La vague de suburbanisation a culminé dans les années 1980. Plus les ménages aisés s’installaient dans la couronne d’agglomération, plus les pauvres, les personnes âgées, les chômeurs et les demandeurs d’asile restaient dans les centres. En conséquence, de nombreuses villes ont dû augmenter leur quotité d’impôt, tandis que les communes avoisinantes se transformaient en «couronnes pour gens aisés» avec des taux d’imposition bas et des bons contribuables. A partir du milieu des années 1990, la tendance a lentement commencé à s’inverser : les villes sont redevenues attractives – en partie grâce à des facteurs qui ne relevaient pas de la politique urbaine, comme la mondialisation (avec une tendance générale à la [ré]urbanisation mondiale) ou la reprise économique nationale (soutenue par la libre circulation des personnes), et en partie grâce à des réalisations comme une politique antidrogue réussie ou des améliorations des quartiers.
Ces évolutions devraient également se refléter dans les quotités d’impôt. L’écart de taux d’imposition entre la ville et ses environs a-t-il changé depuis le début du millénaire ?
L’évolution de la quotité d’impôt urbaine est influencée d’une part par l’efficacité de la gestion budgétaire (coûts) et d’autre part par la capacité de paiement des contribuables. Si la quotité d’impôt peut être abaissée par rapport aux municipalités environnantes, cela signifie que la ville peut apparemment utiliser l’argent des contribuables avec parcimonie ou est devenue plus attrayante pour les bons contribuables. Les deux reflètent directement la volonté politique de maintenir, voire d’accroître sa compétitivité. Une diminution de la charge fiscale offre des marges de manœuvre et peut généralement être considérée comme l’indice d’une évolution politique réussie. L’inverse indique une évolution défavorable.
Le monitoring des villes
Une simple comparaison des quotités d’impôt des villes n’aurait pas de sens, car les cantons ont une répartition différente des compétences (entre cantons et communes), des systèmes fiscaux et financiers différents et parce que les villes sont affectées à des degrés divers par les charges spécifiques aux centres urbains. Même une comparaison de l’évolution des quotités d’impôt dans le temps ne suffirait pas, car ces dernières sont influencées par les tendances régionales générales et par la réorganisation de la répartition des compétences au sein des cantons. Dans certains cantons, par exemple, on observe des tendances à la centralisation – qui s’accompagnent d’une baisse des taux d’imposition communaux. Afin d’éviter que cette évolution ne se reflète dans l’évaluation, la quotité d’impôt de la ville a été comparée à celle des communes environnantes à deux moments, soit en 2017 et en 2000. De nombreux effets exogènes (sinon tous) sur la quotité d’impôt peuvent donc être exclus.
Il est à noter que Bâle a été comparée non seulement avec les deux autres communes appartenant à Bâle-Ville (Riehen et Bettingen), mais aussi avec les communes voisines de Bâle-Campagne. Certains ajustements ont été nécessaires car la ville de Bâle, en tant que municipalité, ne prélève pas ses propres impôts1.
Résultats
L’évolution de la charge fiscale dans les villes par rapport aux zones environnantes est relativement équilibrée en moyenne, l’écart s’étant globalement légèrement réduit. Malgré les circonstances externes positives susmentionnées, il n’a donc guère été possible de réduire l’écart de la quotité d’impôt entre les centres et les campagnes environnantes depuis 2000. La charge fiscale reste nettement plus élevée dans la plupart des centres urbains que dans les agglomérations auxquelles ils appartiennent.
Entre 2000 et 2017, cinq villes ont pu réduire leur quotité d’impôt par rapport aux municipalités environnantes, cinq ont dû l’augmenter (encore). C’est la ville de Bâle qui a enregistré la plus forte baisse, avec plus de 11 points de pourcentage, ce qui s’explique principalement par la bulle des revenus de l’industrie pharmaceutique. Dans le canton de Berne, la capitale fédérale et Bienne ont pu réduire sensiblement leur quotité d’impôt par rapport à la périphérie, suivis de près par la ville de Zurich. Lucerne a également enregistré une légère baisse. Bienne et Lucerne sont les deux seules villes à avoir une charge fiscale inférieure en 2017 à la moyenne des communes environnantes.
En revanche, le positionnement par rapport aux communes environnantes s’est détérioré à Winterthour, Genève, Lugano, Saint-Gall et Lausanne. L’augmentation relative significative des quotités d’impôt de 4,5 points à Winterthour peut au moins en partie être attribuée à la révision du système de péréquation financière du canton de Zurich de 2012. Cela a eu tendance à réduire les paiements en faveur du centre régional, déjà plutôt faible financièrement. A Genève, l’augmentation est une indication du manque d’opportunités de développement dans le centre-ville ; à Lugano, la crise bancaire a peut-être joué un rôle. Il est intéressant de noter que l’écart de quotité d’impôts le plus important entre le centre et la campagne environnante a été enregistré à Saint-Gall en 2017.
Vous trouverez de plus amples informations dans l’étude «20 ans de politique urbaine suisse».
1 La comparaison des quotités d’impôt pour Bâle est un cas particulier. Une comparaison avec les deux autres communes de Bâle-Ville (Riehen et Bettingen) n’est pas significative à elle seule. Pour cette raison, les communes environnantes du canton de Bâle-Campagne ont également été prises en compte dans la comparaison. La ville de Bâle n’a cependant pas sa propre quotité d’impôt, car les administrations municipales et cantonales ne sont pas séparées. Il faut donc comparer les taux d’exploitation du potentiel fiscal cantonaux des cantons BL et BS calculés par l’Administration fédérale des finances. Celles-ci sont basées sur les recettes fiscales des cantons et des communes. Afin de pouvoir comparer la charge fiscale des communes de BL comparables à celles de BS, le taux d’exploitation du potentiel fiscal de BL doit être converti en points de quotité d’impôt de ses communes. En 2000, la quotité d’impôt du canton de BL était de 100 points, la quotité d’impôt moyenne (pondérée en fonction de la population) des communes de BL était de 60,46 points et le taux d’exploitation du potentiel fiscal de 24,66%. Il en résulte 0,1537% (24,66%/160,46) par point. La même procédure s’applique pour 2016. De cette façon, un quotient du taux d’exploitation du potentiel fiscal peut être calculé pour chaque municipalité de BL. Sur cette base, le développement de la ville de Bâle peut être comparé à l’évolution des taux d’imposition des communes voisines de BL. La comparaison avec Riehen et Bettingen implique également un petit défi. Ce n’est que depuis 2003 que les municipalités de BS appliquent leur propre quotité d’impôt. L’année 2016 est donc comparée à 2003. Le canton de Bâle-Ville perçoit 50% de l’impôt sur le revenu selon le taux d’imposition cantonal auprès de Riehen et Bettingen. Riehen et Bettingen fixent une quotité d’impôt communale (en % de l’impôt cantonal). De ce point de vue, la quotité d’impôt (virtuelle) de la ville de Bâle peut également être interprétée comme étant de 50%, tandis que les quotités d’impôt (réelles) de Riehen et Bettingen fluctuent autour de 35%.
2 Dans le cas de fusions de communes entre 2000 et 2016, la quotité d’impôt de la ville utilisée correspond à la moyenne pondérée en fonction de la population des quotités des communes appartenant maintenant à la ville. Deux villes sont concernées : Lugano avec 18 fusions et Lucerne avec une fusion (Littau).
3 Moyenne pondérée en fonction de la population des quotités d’impôt des communes environnantes.