Au cours des quatre à cinq dernières années, on a observé une ascension rapide des Initial Coin Offerings (ICO). L’ICO est une forme de financement participatif (crowfunding) dans laquelle les start-up lèvent des capitaux en émettant leurs propres tokens (jetons numériques). Les tokens, à leur tour, sont un type de jetons électroniques et peuvent prendre diverses formes. On distingue notamment les tokens de paiement, les tokens d’utilité et les tokens d’investissement. Des formes mixtes de ces trois types sont également possibles.

  • Les tokens de paiement sont un pur moyen de paiement comme le bitcoin. Ils ont une fonction de paiement et de réserve de valeur.
  • Les tokens d’utilité donnent accès à un service numérique. Un exemple typique est le droit à l’espace de stockage dans l’entreprise qui émet le jeton d’utilité.
  • Les tokens d’investissement représentent enfin des valeurs patrimoniales telles que des actions de sociétés ou d’autres produits financiers. Ils peuvent représenter des actions, des obligations ou même des produits dérivés et sont pour ainsi dire des titres numériques.

Les tokens numériques sont basés sur la technologie du blockchain. Cette technologie n’exige pas de banques, de chambres de compensation ou d’autres intermédiaires. Elle est basée sur un réseau de nombreux ordinateurs dans lequel sont conservés des registres identiques des transactions réalisées avec les tokens. Un registre unique pour un intermédiaire unique est donc remplacé par un réseau de registres, dont la conformité est constamment vérifiée.

L’attractivité de la technologie du blockchain réside dans le fait que l’exécution des transactions est à l’abri de la malhonnêteté ou du manque de fiabilité d’un intermédiaire individuel. On l’a également appelé système de transaction «sans confiance» parce que les utilisateurs de la technologie ne sont plus obligés de faire confiance à un seul intermédiaire pour exécuter une transaction conformément aux instructions. En raison du grand nombre de registres identiques, il n’est pas possible de s’introduire dans un seul des registres et de falsifier des transactions, sans que l’incohérence qui en résulte avec les autres registres ne se fasse détecter.

Augmentation rapide de levée de capitaux par ICO

De plus en plus de start-up numériques utilisent des ICO comme nouveau mode de financement peu coûteux. Selon coinschedule.com, un portail britannique qui suit systématiquement les ICO depuis 2016, près de 3,9 milliards de dollars de capitaux ont été levés dans le monde entier en 2017. 2018 est déjà une année record : à la mi-mai, 7 milliards de dollars avaient déjà été atteints.

Les ICO ne doivent pas être sous-estimées pour le financement des start-up en particulier – ce qui n’est pas facile en Suisse. La Suisse joue en effet un rôle de premier plan parmi les lieux d’émissions des ICO. Les Etats-Unis et la Suisse sont jusqu’à présent de loin les lieux d’émission les plus importants pour ces transactions.

Que faut-il penser de lascensionl’ascension aussi rapide de ce nouvel instrument financier ? Sommes-nous témoins de la naissance d’un nouveau mode de financement révolutionnaire ou n’est-ce que le début de l’éclatement d’une nouvelle bulle technologique ? Il est trop tôt pour le dire. Il est bien connu que les bulles ne sont pas identifiées avec certitude tant qu’elles n’ont pas éclaté. Sous l’angle d’un placement financier, la prudence habituelle s’impose face à de nouveaux instruments. Comme pour tout placement, il faudrait investir uniquement dans des instruments que l’on comprend. Parce qu’ici aussi, il y a un risque de pertes. Le financement des start-up est risqué, mais offre aussi d’excellentes opportunités de revenus. De plus, l’euphorie rappelant l’époque des chercheurs d’ora également attiré les fraudeurs : le Blockchain ne protège que contre la malhonnêteté des intermédiaires, mais pas contre celle des entreprises qui émettent des tokens.

Ne pas réglementer à outrance

Cependant, ces zones d’ombres ne doivent pas servir d’excuse pour intervenir en réglementant à outrance, comme l’a fait la Chine en promulguant une interdiction totale de l’ICO. Suivant la fonction économique des tokens, un cadre juridique existe déjà aujourd’hui. Par exemple, la réglementation sur le blanchiment d’argent s’applique aux tokens de paiement. La Finma a déjà exprimé son point de vue dans une communication sur la surveillance en septembre 2017 et dans une directive à cet effet en février 2018. Cette approche de réglementation technologiquement neutre est fondamentalement correcte. Dans l’intérêt de la sécurité juridique, d’autres mesures réglementaires peuvent favoriser la promotion du développement d’un centre crypto-financier. Cependant, comme pour tout règlement, la première question à se poser est de savoir si les conditions-cadres ont déjà été définies ailleurs et – sinon – quel nouveau cadre serait plus favorable et moins coûteux. Enfin, il faudrait profiter de l’occasion pour revoir de façon générale la réglementation existante de la même fonction économique afin d’en déterminer la nécessité et l’étendue. Sinon, nous courons le risque d’étouffer prématurément les opportunités que la technologie nous offre aujourd’hui sous une couverture réglementaire imperméable.