A l’occasion des élections européennes qui auront lieu ce week-end, découvrez le point de vue de Günter Verheugen sur les élections européennes, les besoins de réforme au niveau européen et les perspectives d’avenir de l’Union européenne.

«L’Europe a le choix». Le titre que Günter Verheugen, ancien vice-président de la Commission européenne, a donné à son intervention à l’Université de Berne laissait présager un tour d’horizon complet. Et cela n’a pas manqué.

L’occasion pour une telle conférence était toute donnée par l’élection prochaine du Parlement européen. D’entrée de jeu, l’ancien diplomate a précisé qu’il n’appréciait pas le terme « élections de la dernière chance » (en allemand «Schicksalswahl») qu’il ’a trop souvent entendu au cours de sa carrière. Néanmoins, il concède que cette élection sera cruciale, car elle révélera le poids réel des forces eurosceptiques au sein des Etats membres. Tout laisse déjà croire que la grande coalition informelle du Parti populaire européen (European People’s Party, EPP) et de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen (Progressive Alliance of Socialists and Democrats, S&D) sorte perdante de l’exercice. Il en résulte un manque de prévisibilité dans la future allocation des postes clés et des prises de décision. L’Union européenne (UE) a besoin d’urgence d’une dynamique positive. Plus important encore, elle doit être prête à faire sa propre autocritique, car elle ne peut pas se permettre cinq nouvelles années d’étiolement progressif.

Des réformes par étapes

Verheugen reconnaît quatre points faibles de l’UE d’aujourd’hui. Premièrement, aucun État n’est prêt à assumer un rôle de dirigeant actif au sein de l’Union. Deuxièmement, la cohésion entre les Etats membres s’est érodée ces dernières années, comme en témoigne la vitesse à laquelle se forme «l’Internationale nationaliste». Troisièmement, il manque une stratégie claire, notamment vis-à-vis des pays tiers ou des grandes puissances. Quatrièmement, enfin, il y a un déficit de légitimité : la Commission européenne est devenue plus politique ces dernières années, ceci au prix d’une autonomie réduite vis-à-vis des Etats membres.

L’ancien initié de la Commission ne succombe pas à la tentation de détailler lui-même les grandes lignes des réformes qui s’imposent. Il plaide plutôt en faveur d’une approche par étapes – dans le cadre des traités existants. «Ce ne sont pas les structures, mais les personnes qui font la différence, même dans l’UE».

La distance entre les citoyens et Bruxelles s’est accrue parce que le politique s’est montré trop souvent avare vis-à-vis de ses prérogatives. Dans de nombreux cas, il serait préférable – et plus intuitif – de définir des objectifs contraignants au niveau européen, mais de laisser aux États membres le soin de leur mise en œuvre. En particulier, la perspective de «plus d’Europe» effraie de nombreux citoyens. Verheugen est convaincu que le nombre de personnes pro-intégration augmentera à nouveau dès que les politiques de l’UE seront soutenues par les citoyens.

Le fait que les Etats membres aient structurellement divergé avec l’avènement de l’union monétaire n’a guère aidé. Une réglementation plus judicieuse – et moins lourde – pourrait générer un important potentiel économique. Il est également essentiel que les politiques structurelles soutiennent des domaines concurrentiels. Par exemple, les dépenses actuelles consacrées à l’agriculture sont beaucoup trop élevées.

Par rapport au Brexit, Verheugen ne voit que des perdants des deux côtés de la Manche. Il a perdu l’espoir que le Brexit puisse déboucher sur une meilleure stratégie de l’UE dans ses relations avec les pays tiers. En matière de relations internationales en particulier, le départ du Royaume-Uni constitue une lourde perte pour l’UE. L’ancien vice-président avait précisé ne pas vouloir donner de conseils à la Suisse, mais s’y est finalement résolu à la demande de l’assistance. Son évaluation était univoque : en tant qu’ancien commissaire, il connaît parfaitement le fonctionnement de l’UE et est d’avis que la Suisse n’obtiendra pas de meilleur résultat que le projet d’accord institutionnel actuellement sur la table.

L’avenir de l’idée européenne

Trop souvent, le débat public se concentre exclusivement sur la dimension économique de l’intégration européenne. Mais Verheugen souligne que l’importance stratégique de la politique étrangère et de sécurité excède la simple vision de l’UE en tant qu’espace économique unifié. L’UE doit maintenir sa capacité d’action sur la scène politique mondiale, d’autant plus parce que l’âge d’or des grandes puissances européennes est définitivement révolue. «Nous ne sommes plus le centre du monde. Nous devrions nous y résigner et en même temps essayer de conserver une voix dans les affaires du monde.» Globalement, l’UE devrait parler d’une seule voix sur de nombreuses questions, telles que les problèmes climatiques et environnementaux, la répartition des richesses, les flux de réfugiés, l’expiration des traités sur les armes de destruction massive ou l’ascension de la Chine au rang de puissance mondiale.

Verheugen est très crédible lorsqu’il déclare que «l’idée européenne reste l’une des meilleures que nous ayons jamais eues et nous en avons besoin pour affronter l’avenir. Notre responsabilité pour la paix est aussi liée à la politique mondiale». Il faut espérer que les visionnaires seront majoritaires au prochain Parlement européen.