Marco Salvi
Globalisation
Si l’économie mondiale est aujourd’hui prospère, c’est grâce à la mondialisation et il en sera ainsi à l’avenir également. Nombreux sont toutefois ceux qui sous-estiment ses vertus.
Enjeux
C’est une règle tacite: dans chaque publication où il est question du futur dans le titre, on trouve au moins une référence à Star Trek. Rien ne symbolise mieux les acquis de la mondialisation que le réplicateur de Star Trek. Il s’agit d’un instrument semblable à un four à micro-ondes qui concocte des repas ou crée des objets à partir de rien. Si la saga de science-fiction ne se déroule qu’au 23e siècle, le réplicateur a, en grande partie, été construit à notre époque déjà, grâce à l’imbrication des différentes économies nationales à l’échelle mondiale, de manière symbolique. Ainsi, les Suissesses et les Suisses n’ont plus besoin d’engager des ressources afin d’assurer leur survie physique. Moins de 3 % des travailleurs sont actifs dans l’agriculture, alors qu’ils étaient encore plus de 50 % dans les années 1800. Aujourd’hui, nous pouvons consacrer davantage de temps à des activités productives, agréables et créatives, tandis que nos ancêtres s’échinaient dans les champs.
En fin de compte, la «mondialisation» est le résultat d’activités séculaires : les échanges et le commerce. Ceux-ci avaient déjà lieu avant la révolution industrielle, parfois même de manière transfrontalière. Mais aujourd’hui, du fait des chaînes de création de valeurs à l’échelle mondiale, un produit a très probablement déjà parcouru une plus grande partie du globe que son acquéreur. Même les critiques de l’ordre libéral, parmi lesquels Joseph Stiglitz, reconnaissent que «la mondialisation a aidé des centaines de milliers de personnes à atteindre un niveau de vie que bon nombre d’entre elles auparavant, dont la plupart des économistes, considéraient comme inaccessible». Selon l’indice de la mondialisation du KOF, la Suisse figure parmi les dix premiers pays au monde en termes d’imbrication internationale. Il n’est besoin d’aucune autre analyse pour démontrer que cette ouverture constitue l’un des piliers centraux de notre prospérité.
Un scepticisme croissant
Un quart de siècle après la chute du communisme et l’ouverture progressive de la Chine, la mondialisation se retrouve de nouveau sous le feu des critiques, tant sur le plan pratique qu’idéologique. Si la croissance des flux commerciaux mondiaux a connu un ralentissement, c’est dans un premier temps en raison de la crise financière et de la dette, puis à cause du printemps arabe et du recul des prix des matières premières. L’échec du cycle de Doha a eu pour conséquence la débâcle des accords globaux de libre-échange. Ces derniers ont laissé la place à une diplomatie commerciale focalisée sur les régions, qui doit toutefois composer avec des vents contraires. Des accords tels que le «Partenariat transpacifique» (TPP) et le «Partenariat de commerce et d’investissement transatlantique» (TTIP) sont contestés et l’issue des négociations y relatives reste incertaine. Dans le même temps, des pays émergents mettent sur pied leurs propres institutions financières faisant office de contrepoids au FMI.
Les critiques émises à l’encontre de la mondialisation ont plusieurs causes. Dans les «vieux» pays industrialisés, elles sont nourries par la peur de nouvelles formes d’inégalités. La mondialisation a sans conteste profité aux travailleurs hautement qualifiés. Pour les revenus moyens et faibles, les bénéfices sont certes moins visibles directement, mais tout aussi importants. Sur le marché du travail, les personnes peu qualifiées ont tiré parti de la demande croissante des élites émergentes pour des biens et des services. Elles ont en outre pu bénéficier de prix bas et s’offrir des produits qui n’étaient que difficilement accessibles par le passé (comme l’électronique).
En ce qui concerne les pays les plus pauvres, la détérioration des conditions de travail reste au centre des critiques formulées par des intellectuels occidentaux contre la mondialisation. Mais cette dernière, contrairement au colonialisme, permet justement d’améliorer les conditions de travail.
Le réplicateur a-t-il des ratés ?
A l’échelle mondiale, les différences en termes de revenus se sont atténuées. Pour la plupart des gens, la mondialisation a été synonyme de richesses supplémentaires. Toutefois, un palier a été atteint : les retombées économiques liées à une plus grande ouverture des marchés des produits et des capitaux restent modestes, par rapport aux avantages qu’apporterait une plus grande mobilité de la main-d’œuvre. Tel est le plus grand défi à relever pour les décennies à venir. Car il ne s’agit ici pas «que» de prospérité : la participation d’une plus grande partie de l’humanité à l’économie de marché a également contribué au développement de vertus humaines, telles que la coopération, la confiance et la tolérance. La mondialisation nous a rapprochés. Et la question de savoir si ce processus se poursuivra et de quelle manière nous accompagnera jusqu’au siècle de Star Trek.
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La migration est le résultat de deux facteurs : l’attraction du pays de destination et l’appui du pays d’origine. L’immigration sur le marché du travail suisse est aujourd’hui principalement favorisée par le premier facteur. Notre pays, situé au centre du continent, agit à bien des égards comme un aimant sur la main-d’œuvre jeune et mobile. Etant donné que les langues des grands pays voisins sont des langues nationales de la Suisse, il n’y a guère d’obstacles ; le système économique relativement libéral et un marché du travail ouvert permettent aux talents motivés de proposer leurs compétences sans obstacles bureaucratiques ; le pouvoir d’achat lié au niveau des salaires figure en tête au niveau mondial. Le manque de main-d’œuvre spécialisée reflète le succès économique d’un petit Etat avec une base démographique limitée, mais également un modèle économique qui mise plutôt sur une croissance horizontale (immigration) que verticale (gains de productivité et potentiel de main-d’œuvre du territoire).
Scepticisme face à l’utilité de l’immigration
Entre 1995 et fin 2015, près de 3 millions de personnes1 ont immigré en Suisse et près de 2 millions ont quitté le pays. Avec un solde migratoire de 1 089 000 de personnes étrangères, la Suisse est – même en chiffres absolus – l’un des principaux pays d’immigration en Europe. Près de la moitié de sa population a un parent né à l’étranger. Le pays a été en mesure d’intégrer différentes vagues d’immigrés sans ghettoïsation ou formation de sociétés parallèles ; avec 27%, la part d’étrangers parmi la population active est presque aussi haute que la part de la population née à l’étranger (28%).
Malgré ces succès, la migration est considérée par une part croissante de la société comme une menace. Les raisons vont de la «peur d’être envahis par les étrangers» et du souci de perdre son identité culturelle au scepticisme à l’égard de la croissance, à des réflexions écologiques et à la crainte de la poursuite du mitage du paysage. A cela vient s’ajouter le fait que d’ici à 2035 la nature de la migration vers la Suisse va changer. La part de réfugiés fuyant les conflits et l’absence de perspectives augmentera par rapport à celle de l’immigration hautement qualifié provenant de l’Europe. Deux raisons à cela : la croissance démographique en Afrique et dans le Proche-Orient d’une part ; une intensification de la «guerre des talents» d’autre part. Dans les sociétés occidentales vieillissantes les jeunes se feront plus rares, ce qui poussera les pays de destination concernés à faire davantage d’efforts pour être attractifs.
Une stratégie qui va de l’avant plutôt que le repli
La Suisse a deux options. Elle peut limiter l’immigration tous types confondus et revenir à un contrôle strict. Mais, le degré de participation actuel au marché intérieur de l’UE ne pourrait pas être maintenu avec un tel contrôle autonome de l’immigration, même si l’UE devait assouplir le principe de la libre circulation des personnes. Et la pénurie de main-d’œuvre ainsi créée mènerait, en raison d’une croissance économique plus faible, à une perte de prospérité qui frapperait principalement par les citoyens nationaux de faible et moyenne qualification.
La Suisse peut aussi choisir une stratégie explicite qui va de l’avant et qui considère la migration comme une chance. Pour cela, l’infrastructure doit être développée, mais surtout mieux gérée (p. ex. par le biais du Mobility Pricing). Il faut répondre à la question de du gaspillage du sol en densifiant davantage les zones et les centres urbains. La réglementation croissante d’un marché du travail moins qualifié avec des salaires minimum et des obligations doit être stoppée, car elle entrave l’intégration au sein du marché du travail. L’apprentissage s’est révélé être un fort outil d’intégration par le passé, car il allie formation et socialisation. Il devrait être utilisé – avec les adaptations nécessaires – pour intégrer les prochaines vagues d’immigrants dotés de qualifications professionnelles modestes dans la société suisse. Dans le même temps, il faut exiger que les migrants qui proviennent d’autres cultures fassent preuve d’une capacité d’adaptation.
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La Suisse doit en grande partie sa prospérité à la compétitivité de ses entreprises au niveau international. Pour celles-ci un accès le plus libre possible aux marchés internationaux est essentiel. C’est pourquoi la Suisse poursuit traditionnellement une politique économique extérieure visant la réduction des barrières commerciales tarifaires et non tarifaires.
Alors que la libéralisation du commerce au sein de l’OMC a stagné au cours des 20 dernières années, la Suisse a conclu – soit directement, soit en tant que membre de l’Association européenne de libre-échange (AELE) – plus d’une vingtaine d’Accords bilatéraux de libre-échange. Après le refus du peuple d’adhérer à l’EEE en décembre 1992, la Suisse a tout de suite entamé de nouvelles négociations avec l’UE, qui ont abouti aux «Bilatérales» I et II. Les principaux objectifs de ces dispositifs conventionnels sont l’élimination des entraves techniques au commerce et – dans certains domaines – une véritable participation de la Suisse au marché intérieur européen.
Malgré cela, la Suisse se trouve aujourd’hui à nouveau à un point critique en matière de commerce extérieur. Cette situation est principalement imputable à la politique agricole et aux relations tendues avec l’UE.
La politique agricole, pêché originel
Au sein de l’OCDE, la Suisse est, après la Norvège, le pays qui permet le plus fortement à son agriculture de se soustraire au marché. On pourrait être tenté de considérer une agriculture chère comme un problème de luxe. Cependant, le protectionnisme agricole torpille les objectifs de commerce extérieur et affaiblit de plus en plus la position internationale de négociation de la Suisse. Il y a dix ans, le Conseil fédéral a été contraint de mettre un terme aux négociations avec les Etats-Unis au sujet d’un accord de libre-échange en raison de la forte opposition de l’agriculture. Aujourd’hui, un traité semblable entre les Etats-Unis et l’UE se dessine avec le PTCI (TTIP en anglais) – qui, si la Suisse en est exclue, aura des conséquences très incertaines pour les entreprises suisses exportatrices Une réforme de la politique agricole est par conséquent urgente.
Les relations avec l’UE à rude épreuve
Des relations commerciales juridiquement sûres et ordonnées avec l’UE, son principal partenaire commercial, ont une importance encore plus grande dans l’immédiat. En 2015, la Suisse a réalisé près de 54% de ses exportations vers l’UE et 73% de ses importations provenaient de l’UE. Le Land du Bade-Wurtemberg est à lui seul en termes de valeur un partenaire commercial plus important que la Chine. La proximité géographique et culturelle est importante – et le restera. C’est d’autant plus important dans le contexte de chaînes de valeur désormais mondialisées, dans lesquelles les entreprises se positionnent stratégiquement. Pour les entreprises produisant de manière globalisée, le déplacement non bureaucratique de produits semi-ouvrés au-delà des frontières nationales est une condition clé. Après le Oui à l’initiative «contre l’immigration de masse», le paquet de Bilatérales I ou des parties essentielles de celui-ci risque d’arriver à sa fin. En cas de stricte application de l’initiative par la Suisse, l’UE pourrait faire valoir une atteinte à la libre circulation des personnes et abroger les autres accords des Bilatérales I en vertu de la clause de guillotine. L’analyse d’alternatives possibles mène à la conclusion que la mosaïque d’accords bilatéraux – un accès sectoriel au marché intérieur permettant de conserver une souveraineté limitée – préserve au mieux les intérêts de la Suisse dans un avenir proche. Le succès de la politique économique extérieure de la Suisse dans les années à venir dépend en grande partie de sa capacité à redonner une base plus stable aux relations tendues avec l’UE. Les négociations sont encore compliquées par le fait que l’UE réclame depuis des années la création d’un nouveau cadre institutionnel pour les Accords bilatéraux, qui risque de restreindre davantage la souveraineté de la Suisse.
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En comparaison internationale et à parité de pouvoir d’achat, la Suisse est l’un des pays qui a le revenu par habitant le plus élevé. Elle doit sa situation réjouissante en large partie à la compétitivité de son économie, désignée ces six dernières années comme l’économie nationale la plus compétitive du monde selon le classement du World Economic Forum. Cependant, il n’y a pas lieu de s’estimer satisfait. En effet, si, depuis 2008, la Suisse a résisté avec un certain succès aux tumultes de la crise économique et financière, elle en subit aujourd’hui encore les répercussions. Sans un taux de participation au marché du travail (par ailleurs déjà élevé) en constante progression, la croissance par habitant en Suisse aurait été négative. De plus, les chantiers politico-économiques en cours sont plus nombreux que jamais, en raison d’une faible volonté de mener des réformes.
Les deux branches de l’économie
Affichant depuis plusieurs décennies un accroissement de la productivité plus faible que les autres pays industrialisés, la Suisse n’est depuis longtemps plus en tête de classement en matière de productivité du travail5 et elle continuera à perdre du terrain si sa productivité ne s’améliore pas. En Suisse, cette situation est généralement accueillie sereinement. Ainsi, on avance par exemple le fait (et on a entièrement raison) que l’intégration réussie des personnes les moins productives sur le marché du travail tire vers le bas la productivité. De plus, les difficultés de mesure jouent également un rôle. Toutefois, du point de vue de la productivité, un énorme fossé ne cesse de se creuser en Suisse entre les secteurs d’exportation et les secteurs orientés vers le marché intérieur. Tandis que les premiers se voient contraints de répondre aux exigences de la concurrence internationale (et ils le font avec un succès remarquable), les seconds peuvent souvent trop facilement limiter la concurrence sur le marché intérieur en influant sur la politique.
Cet écart de productivité grandissant entre les deux branches de l’économie représente une menace croissante pour le potentiel de croissance de la Suisse à long et moyen termes. Par le passé déjà, le nombre de places de travail a augmenté principalement dans les secteurs tournés vers le marché national : ceux-ci emploient aujourd’hui près des deux tiers de la population active. L’évolution démographique tendra à renforcer encore cette tendance.
De plus, on ne sait dans quelle mesure la Suisse pourra s’appuyer sur son économie exportatrice ces prochaines années. La compétitivité des entreprises suisses en matière de prix se trouve très exposée en raison du franc fort. Exprimés en euros, les coûts salariaux unitaires ont d’ailleurs explosé en Suisse depuis 2007. Jusqu’à présent, les entreprises suisses ont pu reporter en grande partie l’appréciation du franc sur le client en se spécialisant, en misant sur la qualité et en se tournant vers des produits de niche haut de gamme. Or on ne peut déterminer avec certitude les conséquences qu’aura le «choc monétaire» de 2015. L’évolution de la situation en ce qui concerne les devises est d’autant plus incertaine que la zone euro doit encore résoudre ses problèmes.
Se concentrer sur les conditions-cadres
Le problème délicat de la monnaie peut inciter à exiger une «politique industrielle» active. Mais céder à cette pression serait fatal. L’économie suisse a montré à maintes reprises par le passé qu’elle est en mesure de sortir renforcée de périodes difficiles. Les interventions étatiques risquent toujours d’empêcher les nécessaires transformations structurelles provoquées par la concurrence. Une politique qui agit avec succès pour la place économique est une politique qui améliore les conditions-cadres à long terme pour l’activité économique. Actuellement, c’est avant tout sur le marché domestique suisse qu’une telle politique est absolument nécessaire. Si la Suisse veut continuer ces 20 prochaines années à faire partie des économies nationales les plus prospères, les milieux politiques seraient bien avisés d’y travailler.
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La Suisse, avec son marché domestique restreint, a réussi à devenir un pays d’entreprises exportatrices. Champion de la globalisation, le pays doit une bonne partie de sa prospérité à leur capacité d’investir à l’étranger. Ces entreprises globales sont de toutes natures et la notion de «multinationale» n’est pas connue dans les statistiques OFS. Dans tous les cas, la contribution de ces entreprises globales à la prospérité de la Suisse est largement sous-estimée.
Pourtant, ces entreprises fournissent une contribution essentielle à la diversité économique suisse: une part importante de la valeur ajoutée brut du PIB (entre 16 et 36%) ; près de 40% des impôts directs des entreprises ; entre 11 et 29 % des emplois en Suisse, sans compter les emplois indirects7. Elles jouent un rôle actif dans l’innovation helvétique. Contrairement aux idées reçues, la Suisse n’est pas qu’un pays de PME.
La Suisse boxe chez les poids lourds
Les multinationales suisses jouent dans la cour des grands de la mondialisation. En constante progression, le cumul de la capitalisation boursière des sociétés cotées en Suisse (en USD) a passé de 400 milliards (en 1995) à 1500 milliards en 2015. Ceci fait de la Suisse, petit pays, un acteur économique international très important, déjà en chiffres absolus. Par sa capitalisation boursière, la Suisse est équivalente à l’Inde ou au Canada. Elle dépasse Singapour de moitié et est quinze fois supérieure à l’Autriche.
En chiffres relatifs, la Suisse impressionne aussi. La capitalisation cumulée des sociétés cotées en Suisse mesurée en pourcentage du PIB a presque doublé en vingt ans (213% du PIB en 2014). Seuls Hong Kong, l’Afrique du Sud et Singapour devancent la Suisse.
Les entreprises globales ayant leur siège en Suisse (pas seulement celles cotées en bourse) se distinguent aussi par leurs investissements directs internationaux (IDI). Leurs prises de participation sur les marchés étrangers créent des profits bénéficiant à la Suisse sous forme de retour de capitaux. Ce mouvement n’a pas cessé de croître : en 20 ans, les IDI suisses sortants (vers l’étranger) ont passé de 41% du PIB (1995) à 158% (2014). Dans l’UE, seuls le Luxembourg et l’Irlande peuvent se targuer des valeurs plus grandes.
Aucun autre pays du monde n’accueille donc des entreprises globales présentant une aussi forte combinaison d’atouts : moteurs du PIB dans une économie nationale prospère, valorisations élevées, forte capacité d’investissement à l’étranger.
La Suisse doit rester une plate-forme idéale pour les multinationales
Les entreprises globales installées en Suisse le sont parce que les conditions-cadre légales et fiscales y sont attractives, pas parce que leur actionnariat est majoritairement suisse. Une étude UBS & NZZ de 20158 a établi que l’actionnariat du Top30 des sociétés cotées à la Bourse suisse était composé pour 82% d’actionnaires étrangers.
Dans un contexte de concurrence internationale très dure pour attirer les entreprises, la Suisse doit continuer à faire valoir des solutions flexibles et libérales, notamment sur le marché du travail, la fiscalité et l’immigration de chercheurs et de main-d’œuvre qualifiée. Il faut éviter de jauger les entreprises globales installées en Suisse sur la base de valeurs purement nationales (p. ex. en matière de rémunération). L’acceptation de l’initiative Minder en 2013, a marqué un signal de défiance envers les multinationales, mais à l’efficacité illusoire. Le rejet en 2016 de l’initiative «Pas de spéculation sur les denrées alimentaires» – qui aurait affecté le trading basé en Suisse – a démontré que les votants ne croient pas à des (mauvaises) solutions locales suisses à des problèmes globaux. C’est le bon chemin.
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Solutions libérales
1) Le principe de la libre circulation des personnes doit être préservé, car il est dans l’intérêt de la Suisse. Des instruments de contrôle centraux sous la forme de restrictions quantitatives (contingents, seuils maximaux) mènent à une lutte de répartition politique néfaste, et contribue au maintien de structures inadaptées. La Suisse doit freiner l’aspiration à l’immigration au niveau de la politique intérieure, p. ex. en redimensionnant les exigences croissantes en matière de santé et en augmentant l’efficacité dans les soins, ainsi qu’en démantelant les obstacles à la participation des femmes et des travailleurs/-euses plus âgés au marché du travail. Pour atteindre cela, l’instrument est un objectif global contraignant et à long terme (10 ans) pour le solde migratoire, que la Suisse pourrait fixer de manière autonome.
2) Si des évictions (substitutions de travailleurs résidents par des immigrants) se produisaient sur le marché du travail, on pourrait envisager une préférence nationale modérée, telle que l’annonce obligatoire de postes vacants auprès des agences pour l’emploi régionales. Une préférence nationale «plus forte» serait moins efficace, mais imposerait à l’Etat et aux entreprises des coûts bureaucratiques élevés. Une alternative consisterait à mettre en place une taxe facultative pour les entreprises (à payer pour chaque octroi de permis de travail d’un immigrant) dans le cadre d’une autorégulation au niveau d’un secteur, dont le produit pourrait être attribué à la formation professionnelle ou être remboursé aux entreprises.
3) De nombreux symptômes que la population impute à l’immigration (loyers en augmentation, bouchons, trains surchargés) sont en réalité la conséquence d’une mauvaise réglementation ou d’un manque de transparence des coûts. Il manque dans ces domaines une «déréglementation d’accompagnement», notamment dans le droit du bail ou des constructions ; et la mise en place du Mobility Pricing dans les transports serait appropriée.
4) L’accès au marché de l’UE est essentiel et doit être préservé, et même renforcé dans certains secteurs, afin de limiter autant que possible les désavantages compétitifs pour les entreprises suisses.
5) La Suisse doit miser sur la conclusion de nouveaux accords de libre-échange et sur l’approfondissement d’accords existants, car l’approche multilatérale dans les négociations commerciales est dans l’impasse. Une mise à l’écart prolongée de la Suisse dans les négociations liées au TTIP entre les Etats-Unis et l’UE, les deux principaux partenaires commerciaux de notre pays, fait courir de grands risques économiques ; il faut saisir les possibilités qui s’offrent actuellement de rejoindre les discussions. L’augmentation de la sécurité juridique dans la protection des investissements et de la propriété intellectuelle, ou la réduction d’entraves non tarifaires sont prioritaires.
6) Le changement structurel ne doit pas être compris comme une menace, mais comme une opportunité. Une politique industrielle «active» est à exclure, car de telles interventions de l’Etat entravent la création de structures efficaces, plutôt qu’elles ne les favorisent.
7) La suppression de l’imposition privilégiée sur les bénéfices étrangers, sans aucune contre-mesure, détériorerait considérablement l’environnement fiscal pour les multinationales. Des contre-mesures pertinentes seraient :
- une baisse des impôts ordinaires sur les bénéfices des cantons et probablement aussi de la Confédération
- la déductibilité des intérêts notionnels sur le capital propre
- la déductibilité des dépenses pour la recherche et le développement
- la création de «licence boxes»
Notes de fin de chapitre
1 Suisses inclus. En ne comptabilisant pas les Suisses, l’immigration de 1995 à 2015 (en incluant 2015) atteint 2,449 millions de personnes et l’émigration 1,361 millions de personnes. Durant la même période, 600 000 Suisses ont quitté le pays et 485 000 Suisses ont immigré à nouveau.
2 Ne sont pas inclus : le contre-projet à l’initiative sur le renvoi qui a été refusé, les votations sur les questions d‘asile (4), les votations sur les questions de naturalisation (3), l’initiative populaire sur la réglementation de l’immigration qui a été refusée (24.09.2000)
3 i.Volumes des échanges de la Suisse avec le Brésil, la Chine, l’Inde, le Japon et la Chine selon la base de données Swiss-Impex de l’Administration fédérale des douanes (https://www.swiss-impex.admin.ch/index.xhtml). Valeurs provisoires.
ii. Volumes des échanges entre la Suisse et le Bade-Wurtemberg selon le Service selon le statistischen Landesamt Baden-Württemberg (Statistik-Portal). Propre conversion en francs.
iii. Volumes des échanges entre la Suisse et le Vorarlberg selon la Landesstatistik Vorarlberg (Amt der Vorarlberger Landesregierung (2015)). A défaut de valeurs pour 2015, une estimation des valeurs pour 2014 a été réalisée conformément au développement du volume commercial entre la Suisse et l’Autriche 2014-2015. Propre conversion en francs.
iv. Volumes des échanges entre la Suisse et l’Alsace selon la Direction générale des douanes et droits indirects (2016). Propre conversion en francs.
v. Volumes des échanges entre la Suisse et la Lombardie selon SECO (2013). A défaut de valeurs pour 2013-2015, une estimation des valeurs pour 2012 a été réalisée conformément au développement du volume commercial entre la Suisse et l’Italie 2012-2015. Propre conversion en francs.
4 Valeurs pour 1995 et 2015 selon Swiss-Impex de l’Administration fédérale des douanes. Les valeurs pour 2015 sont provisoires. Propre calcul des parts en pourcentage. Estimation pour 2035: poursuite des tendances et/ou des taux de croissance 1995-2015 des 20 partenaires commerciaux les plus importants de 1995, ainsi que du total des partenaires «restants».
5 Mesurée en création de valeur (PIB) par heure travaillée
6 Le PIB par habitant peut être divisé en cinq facteurs (composants):
– Création de valeur (Fr.) / heure de travail
– Temps de travail (h) / actifs
– Actifs / population active (si on soustrait ces quotients de 1, on obtient le taux de chômage)
– Population active / habitant en âge de travailler (15 – 64 ans)
– Habitant en âge de travailler (15 – 64 ans) / population totale
Les taux de variation de chacun de ces facteurs correspondent à leur contribution à la croissance du PIB. Pour des taux de variations plus faibles, il est approximativement correct de les additionner simplement. Si la création de valeur par heure de travail réalisée augmente par exemple de 1%, le temps de travail par actif et la part d’habitant en âge de travailler de la population totale baissent de 0,5% (alors que le reste demeure inchangé), il en résulte une croissance nulle du PIB/habitant (1 – 0.5 – 0.5 = 0).
7 Les chiffres indiquent les valeurs maximale et minimale des estimations disponibles. Les estimations proviennent de l’Office fédéral de la statistique (évaluation séparée pour Avenir Suisse, OFS (2008), Hauser et al. (2009) et BCG & Swiss-American Chamber of Commerce (2012).
8 www.nzz.ch/finanzen/aktien/wem-gehoert-der-schweizer-aktienmarkt-ld.1519
Bibliographie
Amt der Vorarlberger Landesregierung (2015): Aussenhandel 2014 – vorläufige Ergebnisse
BCG & Swiss-American Chamber of Commerce (2012): Multinational Companies in Geneva and Vaud. Growth Engine at Risk! www.amcham.ch/publications/downloads/20120612_bcg_amcham_study_en.pdf
Direction générale des douanes et droits indirects (2016): Alsace, 4ème trimestre 2015 – Les chiffres clé de la région
Hauser, Christian; Hauser, Heinz; Moser, Peter (2009): Die volkswirtschaftliche Bedeutung börsenkotierter Schweizer Aktiengesellschaften. Studie zuhanden von Economiesuisse. Chur.
Office fédéral de la statistique OFS (2008): Analyse zur Betriebszählung 2005 – KMUI-Landschaft im Wandel. Neuchâtel.
SECO (2013): Rapport sur la politique économique extérieure 2012 – Messages concernant des accords économiques internationaux et Rapport sur les mesures tarifaires prises en 2012