Vers le résumé

Ressources et environnement

L’humanité consomme toujours plus de ressources et des scénarios catastrophes viennent noircir le tableau. La solution aux problèmes ne se trouve pas dans le renoncement, mais dans la croissance et le progrès.

Dominik Hauri

La quête humaine de croissance et de prospérité s’accompagne de la crainte que les ressources naturelles puissent être exploitées à outrance et s’épuisent définitivement. Depuis 1980, la population mondiale est passée de 4,4 milliards à plus de 7 milliards de personnes ; la performance économique mondiale a plus que doublé au cours de cette période. Cette évolution s’est accompagnée d’une forte augmentation de la consommation des ressources. Compte tenu de l’augmentation continue de la population et de la croissance économique des pays émergents, il ne faut pas s’attendre à une inversion de la tendance dans les prochaines décennies. Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE 2011) a calculé que l’exploitation globale des ressources pourrait tripler d’ici à 2050. La Terre est-elle capable de supporter cela ? De nombreuses organisations mettent en garde contre l’imminence d’une pénurie de ressources et des dommages irréversibles pour l’écologie. Renoncer à la consommation et se détourner de la «foi en la croissance» sont des revendications ordinaires.

Concevoir les ressources de façon dynamique

Cependant, un regard sur le passé permet, non pas de nourrir cette crainte, mais plutôt d’acquérir davantage de confiance. Depuis plus de deux siècles on nous prévient que, d’ici peu, des ressources importantes telles que la nourriture, les combustibles fossiles ou autres matières premières viendront à manquer à l’humanité. Jusqu’à présent, ces prévisions ne se sont pas réalisées. L’évolution des prix réels n’indique pas non plus que la disponibilité des ressources a souffert sur le long terme.

La longue liste des fausses alertes s’explique par le fait que l’on présume souvent d’un concept de ressources bien trop statique. La famine comme conséquence de la croissance démographique prédite par Thomas Robert Malthus (1766 –1834) n’a jamais eu lieu et ce, grâce à une énorme augmentation de la productivité dans le secteur agricole. Le Club de Rome mettait en garde en 1972 contre des «limites de la croissance» imminentes, face à la hausse des prix des ressources. Néanmoins, il sous-estimait le fait que la hausse des prix indiquait non seulement des pénuries, mais représentait aussi des incitations à la recherche de substituts et de nouvelles réserves, de même qu’au développement de procédés plus économiques et de nouvelles techniques d’extrac- tion. La capacité humaine à s’adapter et amé- liorer son savoir technique s’est jusqu’à  présent illustrée comme protection efficace contre la diminution des ressources.

Un environnement propre grâce à la croissance

Les revendications prônant un renoncement se fondent aussi sur le fait que le niveau de consommation actuel des pays industrialisés conduirait à des dégâts environnementaux potentiellement irréparables. Il est vrai, et dans une large mesure incontestable, que différentes formes de défaillances du marché peuvent générer une surexploitation des ressources naturelles. De plus, il n’est certainement pas dans notre intérêt de mobiliser l’eau, les sols, l’air pur ou encore la biodiversité au point de diminuer la qualité de vie des prochaines générations.

Il est tout aussi vrai – mais sans doute beaucoup plus controversé – que la croissance économique est davantage une partie de la solution et moins une partie du problème. Le désir d’un environnement propre et la disposition à mettre en œuvre les mesures nécessaires augmentent à partir d’un certain niveau de prospérité. Ce n’est pas un hasard si la situation écologique de la Suisse est extrême- ment bonne aujourd’hui et dans certains domaines meilleure qu’il y a encore quelques décennies. Dans de nombreux pays émergents aussi la protection de l’environnement gagne en importance.

Le défi global du changement climatique

Les grands défis des prochaines décennies se situent là où les corrections locales du marché font défaut, compte tenu de la dimension globale du problème. Dès lors, le réchauffement climatique attribué à l’émission de gaz à effet de serre devrait être au centre de l’attention publique. Compte tenu des différents intérêts des Etats et du débat émotionnel autour de l’énergie nucléaire, les perspectives de réussite – en l’espace de quelques décennies – de la réduction des émissions de carbone au niveau mondial sont hautement incertaines. Si elle devait réussir, ce ne serait pas grâce à une disposition à la sobriété, mais plutôt aux progrès techniques qui permettent une compatibilité toujours plus grande de la recherche de prospérité avec la protection climatique.

Approvisionnement en électricité

Transition technologique par décret

Dominik Hauri

En mai 2011, le Conseil fédéral a présenté sa «Stratégie énergétique 2050». Il a ainsi indiqué une volonté d’inflexion de la politique énergétique suisse. Auparavant, le mix de 60 % de force hydraulique et de 40 % d’énergie nucléaire, fruit d’une évolution historique, était le garant d’un approvisionnement énergétique sûr, économique et non polluant, qui aurait dû perdurer avec le remplacement des anciennes centrales nucléaires par des nouvelles. Sous le coup de l’accident de Fukushima, le Conseil fédéral n’était pas assuré de l’adhésion du peuple à l’énergie nucléaire et a ainsi proposé une sortie par étape du nucléaire, un développement massif et fortement subventionné des énergies renouvelables, ainsi que des mesures radicales d’économie d’énergie. Le Parlement a suivi ce plan jusqu’à maintenant – le peuple n’a jamais été consulté.

Selon le plan du Conseil fédéral, l’ensemble des centrales nucléaires devront être arrêtées en 2035. Or, même dans le meilleur des cas, les sources d’énergie renouvelable développées jusqu’à cette date (les lourdes installations photovoltaïques et éoliennes) ne pourraient pas remplacer plus du tiers environ de l’électricité d’origine nucléaire. Afin de garantir l’approvisionnement, il faudrait recourir à des importations – dans des proportions bien plus importantes qu’aujourd’hui – et vraisemblablement aussi à des centrales à gaz suisses. Le bilan CO2 de l’électricité consommée en Suisse se dégraderait et devrait ainsi être compensé par d’autres mesures incitatives dans d’autres secteurs énergétiques eu égard aux objectifs d’émission de la Suisse.

Peu de chances de réduire les subventions

Etant donné que les coûts de production de l’énergie solaire et éolienne ont fortement baissé au cours des dernières années, beaucoup d’observateurs espèrent que les constructions futures puissent être fabriquées avec nettement moins, voire pas de subventions. Mais il ne faut pas compter là-dessus, car le développement de la production liée à la météo (plutôt qu’aux besoins) se traduit par des recettes en constante baisse. Les subventions répandues en Europe et particulièrement en Allemagne ont conduit à un niveau de prix artificiellement bas dans le commerce de gros. La rentabilité insuffisante de beaucoup de centrales nucléaires conventionnelles et des incitations à investir en déclin sont les conséquences fatales de cette évolution. Un cercle vicieux de subventions est à prévoir ; des subventions pour les centrales hydrauliques sont mêmes déjà d’actualité en Suisse. Les «transitions technologiques» prescrites par l’Etat reposent sur des hypothèses risquées et potentiellement très onéreuses, surtout dans les secteurs nécessitant une forte infrastructure. C’est le cas pour le secteur de l’électricité, dont l’infrastructure de réseau repose aujourd’hui sur un faible nombre de grandes centrales électriques. La décentralisation toujours plus forte de la production d’électricité via de petites sources renouvelables fait émerger des demandes de consolidation et d’extension du réseau, dont les coûts ne peuvent pas encore être évalués de manière fiable. Il en va de même pour les coûts de stockage intermédiaire de l’énergie solaire et éolienne, dont la production n’est pas calquée sur la demande. Dans les deux cas, la «Stratégie énergétique 2050» – de manière semblable au développement économique des énergies renouvelables – s’appuie sur des hypothèses optimistes.

Garder des options ouvertes

Difficilement prévisibles, les développements techniques, économiques et institutionnels nationaux et internationaux rendent difficile une définition de la stratégie énergétique optimale. Bien que, dans l’environnement actuel, il n’y ait que peu de soutien pour la construction de nouvelles centrales nucléaires, cela aussi pourrait à nouveau changer. En cette période d’incertitude, la principale règle stratégique est de ne pas abandonner prématurément des options valables. Ce principe est pourtant violé par la «Stratégie énergétique 2050», qui veut orienter la politique d’approvisionnement dans une certaine direction en l’absence de tout besoin urgent.

Environnement et énergie

Politique climatique nationale excessive

Dominik Hauri

La Stratégie énergétique 2050, en plus de prévoir la sortie du nucléaire et la promotion des énergies renouvelables, fixe des objectifs ambitieux en matière de réduction de la consommation d’énergie et d’électricité et, dans ce sillage, de réduction des émissions de CO2. Lors de la conférence de Paris sur le climat, la Suisse a affirmé sa volonté de diminuer ses émissions de gaz à effet de serre de 30 % par rapport au niveau de 1990 d’ici à 2030. Selon la direction prise par la Confédération dans sa politique énergétique, il faudrait diminuer de moitié la consommation d’énergie par habitant au cours des vingt prochaines années.

L’amélioration de l’efficacité énergétique nécessaire pour atteindre ces objectifs devrait passer jusqu’en 2020 par une large palette d’obligations, d’interdictions et de mesures d’encouragement. Dans un deuxième temps, le Conseil fédéral souhaite remplacer progressivement cet ensemble de mesures par un système d’incitation. La réflexion derrière cette transition prévue est que la manière la plus efficace de réduire la consommation d’énergie consiste à s’en remettre au marché.

La Suisse, déjà un élève exemplaire

On se berce d’illusions si l’on espère, comme c’est souvent le cas jusqu’à présent, pouvoir réduire drastiquement la consommation d’énergie en exploitant le potentiel d’efficacité existant sans coûts économiques conséquents. Ni les entreprises ni les ménages n’ont intérêt à gaspiller de l’énergie. C’est particulièrement vrai en Suisse, où les émissions de CO2 sont aujourd’hui déjà taxées comme nulle part ailleurs. Parallèlement, aucun autre pays industrialisé ne dégage aussi peu d’émissions par rapport à son PIB. Cela laisse à penser que les coûts engendrés par un accroissement encore plus marqué de l’efficacité énergétique en Suisse seraient particulièrement élevés en comparaison internationale et qu’ils nuiraient à la compétitivité de l’économie.

Une étude commandée par le Conseil fédéral estime que, en 2030, les taxes d’incitation sur les combustibles et carburants devraient s’élever à 310 francs par tonne de CO2 pour atteindre les objectifs de réduction annoncés. Cela correspondrait à une taxe de 81 centimes le litre de mazout et de 73 centimes le litre d’essence, celle-ci venant s’ajouter aux charges actuelles qui continueraient en partie à être appliquées. Des taxes si élevées ne pourraient guère être réalisables d’un point de vue politique. Ainsi, il est à craindre que l’introduction d’un système d’incitation mènerait à une coexistence sur le long terme de mesures d’encouragement et d’incitation. Pour des raisons d’économie politique et de fiscalité, il est hautement improbable que, dans ces conditions, une grande partie des taxes incitatives soient réellement (comme cela a été annoncé) reversées à la population.

Garder le sens de la mesure

Dans le contexte international, une promesse faite unilatéralement par la Suisse pour agir en faveur de la protection du climat grâce à des taxes d’incitation reviendrait à une politique symbolique coûteuse. La Suisse n’est à l’origine que de 0,1 % des émissions mondiales de CO2 et elle ne peut pas influencer le climat de façon sensible. Dans le domaine de la protection du climat, la tentation de profiter des efforts de l’autre est forte, même après les accords de Paris. Il y a un fort risque que la Suisse se transforme non pas en modèle mais en exemple dissuasif pour les autres pays, en particulier si les entreprises qui consomment beaucoup d’énergie délocalisent leur production à l’étranger. Des dispositions exceptionnelles en faveur des entreprises particulièrement touchées pourraient certes atténuer le problème de la délocalisation, mais la charge supportée par le reste de l’économie et par les ménages en serait d’autant plus lourde.

La politique climatique et énergétique de la Confédération repose sur des suppositions en partie irréalistes quant à la robustesse de la croissance économique et aux chances d’infléchir la consommation d’énergie. Si elle est mise en œuvre, on peut s’attendre à ce que la liberté d’action des individus en pâtisse et que la place économique perde de son attractivité.

Solutions libérales

1) La Suisse devrait pratiquer une politique environnementale et de ressources ayant le sens de la mesure, qui ne sacrifie pas la compétitivité de l’économie à la volonté de jouer un rôle de modèle international.

2) Une allocation efficace des moyens dans le secteur de l’électricité présuppose de renforcer les forces du marché et de cesser d’accroître les subventions. La Suisse n’est pas un oasis sur le marché européen de l’électricité et l’incertitude à propos de l’évolution future de l’environnement international est considérable. C’est pourquoi, il est important de garder le plus d’options possibles ouvertes.

3) La branche locale de l’électricité est largement aux mains des cantons et des communes. Entre les intérêts particuliers fédéralistes et une stratégie de marché cohérente, il existe des conflits au niveau des objectifs. La privatisation de la branche, ainsi que la libéralisation du marché de l’électricité pour les petits clients sont souhaitables.

4) La redevance hydraulique, que les producteurs d’électricité paient aux cantons et aux communes ne devrait plus être calculée sur la base de la capacité de production, mais selon les prix d’électricité qui peuvent être atteints sur le marché. La compétitivité de l’énergie hydraulique souffrirait moins avec cette mesure que sous le régime actuel de baisse du prix de l’électricité.

5) Une contribution notable et efficace à la protection du climat pourrait être atteinte avec des mesures de compensation du CO2 à l’étranger. Puisque la Suisse présente déjà une efficience élevée en matière de CO2, les mesures de baisse des émissions de CO2 ont un coût nettement plus important dans notre pays qu’à l’étranger. Des mesures de réduction drastiques en Suisse ont un but pédagogique mais pas une utilité écologique significative.

6) Une intégration de la Suisse dans le système d’échange de quotas d’émission de CO2 européen permet d’atteindre de manière bien plus efficiente les objectifs fixés au niveau politique qu’une densité croissante de règles, d’interdictions et de taxes en Suisse (mentionnons p. ex. le Programme Bâtiments subventionné par la Confédération et les cantons).

Bibliographie

UNEP (2011): Decoupling Natural Resource Use and Environmental Impacts from Economic Growth.

 

 

https://www.avenir-suisse.ch/fr/1995-2035/ressources-et-environnement