relatives aux droits politiques des étrangers sont presque systématiquement négatives lorsqu’elles sont spécifiques ; elles n’ont été acceptées que dans le cadre de la révision complète de certaines Constitutions cantonales. Pourtant, sur le terrain, au-delà des principes, les communes manquent de citoyens engagés, et le droit d’éligibilité des étrangers a fait ses preuves.
Les communes devraient pouvoir décider elles-mêmes
Pour Avenir Suisse, le droit d’éligibilité accordé aux étrangers au niveau communal est un pas dans la bonne direction. Il montre que les immigrés qui souhaitent s’engager dans la politique locale sont considérés comme des membres importants de la communauté. Les communes qui le désirent devraient avoir la possibilité d’accorder à leurs résidents étrangers le droit d’être élu à des fonctions politiques. Les citoyens étrangers auraient donc la chance de pourvoir s’enraciner un peu plus dans leur lieu de domicile. Et en même temps, leur engagement permettrait de contribuer au renforcement de l’esprit de milice, qui contribue si fortement à l’identité politique du pays.
Pour en savoir plus sur ce thème, vous pouvez consulter l’article : Les étrangers ayant le droit de vote l’exercent moins que les Suisses