Chaque année, peu avant Noël, Saint-Nicolas n’est pas le seul à faire son grand retour, le débat sur le budget revient aussi au sein des Chambres fédérales. Cependant, seule une partie du budget fédéral d’environ 70 milliards de francs est disponible. Environ 60 % sont «fortement liés». Cela signifie que des modifications ne sont pas possibles à court terme et nécessitent généralement une révision de la loi. L’ensemble des dépenses dans le domaine social en est un exemple.

Le désir réel d’économiser ou de dépenser de l’argent dans les «secteurs non liés» dépend du domaine dont il est question. Quand il s’agit de l’armée, les représentants de l’aile gauche deviennent eux aussi de véritables apôtres de l’épargne, tandis que pour certains esprits conservateurs, presque chaque franc d’aide au développement est un franc de trop. Mais, quand il s’agit de spécifier les économies possibles en termes concrets, c’est souvent le silence qui règne. La politique budgétaire est toujours de la politique concrète, et vice-versa.

Contrairement aux apôtres sur le retable siennois de Duccio di Buoninsegna (vers 1308), les parlementaires ne sont pas des saints lorsqu’il est question du budget fédéral. (Wikimédia Commons)

Des subventions inefficaces

Les exemples suivants d’optimisation budgétaire – tous issus de postes de dépenses non liés – devraient donc servir d’impulsion à un réexamen concret. Tous servent l’objectif commun de réduire les subventions inefficaces qui conduisent à une perte de prospérité et d’optimiser l’efficacité de chaque franc provenant des impôts.

Le domaine de l’éducation, de la recherche et de l’innovation est généralement considéré comme un sujet tabou de la politique budgétaire. Le potentiel d’amélioration de l’efficacité y est cependant important, notamment en raison de la forte augmentation des dépenses.

Par exemple, l’encouragement de la «recherche énergétique» dans le cadre de la promotion de l’innovation contrevient au principe de transparence (ou ouverture) des résultats dans la politique de recherche et d’innovation. L’utilité du programme spécial «Bridge», qui doit servir de pont entre la recherche fondamentale et la promotion de l’innovation, n’est pas claire non plus. Il n’y aurait pas d’obstacles à une coopération approfondie entre les institutions concernées, même sans ressources supplémentaires spécifiques. L’abandon de ces deux programmes permettrait d’économiser 53 millions de francs par an. Le cas échéant, il serait préférable d’en affecter une partie à l’encouragement régulier et éprouvé de la recherche.

Le programme «SuisseEnergie» a pour but de promouvoir l’efficacité énergétique et d’encourager la population à réduire leur consommation d’énergie. Connu à l’origine sous le nom de «Energie 2000» et limité dans le temps, le programme s’est maintenant établi de façon durable. Toutefois, son utilité est plus que douteuse et certaines activités entrent même en concurrence avec les initiatives du secteur privé. Y renoncer n’aurait probablement pas d’impact négatif sur la consommation d’énergie de la population, mais allégerait le budget fédéral d’environ 51 millions de francs par an.

Une guerre de tranchées idéologique

La coopération au développement figure presque toujours au centre du débat budgétaire. Ce n’est pas surprenant car il s’agit d’un domaine central dans les postes de dépenses non liés. La discussion est souvent dominée par une guerre de tranchées idéologique qui trouble l’évaluation de l’efficacité des mesures concrètes. Par exemple, les experts de l’aide au développement critiquent de plus en plus l’«aide technique». Celle-ci prévoit le transfert du savoir-faire occidental aux pays concernés. Il y a cependant un risque que les capacités locales soient contournées et qu’on ne tienne pas suffisamment compte des spécificités locales. A moyen terme, la Confédération devrait reconsidérer son engagement dans ce domaine, avec une réduction d’un tiers, soit environ 33 millions de francs, qui est certainement déjà justifiable.

L’administration fait aussi régulièrement l’objet d’exigences en matière de restrictions financières, mais peu d’idées concrètes se font entendre. Cependant, il existe une marge d’amélioration de l’efficacité dans certains domaines. La gestion informatique au sein de l’administration fédérale est par exemple souvent décentralisée dans les départements. Bien qu’il existe un organe de gestion informatique global, ses compétences sont limitées. En rationalisant et en centralisant la gestion informatique et les solutions standardisées qui y sont associées, il serait possible de réaliser des économies d’au moins 10 %, soit environ 120 millions de francs par an.

Enfin, la Suisse est le pays de l’OCDE qui soutient le plus fortement son secteur agricole. Mais au lieu d’accompagner activement les changements structurels nécessaires, le Parlement tend à fournir de plus en plus d’argent à l’agriculture. Il faut renverser la tendance. A moyen terme, les aides de la Confédération devraient s’aligner au niveau de l’Union européenne. A court terme, la Confédération serait déjà soulagée de 350 millions de francs, en réduisant son soutien de 10 % à l’agriculture.

Si l’on additionne leur effet total, ces mesures permettraient à elles seules d’économiser plus de 600 millions de francs suisses chaque année. Compte tenu des pressions croissantes qui pèsent sur le budget fédéral, un tel allègement serait plus que bienvenu. Le budget étant actuellement équilibré, il serait pour l’instant possible de continuer à réduire la dette avec ces fonds. Ou pourquoi ne pas alléger la charge de l’impôt fédéral pour une fois ? De telles considérations font également partie d’une politique budgétaire judicieuse.

Cet article a été publié le 24 novembre 2017 dans la «Basler Zeitung». Vous trouverez des informations complémentaires à ce sujet dans notre publication «Un contre-budget libéral».