En mars 2019, le Parlement fédéral a adopté la réforme des prestations complémentaires (PC) et l’ordonnance correspondante vient d’être mise en consultation. Désormais, seuls ceux qui détiennent une fortune inférieure à 100 000 francs reçoivent des prestations. Cette nouvelle règle est un élément important pour ancrer l’acceptation des PC en tant qu’assurance sociale et non en tant que véhicule pour protéger l’héritage des personnes aisées.

Toutefois, la limite supérieure ne tient pas compte des avoirs sous forme de propriété du logement. En cas de décès, les PC versées aux propriétaires doivent toutefois être remboursées par leurs descendants si le défunt laisse un patrimoine de plus de 40 000 francs. Cela évite aux retraités d’avoir à vendre leur appartement, lorsqu’ils sont fragiles, sans que pour autant la collectivité n’ait à soutenir financièrement des personnes âgées fortunées.

La règle réduit également l’inégalité de traitement entre les locataires et les propriétaires. Aujourd’hui, les locataires qui vivent dans un appartement «trop cher» doivent soit consommer leur fortune soit déménager dans un appartement moins cher avant de recevoir des prestations complémentaires. Les locataires eux-mêmes bénéficient de la dernière réforme dans la mesure où le loyer maximum à prendre en compte a été augmenté.

Pour de nombreux bénéficiaires de PC ayant besoin de soins légers, il n’est plus possible de rester à la maison. Ce n’est que dans les EMS que les frais de soins et d’hébergement sont financés par l’Etat. (Alex Holyoake, unsplash)

Cependant, ces maxima ne sont pas encore suffisants pour financer la vie dans les appartements dits protégés. Pour de nombreux bénéficiaires de PC ayant besoin de soins légers, et qui doivent souvent recourir aux services de soins à domicile, il n’est ainsi plus possible de rester à la maison. Pour des raisons financières, il leur est nécessaire d’entrer dans un EMS, car dans ce cas, c’est l’Etat qui finance les frais de soins mais aussi ceux de l’hébergement. Cependant, rester dans un logement protégé serait souvent suffisant du point de vue médical et moins cher dans l’ensemble. Des loyers maximaux plus élevés pour les personnes résidant dans des logements protégés offriraient donc une solution qui garantirait une plus grande autonomie aux personnes concernées et soulagerait les finances publiques.

Le Parlement fédéral s’est prononcé contre des maxima pour logements protégés valables dans toute la Suisse. Et à juste titre ! Non pas parce que l’idée est mauvaise en soi, mais parce qu’une solution unique pour tout le pays ne tiendrait pas compte des différences cantonales. Un montant uniforme serait probablement beaucoup trop élevé dans le canton d’Uri et insuffisant dans le canton de Genève. Cela ne signifie pas pour autant que les cantons ne doivent pas poursuivre cette idée, bien au contraire. Le Jura et les Grisons ont déjà inclus de telles contributions dans leur législation cantonale, tandis que d’autres cantons examinent des modèles correspondants.

Etant donné que les prestations complémentaires pour les séjours en EMS sont financées par les recettes fiscales cantonales, les cantons devraient décider eux-mêmes si et comment les contributions supplémentaires pour les logements protégés doivent être versées. Evidemment, le potentiel d’économies d’une telle solution est plus grand lorsque de nombreux bénéficiaires de prestations complémentaires nécessitant peu de soins infirmiers vivent dans des EMS.

En même temps, on peut supposer que des personnes dépendantes ne veulent pas emménager dans un appartement protégé seulement à un âge déjà avancé, lorsque l’entrée en EMS semble inévitable, mais au contraire bien en amont, lorsqu’ils nécessitent encore peu de soins. Les économies réalisées en retardant de plusieurs mois l’entrée dans un EMS doivent donc au moins compenser les frais d’un séjour antérieur, souvent de plusieurs années, dans un appartement protégé. Trouver le bon équilibre est important et varie d’un canton à l’autre. Il vaut la peine de laisser les cantons jouer leur rôle de laboratoires expérimentaux et de résister à la tentation de fixer des normes nationales.

Cet article est paru dans l’édition de mai 2019 de la revue «Schweizer Versicherung».